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SANTE MENTALE ET PSYCHIATRIE OU PSYCHIATRIE ET SANTE MENTALE ?

SANTE MENTALE ET PSYCHIATRIE

OU PSYCHIATRIE ET SANTE MENTALE ?

Les mots contrairement à ce qu’on croit n’ont aucun sens. Ils ne prennent sens que dans un discours, une construction qui jette le voile sur ce qui les taraude.

Si le concept de santé mentale tend à évacuer celui de psychiatrie, il ne faut y voir là aucun effet du hasard. La route est déjà longue qui a conduit à opérer progressivement cette substitution. Cette route est devenue en partie lisible. Quelques panneaux sont parfaitement repérables.

-         la psychiatrie de secteur aujourd’hui en voie de liquidation.

-         Le courant de la psychothérapie institutionnelle.

-         Les catégorisations cliniques type DSM et les positions de l’OMS.

-         Le développement du secteur libéral.

-         La disparition des professionnels de la psychiatrie.

-         Le développement des neurosciences.

-         Le marché des psychothérapies.

Le plan intitulé Psychiatrie et Santé Mentale est porté par tout ce cheminement. Il se distingue d’ailleurs par l’ABSENCE DE PROPOSITIONS NOUVELLES. Il se contente de récapituler les plans précédents et nous pouvons nous souvenir qu’ils comportaient déjà les recettes pour réduire le service public de psychiatrie de secteur. Bien sûr, ils ne l’avouèrent jamais ; mais la réalité s’est chargée de le démontrer.

 Le psychiatrie de secteur

 La psychiatrie de secteur est essentielle pour comprendre cette évolution. Elle se voulait en effet assurer la totalité de la chaîne des soins, de la prévention à la réinsertion sans couper le patient de sa vie familiale et sociale. Elle se voulait gratuite.

 La psychothérapie institutionnelle

 La psychothérapie institutionnelle ne venait pas s’opposer à cette orientation puisqu’elle s’appuyait sur l’institution et son analyse pour assurer une prise du sujet dans un cheminement signifiant lui permettant de déchiffrer l’indicible de ses symptômes. Elle encourageait la poursuite de cette démarche jusqu’au cœur de la société. L’anti- psychiatrie a plutôt pensé que la famille et la société causaient les maladies mentales.

 Les catégorisations cliniques, type DSM,

 Les catégorisations cliniques, type DSM, proposent une catégorisation clinique des troubles et des comportements utilisables par le plus grand nombre de professionnels en psychiatrie et en dehors de la psychiatrie. La psychiatrie est sortie des murs de l’asile. Est alors venue à sa rencontre une clinique applicable partout et qui entendait faire l’économie des catégorisations  cliniques de la psychiatrie et des enjeux théoriques. Une histoire était ainsi balayée. L’épidémiologie  pouvait enfin trouver son champ d’expansion du côté des comportements et des troubles des individus et alimenter les recommandations de L’OMS qui font de la Santé Mentale un impératif catégorique mondialisé.

Le secteur libéral

Le secteur libéral a connu un développement sans précédent dans les années quatre vingt et  a créé un appel d’air pour des demandes que les acteurs médico-économiques, comme on dit de nos jours, n’ont pas été sans créer, ne serait ce que pour assurer une certaine paix sociale. Il faudra bien un jour prendre la mesure  des conséquences de la disparition d’un certain nombre de nouages sociaux dans la mise en place sournoise du contrôle, de la  détection des comportements problématiques et des troubles adressés aux psys hors les murs de l’asile et hors d’une clinique différentielle articulée à un nouage de symptômes.

La disparition des professionnels de la psychiatrie.

 Des professionnels de la psychiatrie sont en voie de disparition comme les infirmiers de psychiatrie qui bénéficiaient d’une formation spécifique sont presque tous remplacés aujourd’hui par des infirmiers généralistes, polyvalents. Les psychiatres commencent à manquer pour occuper les places vacantes après la disparition de l’internat et le numerus clausus. Pendant ce temps les psychologues croissent en nombre et leur formation s’adapte à l’air du temps : DSM et neurosciences fabriquent des psychologues destinés aux différents âges de la vie, à des spécialités (neuropsychologues, oncopsychologues…) et bientôt formés, à l’Université, aux techniques psychothérapeutiques.

Le développement des neurosciences.

Le développement des neurosciences est tout à fait compatible avec la catégorisation des troubles et des comportements tout autant qu’avec le développement de la biologie moderne. Elles trouvent, de ce fait, le terrain pour un développement hégémonique. Leurs applications par le biais du cognitivo-comportementalisme viennent parfaitement répondre à l’avancée d’une société de contrôle, de sécurisation par la mise en œuvre de protocoles adaptés à chaque trouble et comportement, et utilisables par d’autres professionnels que les psys.

 Le marché des psychothérapies.

 le marché des psychothérapies est sans doute l’avancée la plus récente sur la voie d’une  substitution de la Santé Mentale  à la psychiatrie. La Santé Mentale permet en effet de diffuser ce qui relevait du monopole de la psychiatrie à l’ensemble de la société. Le fait qu’on vient de mettre en œuvre un contrôle des formations et, inéluctablement, un contrôle des pratiques, prend acte que notre société de contrôle, pour ne pas dire de surveillance, a ouvert un marché du malaise dont il s’agit de définir les opérateurs et leur évaluation directe ou indirecte.

