Les infirmiers du désordre
Proposée
au mois de juin 2006 à l'assemblée nationale,
Fruit
d’un lobbying soutenu, la commande faite au législateur n’est issue que d’une
minorité d'associations d'infirmiers (une quarantaine sur les deux cents et
plus que comptent la profession et quatre syndicats de libéraux).
Les
premières élections soulignent cet état de fait. C’est un véritable fiasco. Seules
20% des infirmières libérales et 10% des salariées prennent part au vote !
Malgré ce rejet, l’absence d’engouement, un manque de confiance patent, la
profession d'infirmier[2]
est tout de même placée sous tutelle, sous la coupe d'un ordre professionnel
qui va défendre son honneur et son indépendance (sic) et qui va être le garant de la qualité de ses
pratiques !
Sur
un terrain déjà peu propice à la discussion, les promoteurs de l’ONI, pratiquement
autoproclamés dirigeants, font encore bonne preuve de tact, en exigeant de
chacun des membres de leurs troupes, soit 510000 volontaires désignés d’office,
la modique somme de 75 euros comme autorisation à exercer.
Nous
refusons de payer pour travailler, ce contre slogan se met vite à gronder dans
tous les lieux de soin, jusqu’à résonner aux portes des plus grandes instances
de la nation.
Trois
ans après la proposition de loi, le désaveu s’amplifie. Il se traduit par un
refus quasi général d’inscription, en particulier chez les professionnels
salariés où la fronde s’installe. Certains élus politiques membres des conseils
d’administrations des hôpitaux n’hésitent plus à le dire, l’ordre national des infirmiers a
davantage créé du désordre et de la division qu’uni la profession[3].
Contrairement
à ce que ses partisans aimeraient faire passer, un ordre professionnel est une
survivance d’un passé révolu à l’héritage lourd, sombre car antisémite,
xénophobe[4].
Le
contrôle de l'accès à une profession et sa régulation doivent rester de la
compétence de l'Etat. Les dérives sont clairement possibles si ce contrôle est
laissé à des officines privées...
Le
code de déontologie fait partie du code de la santé. L'ONI, un sigle décidément
bien trouvé, travaille en ce moment à
le modifier. Les seuls changements de virgules et autres petits rajouts
démontrent avec quel sérieux la réflexion est menée.
A
noter la notion de dévouement chinée dans le code des médecins, alors que les
infirmiers ont passé des années à s’en défaire. D’autres en lien avec la bonne
moralité digne des ordres religieux du début de siècle dernier ou même de celui
d'avant. Manqueraient peut-être celles de famille et pourquoi pas de patrie… ?
Les
lois de notre république n’étant visiblement pas suffisantes, malgré
l’existence d’instances dans le privé et dans le public, l’ONI devient
« aussi », compétent en termes de sanctions disciplinaires. Juger ne
lui suffit pas, il veut aussi punir. Punir plus en infligeant une double peine
se rajoutant à ce que prévoit la loi française ou européenne. Punir plus au
moment où l ‘on va demander aux infirmiers de travailler plus ou plus
exactement plus longtemps.
Attention
à ne pas sortir du rang, du sillon qui est en train de se tracer. Des chambres
disciplinaires, véritables tribunaux d'exception mis en place dans l'allégresse
et la jouissance, serviront d’ici peu à alimenter la politique de la peur qui
s’immisce actuellement jusqu’au cœur du soin. Quel infirmier ose dire
aujourd’hui, qui s’autorise à dire en effet, combien il se sent mal dans ce
qu’il fait, ce qu’il est. Torturé par l’idée d’avoir à passer plus de temps à
prouver ce qu’il fait, qu’exercer l’art de soigner auprès de cet autre lui-même
souffrant. Torturé par l ‘idée, l’ambiance de faute, d’erreur imposée au
soin par la technocratie sous couvert de la recherche de qualité, du risque
zéro, de l’asepsie généralisée.
Moins
d’arguments auraient suffi pour nourrir la révolte. Les désobéissantes[5], un collectif d'insoumises est né !
La revendication est simple et sans appel, elle rassemble toutes celles et ceux
qui refusent l’inscription à l'ordre national infirmier. Ce charivari arrive
aux oreilles des députés, quelques-uns le suivent et demandent la révision ou
l’abrogation de la loi.
La
présidente de l'ONI, auditionnée sur ce sujet par la commission des affaires
sociales de l'assemblée nationale le 23 MARS 2010, montre à quel point elle
méprise une partie de ceux qu'elle est censée représenter. Elle est souvent reprise
par les députés étonnés, certains lui demandant d’ailleurs comment l'ordre peut
envisager l'avenir alors que seuls 10% des infirmiers ont payé leur cotisation.
Dans
son premier bulletin officiel[6],
l’ONI propose paradoxalement de refonder l’exercice infirmier en psychiatrie.
Séduction ou provocation de la part de ceux qui dans les années 90, lorsqu’ils
militaient au Cefiec[7]
et au FNI[8],
exerçaient déjà leur lobbying ministériel pour que les ISP, les infirmiers de
secteur psychiatrique n’accèdent pas de droit au diplôme unique. Les mêmes qui
se classaient du côté pur de la blanche asepsie, encore elle, comme seuls et
vrais infirmiers. Les mêmes qui renvoyaient les « psy » du côté
obscur, mal rasés, fumeurs et buveurs de café interdits car incapables de haute
technicité.
Séduction ou
provocation lorsque la première proposition, la première décision divine est de reconnaître les infirmiers de secteur
psychiatrique, à l’égal des infirmiers diplômés d’Etat (IDE).
S’appuyant
sur un rapport de synthèse[9]
intitulé « psychiatrie et santé
mentale, enjeux et perspectives pour les pratiques infirmières », un dossier
ou chaque idée mériterait d’être dépliée, cette refonte de l’exercice ISP a la même
tonalité que le chant des Sirènes.
Un chant inoffensif pour celles et ceux, infirmières
et infirmiers de secteur psychiatriques, car avant tout psychistes et donc devenus
maîtres de ce qui fait science et art de l’écoute et de l’écho.
Un chant inoffensif pour celles et ceux, infirmières
et infirmiers de secteur psychiatriques, préférant le désordre structuré à
l’ordre, le surréalisme au pragmatisme, le désaliénisme à la contrainte.
Olivier Mans
@Marie
Leyreloup
Psychistes à
Caen et à Paris
[1] http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000790702&dateTexte=
[2] Lire partout infirmier - infirmière
[3] http://www.serpsy.org/actualites_2010/c0910033.pdf
[4] http://www.lexpress.fr/actualite/politique/l-ordre-et-le-repentir_492485.html
[5] http://www.contrordreinfirmier.org/
[6] http://www.ordre-infirmiers.fr/wp-content/themes/default/pdf/oni_profession_infirmiere_1.pdf
[7] Comité d’Entente des Formations Infirmières Et Cadres
[8] Fédération Nationale des Infirmières
[9] http://www.ordre-infirmiers.fr/wp-content/themes/default/pdf/rapport_cnoi_sante_mentale_30032010.pdf