Collectif
des infirmières non inscrites à
l’Ordre National Infirmier
Monsieur le
président, mesdames et messieurs les députés,
Alors qu’une proposition de loi émanant de plusieurs députés circule visant à restreindre l’obligation d’inscription à l’Ordre National les infirmiers salariés, la Commission des Affaires sociales a auditionné le 23 mars dernier Mme Dominique Le Bœuf, présidente de l’Ordre National Infirmier.
Nous sommes une première fois intervenues auprès de la commission avant la séance du 23 mars pour vous exposer les arguments portés par la majorité de la profession que l’Ordre est censé représenter et défendre. Dans de nombreux départements les infirmières rencontrent leurs députés pour défendre leur position et faire entendre leur opposition.
Les 45 associations qui ont œuvré pour la création d’un ordre,
que la présidente de l’ordre appelle les « forces vives de la profession
infirmière » ne sont absolument pas représentatives de la profession
et n’ont aucune légitimité à « fédérer la profession ». Nous
nous permettons de vous rappeler que 87% de la profession n’ont pas
participé aux élections des conseillers ordinaux. La participation
de nos citoyens aux dernières élections régionales apparait en
comparaison
comme un véritable raz de marée ! Certains
conseillers ont été élus avec moins de 10 voix sur des centaines
d'électeurs. Dans les
établissements du secteur public hospitalier la participation aux
élections
des représentants du personnel est supérieure à 50%. Un taux de
participation
inférieur à 40% provoque un second tour où des candidats hors
organisation
syndicale peuvent se présenter.
La légitimité reconnue à l’Ordre dans ce contexte constitue un grave déni de démocratie.
Lors de son audition pourtant la présidente de l’ordre continue
d’affirmer
ce que la réalité du terrain infirme dans les établissements mais
aussi dans le secteur libéral : L’Ordre n’est pas une demande de
la profession, il est inutile et contestable. L’Ordre revendique le
retour de 50 000 dossiers d’inscription, soit à peine 10% de la
population
infirmière. Ni le nombre de dossiers « recevables » ni le nombre
d’autorisations
d’exercice délivrées, ni celui encore des cotisations n’ont été
précisés.
La présidente
rassure la commission sur la démocratie interne et la transparence
au sein de l’Ordre. Il apparait que tous les conseillers ordinaux
ne partagent pas son avis. Nous vous joignons la lettre argumentée
de démission d’un conseiller ordinal du Calvados qui vous éclairera
sur le fonctionnement démocratique de cette institution.
La compétence
d’état pour autoriser (gratuitement) les infirmiers diplômés à
exercer est une garantie d’égalité de traitement. L’évolution
de la profession, sa régulation doivent demeurer de la compétence
du Haut Conseil des Professions Para-Médicales. Il serait toutefois
opportun de penser une meilleure représentation du secteur libéral
au sein du Haut Conseil pour répondre aux demandes d’une partie de
nos collègues libérale.
La présidente de l’ordre accuse les syndicats d’être opposés à l’Ordre par soucis de préserver leurs prérogatives. Vous ne pouvez que constater que l’opposition de la profession dépasse largement le cadre des professionnels syndiqués. Les syndicats ne revendiquent pas 87% d’adhérents ! C’est la profession toute entière qui réagit en refusant de s’inscrire et de payer. Une profession dont les actes et compétences sont encadrés strictement, des professionnels qui respectent une déontologie propre définie par le Code de la santé publique, des professionnels salariés à 80% et déjà concernés par des instances disciplinaires, des professionnels pénalement responsables de leurs actes le cas échéant…
La présidente
de l’ordre évoque la pression psychologique pénible qui pèse sur
ses élus. Que dire de celle que vivent au quotidien des centaines de
milliers d’infirmières qui se battent, dans les conditions que personne
n’ignore, pour assurer des soins dans le respect de la sécurité
et de la dignité des personnes soignées ?
Les conditions de travail sont difficiles, les salaires peu attractifs, 20% des infirmières cessent leur activité avant l’âge du départ à la retraite (55 ans !)… La remise en cause de la catégorie active annoncée pour la profession est une nouvelle étincelle dans un secteur où les raisons de la colère sont déjà grandes !
Des mouvements
sociaux ont lieu dans de nombreux hôpitaux, les restructurations en
cours constituent une pression importante, imposer cette obligation
morale et financière à la profession crée un climat de tension
qui n’est ni dans l’intérêt des institutions ni dans celui de
la population.
Ce que la présidente tient pour un signe de « dignité » (payer 6.25 euros par mois), la profession le vit comme une injustice et comme une humiliation. Si Monsieur le Président de la Commission des Affaires sociales semble mesurer la question du pouvoir d’achat et du reste à vivre des professionnels, la présidente de l’ordre, elle, méconnaît manifestement la réalité économique de ses « consœurs »…
Le recours au cabinet Ernst and Young, qui aurait évalué les charges de l’ordre à 37 millions d’euros, ne dénote t-il pas d’une certaine folie des grandeurs ? Ce budget considérable correspond t-il à la dépense actuellement supportée par l’Etat pour les missions de service public concernant notre profession?
Malgré
la contestation concernant le prix de la cotisation, y compris au sein
des micros associations ou syndicats professionnels qui ont souhaité
la mise en place de l’ordre, la présidente annonce en filigrane à
la Commission des Affaires Sociales que les frais de relance et les
recours contre les infirmières récalcitrantes sont coûteux et qu’il
faudra augmenter la cotisation !
Nous nous
permettons
de vous informer que l’ordre exerce des pressions sur les jeunes
professionnels
qui ne peuvent s’inscrire à la DDASS sans une inscription préalable
à l’ordre. Nous estimons que l’ordonnance n°2010-177 du 23 février
2010, article. 14, introduit de la discrimination entre les jeunes
professionnels
et les professionnels en exercice. Ces derniers ont encore le choix
de résister, quitte à s’exposer à des sanctions pénales.
Nous remercions
ceux d’entre vous qui reconnaissent aujourd’hui que la loi portant
création de l’ordre a été hâtivement votée. Vous avez pris acte
de la non légitimité réelle, morale, de l’ordre. Vous ne pouvez
pas laisser une poignée de professionnels non représentatifs et
fortement
contestés décider de l’avenir de la profession.
Vous ne pouvez pas autoriser que des centaines de milliers d’infirmières soient poursuivies demain pour exercice illégal de la profession. Elles sont titulaires d’un diplôme d’Etat, elles étaient jusque là autorisées à exercer par les services de l’Etat, elles n’ont commis aucune faute professionnelle et pourtant elles sont passibles de peine d’emprisonnement, d’amendes et d’interdiction d’exercice.
Nous vous
demandons
aujourd’hui d’abroger cette loi. Il vous appartient, comme à vos
groupes parlementaires, de réparer le désordre crée par la mise en
place de l’Ordre.
Paris, le 1er avril 2010