Cette liste pourrait être complétée et il faudrait développer les rapports complexes, voire contradictoires, entre tous ces points mais  nous pouvons dire que la logique libérale qui vise à soumettre tous les recoins de la vie humaine au marché et au contrôle, a su se nourrir de tout ce qu’elle trouvait.

Si la psychiatrie, dans ses inventions institutionnelles, a pris le risque d’une autre articulation au social, autre que d’entériner l’exclusion en son sein, force est de constater qu’elle devient aujourd’hui excluante : troubles et comportements ont exclu le symptôme et sa fonction ; la maladie réduite à la crise est elle-même exclue de son développement et de son sens pour un sujet ; le handicap a été extrait de la maladie et est offert aux techniques de correction ;La chronicité signe le rejet des soins . Ceux qui s’adressaient à elle sont désormais renvoyés au social , au médico-social et au judiciaire.

Les besoins ont pris la place de la demande renvoyant le sujet à l’absurdité de son être. C’est ainsi qu’on pense en faire un citoyen comme les autres, ayant une bonne santé mentale. La psychiatrie s’est laissée porter par l’air du temps, pensant qu’elle atteindrait la reconnaissance en se moulant dans le modèle médical. Elle n’a pas su voir que ses inventions, qu’elle s’est laissé aller à abandonner, étaient propres à être détournées par la logique de l’économie libérale qui traîne avec elle  le renvoi de l’individu à ses besoins. Le libéralisme lui promet de les satisfaire  mais dans le cadre strict de la rentabilité requise à chaque moment, moyennant garantie et évaluation. Les individus en redemandent, croyant à la garantie plus qu’à leur désir. Demandez et vous serez contrôlés, protégés de surcroît, avec toutes les garanties d’une évaluation adéquate.

La psychiatrie a servi la société, l’a protégée sans qu’elle veuille le savoir. Nous sommes arrivés aujourd’hui à l’étape où la psychiatrie est appelée à servir la santé mentale, bien présenté comme équivalent à un autre,  auquel tout individu aurait droit.

Il va de soi,  pour nos libéralisateurs, que la psychiatrie ne saurait garantir ce bien à elle seule. Ayant sacrifié la clinique des symptômes au profit d’une nomenclature des comportements et des troubles, elle a  ouvert la voie à une psychiatrisation de la société et de l’individu de sa naissance à sa mort. Ce qu’elle a laissé faire sera bien pire que ce qu’elle a commis et qui a été a juste titre dénoncé.

Si la psychiatrie ne saurait être l’affaire que des psychiatres, il faut noter que les psychanalystes, présents en psychiatrie, n’ont guère été de grands éclaireurs dans cette évolution. Il n’ont pas su lire les conséquences de la dissolution de la psychiatrie dans la santé mentale, il n’ont pas su voir que la clinique psychiatrique axée autour de la clinique des psychoses, des névroses et des perversions, leur offrait le terrain de la vérification infinie de l’articulation de la théorie et de la pratique de la psychanalyse. Ils n’ont pas su voir qu’à oublier l’évolution institutionnelle de la psychiatrie et ne retenant que le cas individuels, ils  laissaient disparaître les conditions même de leurs pratiques auprès de chaque cas. Il n’ont pas su voir que la psychiatrie passée à l’hôpital général, la disparition progressive des lieux d’hospitalisation, les changements au niveau des formations, la restriction des moyens…conduisaient à ce dont certains  se plaignent aujourd’hui.

Il est devenu possible de lire le dernier plan psychiatrie et santé mentale. Si le terme psychiatrie vient en premier c’est pour rassurer une corporation professionnelle qui commence à craindre la perte de son pouvoir tout autant, pour certains, que la perte des conditions d’une pratique articulée. Cette réassurance ne saurait faire oublier qu’il s’agit bien de lire Santé Mentale et Psychiatrie. Même s’il s’agit tout au long du texte de poursuivre cette entreprise de réassurance, les lignes de force du plan  contraint  à une autre lecture.

Dès le préambule les dés sont jetés. Si le pathologique nécessitait une idée de la normalité et donc l’ouverture de toutes les interrogations sur le pathologique et la dite normalité, on nous propose une économie de pensée en nous proposant la Santé Mentale déclinée sous ses trois dimensions.  La première est l’épanouissement  personnel qui peut-être empêché par la détresse psychologique liée aux situations éprouvantes et aux difficultés existentielles et par « les troubles psychiatriques qui se réfèrent à des classifications diagnostiques  renvoyant à des critères, à des actions thérapeutiques ciblées et qui correspondent à des troubles de durée variables plus ou moins sévères et handicapants ».

Sortir le concept de détresse psychologique lié aux évènements éprouvants et aux difficultés existentielles n’est pas sans conséquences puisque cela permet précisément, sans plus de précautions ni d’interrogations, de justifier une intervention psy,  à la limite, auprès de tous les citoyens, un jour ou l’autre.

Quant à la troisième dimension de la santé mentale, les troubles psychiatriques, les voilà réduits à un diagnostic sur critères qui doivent entraîner des actions thérapeutiques ciblées  pour  finir par être réduits au handicap qui en découle.

