Sauver la médecine
Nous sommes médecins. Nous avons fait de 7 à 11 années d’études, parfois plus, des études difficiles auxquelles nous
nous sommes entièrement consacrés afin
de pouvoir être médecins, soigner les malades. A l’issue de nos études nous avons prêté Serment de
soigner tous les malades avec «
conscience », « dévouement » et selon « les données acquises de la
science » (Art 32 du Code de déontologie
médicale). Avons-nous prêté ce Serment, pour
être contraints de faire notre métier dans les conditions actuelles
? Notre métier est de soigner.
Aujourd’hui, on nous interdit de le faire dans
des conditions conformes à notre déontologie.
Les malades âgés vivent une tragédie
Aux urgences les patients, souvent âgés, attendent des heures sur des brancards. Nous sommes parfois contraints de les examiner (de les faire dévêtir) au milieu des autres patients et des familles. Certains deviennent incontinents à force d’attendre le bassin qui n’arrive pas. Et dans les services de long séjour ? Le manque de tout est dramatique : ici, une seule infirmière la nuit pour deux étages, deux aides soignantes pour quarante malades lourds, ce qui signifie 15 minutes pour une toilette. Là, des chiffonnettes de ménage pour laver les patients, faute de gant de toilette. Partout, des contrats pour la nourriture revus à la baisse…
Nous ne pouvons pas laisser ainsi nos malades
Notre Code de Déontologie précise que : « Le médecin doit disposer de locaux adéquats et de moyens techniques
suffisants. Il ne doit pas exercer sa
profession dans des conditions qui puissent compromettre la qualité des soins. » (Art. 71). Tout le monde connaît ce
Code, les autorités le connaissent.
Alors, de quel droit nous imposent-elles une pénurie qui compromet non seulement la qualité des soins,
mais la vie de ces malades ? De quel
droit veulent-elles faire 28 millions€ d’économies supplémentaires sur ces services et faire basculer 80 à 95%
de leurs lits vers les EHPAD, établissements sous médicalisés et souvent privés
?
Le médecin est le « défenseur de l’enfant »
Plusieurs articles du Code de déontologie médicale sont consacrés aux enfants. L’article 43 précise : « le médecin
doit être le défenseur de l’ enfant
lorsqu’il estime que l’intérêt de sa santé est mal compris ou mal préservé ».
Alors de quel droit la médecine scolaire, irremplaçable pour la
prévention chez l’enfant, est-elle sacrifiée,
les examens obligatoires supprimés ? Au
nom de quoi veut-on imposer aux médecins scolaires de faire des choix parmi les élèves qu’ils verront ou non ? Alors
qu’en même temps, de plus en plus d’enfants malades et handicapés physiques et
mentaux sont intégrés à l’école «
ordinaire ». Parmi ces enfants, des
autistes : « on oblige ces enfants à souffrir dans une classe et on oblige les enseignants à
rester sourds à leurs appels pour
conforter l’intégration dans l’ordinaire. (…)Nous n’acceptons pas qu’on
nous impose de nuire à la santé d’un
enfant, de faire n’importe quoi à n’importe
quel prix » écrivent des pédopsychiatres. Privatiser, détruire l’hôpital public :
impossible L’hôpital
Saint-Vincent-de-Paul est promis à la fermeture… un hôpital spécialisé dans le traitement des handicaps
de l’enfant ! « Il a fallu entre 40 et
50 ans pour constituer ce pôle d’excellence avec des personnels au savoir faire incomparable » dit un médecin de
l’hôpital. Chaque année, 2 500 enfants y
naissent et 4 000 à 5 000 y sont
opérés. Où iraient les
petits malades ? Où naîtraient les
enfants ? N'importe où ? Au domicile, ou même
sur des parkings comme cela s’est produit déjà? Comment les médecins l’accepteraient-ils
? Lorsque nous soulevons ce problème, on nous répond qu’ils iront à Cochin, dans
d’autres hôpitaux, alors qu’on y créé pas les lits en nombre suffisant. L’hôpital public ne parvient plus à jouer son
rôle. Malgré le dévouement infini de ses
personnels, malgré tous nos efforts, les listes d’attente s’ allongent, il nous faut envoyer les malades
