UN HOMME SANS PAPIERS EST-IL ENCORE UNE URGENCE
OPERATOIRE ?
Monsieur O.A., 32 ans, est algérien. Sans situation officielle en France, il attend, comme des milliers d’autres, un très hypothétique droit de séjour. Sa place dans les foyers de l’Armée du Salut est de plus en plus précaire.
Il est de plus en plus déprimé, surtout depuis un décollement de rétine gauche dû à une chute, début 2005.
Deuxième chute, en octobre . Cette fois, c'est une lésion de la jonction entre deux vertèbres cervicales avec compression de la jonction bulbo-médullaire. Il arrive dans mon bureau avec une prescription de minerve d'un modèle spécial, dont personne en service de neurochirurgie n'a eu la curiosité de lui demander s'il avait assez d'argent pour l'acheter. Il n'a pas l'argent (110 euros). Ayant appelé l'interne qui s'occupe de lui en neurochirurgie, j'apprends qu'il risque la mort subite par arrêt respiratoire si sa lésion s'aggrave. Il doit être opéré rapidement, le plan opératoire se décidera le vendredi suivant.
Par prudence, je
l'hospitalise en psychiatrie pour ses envies suicidaires, mais surtout pour
qu'il y soit plus en sécurité et que la pharmacienne lui procure en urgence
ladite minerve, puisqu'en neurochirurgie on n'en fournit pas…
Les semaines passent, la neurochirurgie de l'hôpital Sainte Anne ne donne aucune date d'opération.
Au téléphone, nous apprenons avec stupeur que rien n'est
prévu. Que ce n'est certes pas la quadriplégie qu'il risque, mais bien l'arrêt
respiratoire brutal, inopiné et définitif. QUE LES ADMISSIONS DE L'HÔPITAL
SAINTE ANNE NE LE PRENDRONT PAS PARCE QU'IL N'A PAS DE PRISE EN CHARGE (c'est
faux, il a depuis longtemps tous ses droits ouverts à
Cette affaire dure depuis le cinq décembre 2005. Il n'y a ce jour toujours aucune date pour l'opération de Monsieur O.A. On m'oppose maintenant que, une fois opéré, on ne sait pas où on pourra l'adresser. Qu'il ne relève pas vraiment de ce service (où il a été adressé par le tour des urgences après son accident) mais plutôt peut-être de chirurgie orthopédique… ah, quel dommage qu'il ose être encore de ce monde ?
Maryvonne Wetsch
Médecin responsable du CMP République
39 avenue de
75011 Paris
le 3 janvier 2006