Nous voilà loin d’une conception, certes psychanalytique, qui consisterait à accepter l’idée que le sujet  loin de connaître l’épanouissement personnel comme donnée de base est plutôt confronté à la difficulté d’y parvenir ne serait-ce que, bien souvent, par ce qu’il s’y refuse sans le savoir et qu’il est conduit par tout autre chose que l’épanouissement. La maladie survient précisément n’ont pas comme simple effet du hasard ou de l’expression des gènes mais bien comme solution, certes problématique, pour un sujet qui  soumis à ses désirs, à ses pulsions tout autant  qu’aux bonnes et mauvaises rencontres de l’existence.

Du coup, il ne s’agit plus de corriger par des actions thérapeutiques ciblées, protocolisées et évaluées, mais bien de permettre au sujet de déchiffrer ce qui fait de lui un vivant et un désirant. Le handicap dit psychique, notion terrible que nous avons laissé s’épanouir, n’est en fait que  la tentative de rejeter le symptôme particulier de chaque vivant-désirant.

La santé mentale est donc proposée comme orientation stratégique d’une politique qui propose à l’individu d’ôter tout ce qui viendrait empêcher l’idéal de l’épanouissement personnel, tout ce qui pourrait l’handicaper. Il ne serait concerné que comme individu dont une politique de santé lui permettrait d’atteindre et de posséder ce bien personnel que serait sa santé mentale dont on pourrait le rendre maître par éducation et correction des troubles. La dite politique prétend lui offrir toutes les conditions pour y parvenir. D’où un plan qui commence par ces premières lignes obligées.

Il est logique qu’après avoir dit que la santé mentale a, outre ses trois dimensions, une dimension individuelle et sociétale, il est immédiatement précisé que la maladie mentale ne requiert pas une réponse uniquement sanitaire. Ceci repose sur la distinction entre la maladie et le handicap. C’est cette notion de handicap extraite des troubles, distinguées de ceux-ci, qui soutient le  passage du handicap au social, au médico-social, appelés à corriger le handicap psychique.

Même après avoir reconnu l’intime de la souffrance il s’agit « d’apporter des réponses     collectives cliniques, médico-sociales ou sociales » P.4

L’état des lieux qui suit commence par situer la France en Europe à partir des trois dimensions de la santé mentale de la définition  de départ. Neuvième rang sur 11 pour la santé mentale positive, troisième rang pour la détresse psychologique et dernier rang pour les troubles anxieux et dépressifs. Voilà le résultat du DSM IV.

Nous pourrions être d’accord sur  le bilan de l’offre des soins, à un détail près : la suppression des lits est allée de pair avec le développement restreint des structures extra-hospitalières pour une cause essentielle. Il a fallu fermer des lits pour ouvrir ces structures sur la base du seul redéploiement des effectifs. Pourquoi les délais en CMP peuvent-ils être importants ? Tout simplement par ce qu’il n’y a pas eu  de créations de postes. Il est curieux de voir écrit que les psychologues sont peu impliqués dans la prise en charge des problèmes de santé mentale. Mais que font-ils donc, même peu nombreux ? Il est vrai qu’on aimerait qu’ils n’abordent pas les individus à partir de ce concept qui n’a pas fini de faire des ravages autant au niveau de l’offre du secteur sanitaire en voie de réduction depuis des années qu’au niveau des pratiques. Et la ponctuation tombe : il faut supprimer le cloisonnement entre les acteurs sociaux, médico-sociaux, éducatifs et judiciaires.

Cet attelage n’est pas l’effet du hasard dès lors qu’on s’est rangé sous la logique du trouble et non plus dans la logique du symptôme. Même lorsque le symptôme est pris dans la classification des entités nosographiques, il a au moins cet avantage de devoir être circonscrit dans le cadre de ces entités. Les DSM ont fait voler en éclat ces entités et permis  d’étendre la notion de troubles à toutes les sphères de la vie de l’individu. Défendre la psychiatrie  contre la santé mentale est défendre les individus contre cet envahissement des troubles et proposer une possibilité de sens : ce dont je souffre n’est pas forcément le symptôme que le psy a pu estampiller, ce dont je souffre est peut-être cet infime détail énigmatique que je ne saurais dire. Mais il n’en reste pas moins que  le symptôme psychiatrique, que l’autre aura cru repérer peut devenir une question en attente d’une réponse. Si je ne suis plus que troubles et handicaps, je n’existe que dans un écart par rapport à la norme santé mentale. Je deviendrais l’objet d’évaluation de cet écart pour la plus grande satisfaction des questionneurs, des évaluateurs, des rectificateurs, des éducateurs, des contrôleurs. Devenu maître de mes troubles grâce a la panoplie des techniques psychothérapeutiques, je serai devenu l’esclave muet d’une idéologie qui m’aura maîtrisé plus sûrement que  toute autre aliénation : par  la réduction de ce qui me fait tel que je suis. Etre atteint de troubles doit me pousser à exprimer le besoin de rectification et d’évaluation.