dans le privé, faute de moyens. Dans un hôpital de l’Assistance Publique de
Paris, le service des Admissions demande
aux malades leur « carte de mutuelle et leur dernière quittance de loyer ou d’électricité » et précise « si votre
dossier n’est pas complet au moment de
l’admission, vous devrez verser une provision proportionnelle à la durée du séjour. A défaut d’une provision, l’hospitalisation
peut être reportée ». Le malade qui n’a pu payer son électricité,
qui n’a pas de domicile propre ou de
mutuelle doit avancer une partie des frais, sinon il n’est pas hospitalisé ! N’est-ce pas la négation de
l’hôpital public ? Pas d’argent, pas de
soins ? Le Code de Sécurité sociale précise que « L’assurance maladie comporte la couverture des frais de médecine
générale et spéciale(…) y compris des
frais d’hospitalisation et de traitement dans les établissements de soins ainsi que des frais d’intervention
chirurgicales nécessaires… » (article
L321-1 ) De quel droit nous demande-t-on
de violer le code de Sécurité sociale et le
code de déontologie ? Les grands
malades : comment allons-nous les soigner ?
Désormais, comme tous les patient souffrant d’une affection de longue
durée (ALD, prises en charge à 100% par
la Sécurité sociale), les patients cancéreux
devraient être traités obligatoirement par des « protocoles de soins » validés par la Haute Autorité de Santé,
sous peine de ne pas être remboursés à 100%.
Mais, pour certains patients, en particulier ceux qui ont rechuté, il
n’y a pas de protocoles. Aujourd’hui,
ils sont traités de façon individuelle dans
l’optique de « gagner du temps » de vie . Nous avons le devoir (article
32 du code de déontologie) de délivrer
aux patients « des soins fondés sur les
données acquise de la science…», donc les soins les plus efficaces.
Dans tous les textes officiels, la
notion d’efficacité des soins est remplacée
par celle de leur « efficience ». Or, « l’efficience », c’est le «
rapport efficacité sur coût » (Petit
Robert) ! De quel droit obligerait-on les
médecins à ne pas prescrire les médicaments les meilleurs parce qu’ils
sont chers ? Les cancérologues sont très
inquiets : il pourrait y avoir un « coût
» à partir duquel ils n’auraient plus le droit de traiter leurs malades cancéreux. Si, aujourd’hui, 80% de certaines leucémies
de l’enfant se guérissent, c’est
parce que la Sécurité Sociale a permis aux médecins de continuer leurs
traitements malgré des avancées qui se faisaient pas à pas : quelques mois
de survie, puis quelques années… avant de parler aujourd’hui de guérison.
Il s’agit de toute la médecine
En remboursant à 100% tous ceux qui avaient besoin de soins réguliers et coûteux, la Sécurité sociale a permis que se
soignent tous les malades, à égalité, quels que soient leurs revenus. Elle a
permis que les médecins puissent se conformer notamment à l’article 8 du code
de déontologie : « Le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles
qu’il estime les plus appropriées en la circonstance ». Et on nous dit
aujourd’hui que les malades en ALD coûtent trop cher. Que notre rôle serait
désormais de faire des économies sur leurs soins. Economiser sur les soins de ces
patients, les plus vulnérables, cardiaques, diabétiques, malades
psychiatriques, personnes âgées, etc. ?
Comment pourrions-nous faire une pareille chose, alors que notre métier est de
les soigner ? Serait-on venu à bout du terrible fléau que fut la tuberculose si
la Sécurité sociale avait tenu un tel raisonnement en 1945 ( époque où pourtant
l’économie se portait encore plus mal qu’aujourd’hui) ?
« Répression de la fraude » : contre les
médecins, contre les malades
Il vient d’être créé à la CNAM un service « de répression de la fraude ». « Répression », « fraude », quel rapport avec
la médecine? M. Pierre Fender, directeur
du service, indique que des milliers de médecins sont menacés de sanctions.
