Le sécuritaire alimente la Peur qui favorise la méfiance, la marginalisation, l'exclusion et la violence, le repli et l'individualisme contre la solidarité et les services publics, tant pis si cela peut aussi rendre malade . Le sécuritaire n’est pas la sécurité, au contraire il se nourrit de l’insécurité, de la méfiance, de la haine des uns contre les autres pour mieux cacher la politique antisociale à l’œuvre, la promotion de l'insécurité sociale.
D'ailleurs il faut veiller à ne pas trop soigner, comme pour la retraite, il s'agit de ne pas dépenser trop pour les improductifs, les malades chroniques, les pauvres; pas pour que cela coûte moins cher, la dégradation du service public de santé et ses conséquences sur l'accès au soin sans oublier la baisse de la prise en charge par l'assurance maladie qui amène la population à retarder la demande de soins vont entraîner comme aux États Unis un surcoût global financé par les patients et la population au profit des entreprises de santé, des assurances , des laboratoires pharmaceutiques et de leurs actionnaires .
La loi de Madame Bachelot, avec la tarification à l'activité(T2A), la convergence tarifaire, la liquidation de tous les espaces de débats et de responsabilité est une véritable machine de guerre contre l'hôpital public et n'en déplaise au ministère de la coupe du monde, il faudra un certain nombre de caïds immatures face aux jeunes apeurés que seront les médecins cliniciens contractuels pour faire appliquer aveuglément les orientations qui doivent organiser l'autodestruction de l'hôpital public. Bon nombre de directeurs ont montré qu'ils avaient une autre conception de leur mission et ont combattu ces orientations. La Vap-rimpsy (T2A pour la psychiatrie) est à la fois un outil de cette dérive comptable et un excellent moyen de formatage des pratiques , là où il fallait accueillir, il faut produire des actes, là où il fallait écouter, il faut surveiller , le patient en tant qu'individu n'y a progressivement plus sa place .
Certes un pousseur dans le RER cela choque, fait peur, d'autant plus que cela paraît incompréhensible et semble pouvoir toucher n'importe quel innocent, mais faut-il pour autant instrumentaliser cette peur, la commercialiser?.. La plume qui par les lois et décrets qu'elle signe, pousse la population à ne pas se soigner, les hôpitaux et les médecins à faire du chiffre, à se résigner pour certains à "adapter leur éthique", à sélectionner les actes et les patients, à réduire ces patients à des clients et des sommes d'actes , le professionnel à un producteur d'actes,n'est-elle pas beaucoup plus dangereuse que les images qu'on exhibe pour nous faire peur ? La voix qui prétend classer les hôpitaux en fonction du taux de mortalité ne peut ignorer la sanction qui peut en résulter pour les patients âgés, fragiles, trop lourds etc... priés de mourir avant l'admission, après leur sortie ou leur transfert. L'évaluation tous azimuts , le culte des chiffres tue en éloignant les équipes de leur objet: l'humain. La plume qui transforme le travailleur social en délateur, le policier en chasseur de sans papiers, de gens du voyages ou de pauvres en situation d'expulsion, n'est- elle pas responsable de la dégradation de l'image de ces agents de l'État et de la mise en danger de ceux-ci au même titre que tous les représentants de l'État .
L'important n'est-il pas que cela conforte le sentiment d'insécurité et produise de l'activité.
Là où en psychiatrie, on nous encourage à ne pas faire notre travail pour générer de l'activité qui rapporte, les Roms viennent au secours de la police pour leur activité et leur budget ; quoi de mieux en effet que d'expulser un grand nombre de Roms qui vont se déplacer pour fournir de l'activité à l'équipe de police voisine et ainsi de suite, tant pis pour la violence si ça alimente les chiffres, le budget , le terrain médiatique.
Constance et cohérence, après les circulaires sur la sécurisation en psychiatrie le Ministère de la Santé propose une loi qui n'aura pas d'autre résultat que d'éloigner les patients des soins, d'en favoriser la marginalisation et l'abandon. Il s'agit par une généralisation de la contrainte, de faire des équipes de psychiatrie une menace pour la population et ,par là même ,retarder l'accès aux soins par la méfiance et la peur qu'elles susciteront. Là ou l'accueil, le temps de l'écoute était possible, l'effet d'ambiance, la crainte, la méfiance rendront toute véritable alliance thérapeutique impossible . Plusieurs dizaines d'années de travail vont être annihilées là où l'accueil et l'écoute étaient encore une exigence.
L'échec de cette politique conduira à l'extension de l'enfermement pour le plus grand profit des bétonneurs sans pour autant bien au contraire , parvenir à l'impossible risque 0 , confortant là encore le sentiment d'insécurité.
Régression et archaïsme, comme le résume le seul argument avancé par un sénateur après la diffusion du communiqué du collectif "Refusons la politique de la peur" à l’adresse des candidats en février: « quand vous aurez subi plusieurs agressions graves, vous pourrez parler ,ou pire écrire !! ».
Il ne semble pas ,dans ce contexte, y avoir de demi-mesure; toute critique alimente la propagande sécuritaire qui occupe le terrain médiatique y compris en clivant artificiellement l'opinion par des sondages où la définition de la sécurité s'oppose ou n'est pas associée à la "sécurité sociale"(emploi, soins, pouvoir d'achat, retraites etc..) et se réduit à la répression ; mettre en avant cette cohérence autant que possible, en dénoncer et expliciter les pièges par la tenue de débats publics sur tous ces thèmes semble être la seule voie possible.
Il paraît essentiel que ces débat se déroulent dans l'année à venir et qu'ils associent toutes les oppositions franches ou non à cette politique. La tentation sécuritaire , marché porteur , a en effet pu concerner en 2002 comme en 2007 des élus de tous bords .De même ,nous l'avons vu en 2005 le débat sur les services publics a été tronqué, permettant son remplacement par un service économique d’intérêt général et le passage du statut au contrat ,dont la préfiguration actuelle nous démontre déjà qu’il ne pourra répondre aux besoins des populations les plus défavorisées.
La Fête de l'Humanité les 10,11 et 12 septembre sera une première occasion de reprendre ces discussions.
Pierre Paresys vice président de l'union syndicale de la psychiatrie le 8 septembre 2010