Etre atteint d’un ou de symptômes me plonge dans un champ de savoir, même s’il n’est que nosographique ;  il peut me laisser une chance, pourvu que je rencontre quelqu’un qui a d’autres soucis que l’évaluation et la correction, de constituer mon propre questionnement. Ce qui peut même arriver au fou.

La prison de l’étiquetage diagnostic de la psychiatrie avant DSM n’est pas celle de l’après DSM. Celui-ci, qui se veut athéorique, me fait prisonnier de la statistique, du chiffre, du pourcentage épidémiologique. Celui-là me fait sujet d’un savoir qui m’échappe. Celui-ci me fait prisonnier de la technique thérapeutique. Celui-là peut me faire libre d’en faire  l’origine d’une réponse subjective.

Le plan Santé Mentale, puisque c’est là son vrai nom, ne s’embarrasse pas de ce genre de considérations. Seule lui importe l’évolution du service public de psychiatrie de secteur vers

sa propre disparition. Pour faire passer la pilule, il faut d’abord féliciter les acteurs et se féliciter du système en place. Mais on ajoute aussitôt qu’en s’appuyant sur lui, il faut faire passer davantage encore la psychiatrie à l’hôpital général, nouer les secteurs de psychiatrie avec le secteur lucratif ou non, le secteur libéral et tous les acteurs non sanitaires ; Pour ce faire, on invente, plutôt on reprend au secteur économique,  la notion de territoire qu’on substitue au secteur qui comme l’indiquait la circulaire du 24 novembre 2004 n’a plus qu’une existence fonctionnelle. Cette notion de territoire est le nouvel outil, qui corrélé au réseau, doit permettre de faire que toutes les structures de soins publiques, intra et extra hospitalières, ne soient plus  la panoplie des structures de chacun des secteurs mais deviennent intersectorielles, territoriales en somme, et fasse le maximum de place au secteur privé lucratif, au social et au médico-social au dépens du sanitaire. Cela permet de créer des structures intersectorielles, territoriales répondant à la logique du marché tout autant qu’à la logique des spécialités, des spécialistes de chaque trouble.

L’état des lieux se conclut logiquement sur le ressort de cette idéologie en acte. Il n’aura pas suffit de substituer le catalogue des troubles aux maladies, aux entités nosographiques ; il faudra encore substituer le besoin au désir et à la demande. L’objet de cette substitution est de s’attaquer aux structures, aux institutions de soins. Citons :

« L’approche visant à prendre en charge de manière globale un état de santé mentale défavorable, et prenant en compte les besoins multiples, sanitaires et sociétaux, de la personne constituent le principe fondateur du nouvel élan donné à la psychiatrie et à la santé mentale, en dépassant une approche jusqu’alors souvent centrée sur les structures  au profit d’une approche centrée sur les besoins ».

Le besoin élimine d’un seul coup le sujet et l’autre, précisément ce que les structures de soins, les institutions soignantes, au moins certaines, ont constitué comme terreau de leurs pratiques. L’individu découpé en besoins n’est pas une idéologie récente. Il est ce qui supporte une certaine conception des droits de l’homme, devenu dans notre champ, les droits des usagers. L’individu, la personne disent-ils, est un paquet de besoins à qui on offre un paquet de prestations évaluées afin qu’il puisse dormir tranquille.

Mais, bien sûr, in fine, il s’agit  de bouleverser les pratiques et si on bouleverse les pratiques il faut bouleverser les statuts des professionnels, ce qui a déjà été fait (infirmiers, psychiatres, et maintenant c’est le tour des psychologues).

Il suffit là encore de citer le texte :

« La richesse et la diversité des modalités d’exercice, des pratiques, des statuts comme des cadres administratifs constituent des acquis et le terreau indispensables à une évolution vers un fonctionnement décloisonné, propice aux innovations et à l’évaluation. Cette évolution doit permettre de dégager des réponses pertinentes et multiples, quelle que soit la situation des patients, leur environnement social, leurs pathologies ou leurs handicaps »

Il y a dans ces deux phrases le bouleversement des pratiques et des statuts. Il va falloir pour répondre aux besoins et à toutes les situations, non plus des professionnels passant leur vie à élaborer une pratique pour chaque cas rencontré, chaque sujet rencontré, mais des compétences  techniques évaluables par leur résultat chiffrable. A la Santé Mentale en marche rien n’est impossible !

L’axe 1 du plan milite pour une prise en charge décloisonnée, autre façon de dire que la prise en charge par la politique de secteur est terminée puisque justement elle avait plutôt pour but de lutter contre le cloisonnement. Pour traiter quelles pathologies ? Celles que désignent l’Ecole de Santé Publique d’Harvard, la banque mondiale et l’OMS  qui ciblent la dépression, les troubles bipolaires,  troubles liés à l’alcool, la schizophrénie et les lésions auto—infligées, comme les troubles les plus répandus.

Les maladies mentales seraient des maladies honteuses qui retardent la prescription de prises en charges spécialisées par le médecin traitant. On voit bien la que le généraliste est appelé en première ligne. Pas de doute qu’il lui faudra une clinique sur mesure pour détecter les troubles ciblés. On va donc lui concocter des petits livrets de bonnes pratiques ! En même temps, on va faire une campagne d’information médiatisée pour informer la masse ! Information et bonne pratique : le couple idéal du management parfait. L’INSERM sera le grand inspirateur. Coût : 7 millions d’euros. On finira bien par inventer la publicithérapie !