Quel est donc leur « crime » ? Ils n’ont pas « respecté l’ordonnancier bi-zone
» indique la CNAM. Ils ont prescrit dans la zone 100% des médicaments qui « ne relèvent pas d’une ALD
». Mais un médecin peut-il « respecter »
l’ordonnancier bi-zone ? Comment pourrions-nous « découper » des êtres humains
en organes et maladies alors que c’est contraire au savoir médical ? Une grippe ou un ulcère de
l’estomac seraient-ils sans conséquences chez un cardiaque ou un cancéreux ? Et
que devrait faire le médecin si le malade ne peut pas payer ? Un cardiaque ou
un cancéreux n’ aurait-t-il plus le droit de soigner sa grippe ou son ulcère de
l’estomac quand il n’a pas d’argent ?
Pénaliser les malades : ce n’est pas le rôle du médecin
Ce n’est pas notre rôle de cocher des cases sur la nouvelle feuille de
soins pour que le malade soit moins
remboursé s’il est « hors parcours de soins »…. Demander (quémander ?) aux patients
un dépassement d’honoraires parce que le gouvernement refuse de revaloriser nos
actes médicaux… ce n’est pas non plus notre rôle de faire payer les malades. Ce
n’est pas aux patients de payer de leur poche. Sur quels critères demander les
7€ ? A la tête du client ? Ce ne sont
pas forcément les plus pauvres qui protestent…
Que faire ? Comment faire quand être payé correctement de son travail n’est plus un droit ? Les médecins ont honte de demander les 7€… Mais s’ils ne prennent aucun dépassement, vont-ils pouvoir continuer à faire leur métier : soigner les malades ? Et s’ils ferment leurs cabinets, que vont devenir les patients ? Et ceux qui n’ont pas d’argent, vont-ils pouvoir continuer à consulter ?
Nous sommes médecins. Notre devoir est «
d’assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés
sur les données acquises de la science » (Art 32 du Code de déontologie
médicale). De quel droit nous interdirait-on de prescrire dans l’intérêt des malades
?
La déontologie médicale, dont Hippocrate a jeté les bases il y a 2500 ans,
est le produit des lents progrès de l’humanité. Défendre notre métier de médecins,
c’est défendre la démocratie, la civilisation, la VIE.
Nous appelons nos confrères,
libéraux, hospitaliers, salariés, à se rassembler : meeting samedi 21 janvier à
15 heures , Hôpital Cochin, amphithéâtre Coste.
pour défendre
la médecine, notre métier de médecins, notre déontologie, les hôpitaux, la santé, la Sécurité sociale
Dr S. ALKHALLAF, Dr A. BARATGIN, Dr S. BELLUCCI, Dr B. BENET, Pr A. BIZIEN,
Dr A.T. BUI, Dr MT. BUGE, Dr A. BUVRY, Dr JL. CHABERNAUD, Dr CF. CRETIEN, Dr
M. DEBAT, Dr P. DEBAT, Dr G. DELEPINE, Dr N. DELEPINE, Dr J. DELON, Dr MH.
DOGUET, Dr R. FERRERI, Dr L. FOUILLARD, Dr JL. GAILLARD, Dr A. GAUVAIN, Pr
F. GUERIN, Dr G. HANON, Dr C. HOUSSAYE, Dr M. LAGIER, Dr JP. LAPORTE, Dr
MP.
LEMONNIER, Dr G. LOUBERT, Dr G. MALBURET, Dr F. PARAIRE, Dr A.POLI, Dr C.
RAMBAUD, Dr P. RIVIERE, Dr MC. ROMANO, Pr JC. ROUJEAU, Dr P. SADOUL, Dr P.
SALVAING, Dr N. SARFATY, Dr E.
TOUATY, Dr C. VENET, Dr P. VIENOT, Dr L. YON.
Je participerai au meeting. Nom,
prénom…………………………………….Adresse……………………………………
Tel ………………………. e-mail………………………………………..je soutiens
financièrement........................€
Correspondance : Dr Pierre DEBAT, 18 voie Mehul 94400Vitry. Fax : 01 46 78
79 98. e-mail : pierre.debat@tiscali.fr