Tout cela doit permettre de « promouvoir la santé mentale ». Il faut donc fabriquer « des programmes de prévention pour l’ensemble des enfants, pour ceux susceptibles de développer un trouble et aux enfants et adolescents présentant déjà des signes ou des symptômes ». Cela n’est pas sans nous rappeler certain rapport de député porté sur les courbe de dépistage,  précisément comme on ne manque pas de nous l’indiquer, à partir des facteurs environnementaux qui peuvent « interagir avec des prédispositions génétiques ». On se frotte les yeux en lisant cela mais on a bien lu, et on pense au fichage, un jour peut-être, des sujets à risques environnementaux et génétiques. Pour parer à cela tous les intervenants de l’enfance sont réquisitionnés et conviés à utiliser «  les méthodes socio-éducatives de développement des capacités de l’enfant »…afin de développer les compétences psycho-sociales des jeunes. Là encore, on fabriquera des manuels et des livrets qu’on ne manquera pas d’évaluer comme on évaluera d’ailleurs les campagnes d’information ! Tout cela pour la bagatelle de 1,5 million d’euros.

La prévention devient détection et contrôle. Elle finira bien par devenir fichage et rééducation. Ne s’agirait-il pas finalement de reconditionner tous les sujets à risque dès leur plus jeune âge ? L’enfant à risques est appelé à remplacer le petit d’homme à venir qui dès sa naissance et, même avant, vit au risque de la parole et du langage, au risque de son désir  même si c’est celui des autres qui s’est d’abord imposé.

Informer le peuple des troubles qui le guettent, en faire un détecteur de ses troubles et de ceux des autres, particulièrement des enfants, des siens et des autres, ne voilà-t-il pas en germe un programme de surveillance généralisé, d’auto-surveillance. Là où, autrefois, on nous enseignait les règles morales parfois coercitives, les dangers, notre dite démocratie moderne nous conditionne à l’auto et l’hétéro surveillance.

Pour accomplir cette tâche civilisatrice, le généraliste d’abord, qu’on va former et évaluer et coordonner. Avec qui ? Le réseau, bien sûr. Le réseau en santé mentale doit, pour tisser sa toile comprendre : « secteur psychiatrique, médecins généralistes, médecins spécialistes, professionnels du champ social, représentants des usagers et des familles, professionnels de l’éducation nationale, de la justice, des institutions du champ sanitaire ».

Faudra-t-il donner un tout autre sens au terme de surveillance sanitaire ? Pas obligatoirement. Il devient évident que nos penseurs  craignent les épidémies de troubles et de comportements. Alors tous sont convoqués pour former l’armée en alerte permanente afin de remettre de l’ordre, non plus l’ordre moral mais l’ordre sanitaire.

Nous faisons une erreur en pensant souvent que l’économique  règne en maître. Ce maître se sent souvent un peu seul, il lui faut souvent son alter ego éthique qui évalue, certifie et promeut les droits de chacun. Mais cet alter ego n’est pas un ange : il veut l’assentiment de chacun à se faire objet du regard, en réseau, pour son bien.

Poursuivant notre lecture-déchiffrage, nous arrivons au contexte des prises en charge ambulatoire dans les CMP, des alternatives à l’hospitalisation complète. Bien sûr que les plans successifs se sont attaqué à l’hospitalisation complète avec suppressions de lits et redéploiements de personnels. La suppression des lits avait ses raisons économiques. Mais elle avait aussi la croyance que les chimiothérapies pouvaient permettre de faire l’économie d’une prise en charge institutionnelle permettant à beaucoup de patients de retisser quelques liens afin de pouvoir les maintenir après leur sortie. Très vite on a tenté de créer ces liens chimiothérapiquement à l’aide des traitements retard. Les liens de contrainte  ont pris la place des liens choisis, difficilement certes. Ce sont donc bien les pratiques qui  ont été modifiées en profondeur. Les solutions à tout faire ont pris la place du bricolage et de l’invention. Mais les solutions à tout faire, lorsqu’elles échouent, condamnent plus sûrement les patients qui sont devenus des inadéquats. Aujourd’hui, on parle de soins inadéquats, d’hospitalisation inadéquate.

La suppression des lits est devenue l’acte d’une idéologie très éloignée de la clinique. Mais la clinique n’existe pas en soi. Elle est  soutenue par des choix théoriques voire politiques. De la libération de la folie, on est passé à sa banalisation afin d’en chercher les signes (évaluation des troubles et des comportements) à chaque moment de la vie sociale des individus : de l’école à la maison de retraite. Il ne faudrait pas croire que ce soit là l’objet d’une planification ; c’est bien plutôt l’exploitation pragmatique des opportunités.

Pour mettre à mal les structures intra hospitalières, le CMP est apparu comme une excellente opportunité. On a, ces dernières années, voulu le mettre au centre du dispositif, le substituant à l’hôpital mais en oubliant que le CMP ne pourrait jamais remplir la mission de l’hospitalisation. Si le plan indique que sa mission va de la prévention à la réinsertion, c’est pour dire qu’il la remplit mal et qu’il doit être, avec le réseau, le lieu de conjonction entre le secteur social, l’hôpital général, le secteur privé, le secteur associatif , les généralistes. L’histoire concrète de la mise en place des CMP passe à la trappe. Mais il est vrai que les lignes qui suivent nous indiquent le but poursuivi : toutes les structures extra hospitalières du service public de psychiatrie de secteur doivent pouvoir juridiquement être mises  en place par le secteur privé. Rappelons que le décret du 31 janvier 2005 a déjà réglé le problème.

Notre acharnement à démonter les logiques des politiques en psychiatrie n’est guère exagéré. Il suffit de lire : «  le développement des formules alternatives s’est fait davantage dans les secteurs où il existait  moins de lits et un moindre poids de l’hospitalisation psychiatrique traditionnelle. » Voilà de l’évaluation objective et sans arrières pensées !

La conclusion est donc logique : Là où la psychiatrie publique a défailli doit prendre place, en collaboration certes, le  privé. Et, là les choix économiques retrouvent leur poids. Laissons crever les services publics, le privé finira bien par les remplacer. Mais, le fera-t-il avec la même non discrimination ?

Et, lorsqu’on nous propose de renforcer les moyens humains dans les structures, aussi bien en pédopsychiatrie, il nous est proposé, outre l’hospitalisation à domicile (dernière survivance du signifiant hospitalisation ?) de construire des fédérations entre CMP «  permettant de mutualiser les moyens » et ceci sur le territoire de santé. Exit le secteur !

Inter-sectorialité, regroupement sur un même secteur du CMP, du CATTP, de l’hôpital de jour pour faire des économies d’échelles sont des recettes déjà appliquées. Maintenant, il faut fédérer public et privé afin de mutualiser et complémentariser. Privatiser serait-il un signifiant trop gênant ?

Les SROS de troisième génération seront chargés de mettre tout cela en musique.

Après avoir lu cela, on pourrait penser que la messe est dite, qu’il n’y a rien à rajouter. Pas tout à fait ! L’os de l’hospitalisation n’est pas totalement rongé. On note que des secteurs de pédopsychiatrie ne disposent pas de lits. Mais, pas un mot sur le pourquoi de cette situation. Quant à la psychiatrie adulte, on ne manque pas de souligner la place prépondérante des secteurs de psychiatrie dans l’hospitalisation (96% des lits HC), leur inégale répartition, l’hospitalisation plus courte dans les secteurs qui ont le moins de lits (en clair, supprimer des lits reste le bon moyen de faire chuter l’indice de la durée moyenne d’hospitalisation).

Puis, on découvre que là où on parlait des patients inadéquats, on nous parle d’hospitalisation inadaptée ou inadéquate à laquelle, bien sûr, notre devoir est de mettre fin. L’antienne ne serait pas parfaite si on n’ajoutait que l’hospitalisation complète consomme 80% des moyens. Le moratoire est un arrêt sur image qui ne saurait durer !

Les objectifs  sont, entre autre, de prioriser l’amont et l’aval de l’hospitalisation, de privilégier le traitement de la crise, de prévenir et résoudre les situations de recours inadéquats à l’hospitalisation, de restructurer les CHS en instaurant des unités de psychiatrie à l’hôpital général, de fédérer, de mutualiser, de coopérer avec le privé au sein des territoires de santé, et, enfin, de développer une offre médico-sociale pour résoudre les hospitalisations inadaptées.

Il faut prendre ce plan au sérieux. Il marque un aboutissement pas toujours repérable. Dès le départ, il indique l’idéologie qui le supporte. Après, il reste à dégager les moyens. L’acharnement contre l’hospitalisation est symptomatique et surfe sur l’air du temps. Mais, finalement, de quoi s’agit-il sinon de rassembler tous les moyens pour mettre en œuvre les  objectifs de cette idéologie ? Le secteur public a toujours eu quelques réserves à se laisser aller au contrôle, à la détection, à la surveillance au quadrillage. Il faut donc opérer un transfert qui en même temps répondra aux critères d’un libéralisme économique.

Mais l’habileté de ce plan est de présenter les affaires sous un jour acceptable. Comment résoudre la pénurie des psychiatres dans le secteur public ? Certes, on incitera les psychiatres à aller là où il y a le plus de vacances de postes mais, dans le même temps, on incitera  les psychiatres à s’installer en libéral. Où croyez vous qu’ils iront ?

Afin de parvenir à ses fins ce plan utilise les  outils déjà mis en place en médecine : les réseaux. Il serait naïf de n’y voir qu’une solution technique plutôt inspirées de considérations économiques. Certes, elles sont bien présentes, mais il y a pire. Citons quelques lignes  sur le développement des réseaux en santé mentale.

 «  Les besoins dans le domaine de la santé mentale s’expriment auprès du dispositif de soins spécialisé en psychiatrie et auprès d’autres professionnels sanitaires ou non. Cette logique se fonde sur l’intégration du fait social dans la pratique psychiatrique et sur la triple dimension biologique, psychologique et sociale du trouble psychique. »

Cette triade est la justification de la distinction entre maladie et handicap psychique qui en découle, ce qui justifie la globalisation des interventions  mais en fait le passage du sanitaire au social, au médico-social, à l’éducatif et au judiciaire.

Ne va-t-on pas jusqu’à écrire : «  Le principe d’un projet global pour la personne doit donc permettre de coordonner projet de vie et projet de soins et fonder l’évolution des réponses aux besoins de santé mentale, en dépassant une approche centrée sur les seules structures d e soins pour favoriser une approche centrée sur les personnes quels que soient la nature, l’intensité, le lieu le moment et le champ dans lequel s’expriment leurs besoins. »

Que ne fera-t-on pas sous couvert de cette approche centrée sur la personne ! Tout en rappelant qu’il faut prendre le secteur comme base de l’organisation des soins, on s’empresse de dire aussitôt qu’il faut fédérer l’ensemble des professionnels autour des besoins du patient à qui on entend apporter des réponses à son bio, son psycho, son social.

Il y a la tentation de la totalité dans cette affaire mais, elle est là, pour faire oublier l’enserrement du patient, considéré sous l’angle déficitaire du handicap plutôt que comme sujet. Les besoins, évalués, comme il se doit, règnent en maîtres. Quant aux désirs, vous repasserez !

Il ne s’agit pas d’ignorer les conséquences sociales des maladies  mentales. Mais est-il encore possible de dire aujourd’hui  qu’elles font parties de l’affaire et qu’elles méritent autre chose qu’un traitement vétérinaire, ce qui ne veut pas dire que les vétérinaires ne font pas bien leur boulot auprès de nos amis les bêtes.

Le plan en remet une couche lorsqu’il considère l’accompagnement comme accompagnement du handicap psychique. Et même s’il tient à préciser que l’accompagnement médico-social ne doit pas se substituer à une prise en charge sanitaire (toujours la réassurance !), c’est pour tout de suite après décliner les places à créer en SAVS (Service d’accompagnement à la vie sociale)et en SAMSAH ( Service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés), structures qui relèveront principalement de financements médico-sociaux et assurés par les départements. Et, il est écrit que ses SAVS et SAMSAH assureront le suivi des patients dans les appartements associatifs. Rappelons que jusqu’ici ce suivi était assuré par les équipes des secteurs.

Toutes ces structures auxquelles s’ajoutent les MAS, les FAM, les pensions de famille… sont appelés à mettre fin aux hospitalisation longues, inadéquates en psychiatrie.

Les clubs, sortis de la psychothérapie institutionnelle sont appelés à tisser un réseau sur l’ensemble du territoire et être gérés dans le cadre du secteur associatif. On peut être sûr que cette institutionnalisation avec passage à l’associatif fera perdre tout sens à ce qui fut le lieu  d’inventions.

Quant au travail protégé, pas un mot n’est dit des conditions scandaleuses d’exploitation des personnes qui travaillent dans ces lieux, privées des droits sociaux les plus élémentaires.

L’axe 2 traite des patients, des familles et des professionnels.

Les droits des usagers sont défendus mais ne devrait-on pas commencer par dire que le droit aux soins est la première exigence. Les sorties d’essai qui se prolongent pendant des années sont la conséquence du déclin des structures de soins dans le secteur public et des procédures de contrôle, de surveillance et d’intimidation qui envahissent le champ de la pratique. Pourquoi l’accès au dossier reste si difficile même dans des cas qui ne posent aucun problème pourvu qu’on s’adresse au patient ?

L’appel fait aux associations généralistes du système de santé voire aux associations de consommateurs en plus des associations d’usagers indique la place faite à la spécificité de la psychiatrie ! Mais, au fait, nous ne cessons de dire que ce plan, malgré ses dénégations, l’achève. Pourquoi donc nous étonner encore de telle ou telle proposition ?

Bien subventionnées, c’est prévu, peut-être feront elles preuve d’une certaine docilité  et d’une certaine complaisance envers les objectifs à atteindre ?

Les recommandations de bonnes pratiques ne nous seront pas épargnées. Elles  s’intéresseront   même aux indications  des hospitalisations sans consentements pour lesquelles on va jusqu’à envisager des alternatives à l’hospitalisation. Nombre d’hospitalisations sans consentement pourraient être évitées. Il faudrait sans doute avoir d’autres repères cliniques que ceux qui sont en vigueur actuellement et présenter l’hospitalisation, lorsqu’elle est nécessaire non comme la chose à éviter, mais comme un point de départ. Il ne faut pas stigmatiser les patients, nous dit-on, mais pourquoi donc s’acharner à stigmatiser l’hôpital. Il sera curieux de voir quelles seront les mesures prises pour les personnes dans le cas d’une alternative à l’hospitalisation sans consentement !

Le passage de la psychiatrie à la santé mentale ne serait pas possible sans un changement des pratiques et, donc, des formations et des professions. Que trouve-t- on sous la rubrique « Améliorer l’exercice des professionnels en santé mentale » ?

La psychiatrie en acceptant d’être dépouillée de son champ, de son objet et de ses pratiques a de fait accepté de participer à une infiltration dans l’ensemble de la vie sociale et intime des individus sous couvert de la santé mentale. Il n’est donc pas étonnant que le premier objectif est d’adapter les compétences et les métiers en santé mentale afin de remédier au cloisonnement actuel des circuits de prise en charge et de renforcer l’accès à des modes des prise en charge diversifiés.

Les compétences sont appelées à remplacer les métiers et les techniques qu’on ose dire psychothérapeutiques doivent pouvoir être changées comme on change de molécules afin de pouvoir toujours et partout avoir des professionnels pour les mettre en œuvre.

L’objectif de la formation permanente des professionnels de psychiatrie doit être au service de l’amélioration de la démarche de qualité en psychiatrie à partir de l’évaluation des techniques de prise en charge et des recommandations de pratiques professionnelles.

EVALUER et RECOMMANDER. Faire de tous les professionnels des manœuvres de la santé mentale !

Travailleurs sociaux et assistantes sociales auront dans leur cursus « une formation orientée sur le fonctionnement psychique, la relation et le comportement » !

Les psychiatres seront formés aux activités médico-légales, façon, sans doute,  de développer notre société d’expertise. Nous finirons bien par être tous expertisés une fois dans notre vie !

Les psychologues devraient bénéficier d’un mastère de psychologie clinique et thérapeutique. Nous savons que bien avant la parution des décrets de l’article 52, sur la réglementation des psychothérapies, la mise en place de ce mastère est entrain de se faire partout. On y apprendra les techniques psychothérapeutiques et, bien sûr, les recommandations de bonnes pratiques ! C’est tout simplement scandaleux et on se demande bien où est passée la soit disant protection des usagers même si c’est masters auront l’onction médicale !

Les psychologues dans les hôpitaux, regroupés en pool, en pôle ou en collège sont appelés à n’être que  des prestataires de services agissant sur prescription médicale sous la houlette des évaluations, des protocoles et des bonnes pratiques. Les créations de postes pourront attendre.

Quant aux infirmiers, après avoir supprimé le diplôme d’infirmier en psychiatrie, ce qui fut un acte important dans la disparition de la psychiatrie, les infirmiers généralistes d’aujourd’hui vont se voir proposer un tutorat qui est un mépris  affiché aussi bien pour les infirmiers que pour les patients. On y ajoute  une formation de 5 périodes de trois jours, financée par l’ANFH ! On y lit du mépris dans ce genre de propositions mais il faut y lire aussi la logique de ce plan. Pour servir la santé mentale, savoir-faire et compétences ne nécessitent ni formation sérieuse, ni engagement personnel, ni désir. Nous sommes à l’époque des savoirs faire et des compétences jetables !

Il ne fait guère de doute que les CHS, appelés à disparaître, qui devront se rapprocher des patients, se rapprocheront surtout de l’hôpital général dont on ne doit pas oublier que de plus en plus il fonctionne avec le secteur privé. Le renforcement de l’investissement immobilier se fera sans aucun doute à ce prix et de nouvelles suppressions de lits aussi !

Que dire du développement de la qualité et de la recherche (Axe 3) ? Les signifiants s’empilent comme des livrets de bonnes pratiques, de recommandations (qui finiront bien par venir à bout du respect de la diversité des approches et des références théoriques), des certifications, des formalisations des modes d’intervention et des stratégies thérapeutiques. Citoyens, vous pouvez dormir tranquille, tout est contrôlé même vous !

Mai bien sûr, il ne s’agit pas, pour se faire de jeter l’argent par la fenêtre ; il va falloir généraliser le recueil d’information médico-économique. La santé mentale ne saurait échapper à la tarification à l’activité, à l’hôpital 2007, qui signe la privatisation du système de soins public.

Ce recueil qui englobera aussi bien le social que le médico-social permettra les comparaisons et, on peut le deviner, les économies.

Comment entend –t-on promouvoir la recherche clinique en psychiatrie ?

« C’est par la recherche clinique et psychopathologique que les progrès en neurobiologie peuvent trouver leurs applications en psychiatrie » On voit qu’il est difficile à nos penseurs d’envisager un instant que la neurobiologie ne soit pas en position de maître à penser. Les neurosciences ont le vent en poupe et elles sont le harnais des attelages comme « psychiatrie, psychopathologie, santé mentale »

On peut encore y lire : « Inscription par le ministère de la santé, dès 2005, d’un axe prioritaire « psychiatrie-santé mentale », dans l’appel d’offre national du PHRC afin de financer des recherches et au sein de la thématique « Neurosciences » de l’Agence Nationale de Recherche ».

Mais rien ne pourrait se faire sans l’épidémiologie qu’il va falloir développer afin qu’elle nous renseigne sur la prévalence des troubles mentaux, sur le phénomènes psychopathologiques émergents, sur l’évaluation des stratégies thérapeutiques (y compris médico-économique), sur la certification de méthodes de soin non médicamenteuses (psychothérapie)… Eh oui ! Les  psychothérapies seront certifiées !

Arrivé à ce point  on aurait envie de balancer ce texte par la fenêtre. Mais, il faut aller jusqu’au bout pour savoir où nous mettons les pieds. La fin du plan applique la méthode si connue des projets ciblés avec des crédits ciblés, façon habile de changer autant la clinique que les pratiques et les formations. Spécialistes en dépression, en anxiété, en suicide… doivent permettre de faire de la santé mentale un grand marché dans lequel le secteur lucratif ne saurait hésiter à faire ses emplettes.

 

Jean Vignes (juillet 2005)


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