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L’annonce de la création d’un hôpital fermé pour les pédophiles sortants de prison dangereux faisant suite à l’embrasement médiatique suscité par l’affaire Evrard est une proposition à très haut risque.

 

Sommes-nous bien sûrs de comprendre de quoi il s’agit et vers où nous conduit une telle proposition ?

 

Il est donc question, dans le cadre d’une politique de défense sociale, d’orienter vers un structure hospitalière fermée, des personnes condamnées pour infraction sexuelle, considérées comme dangereuses à l’issue de leur peine d’emprisonnement, sur la base d’une expertise médicale collégiale qui conclut à leur dangerosité.

 

De quelle dangerosité parle t’on ? Psychiatrique ou criminologique ?

 

Les médecins, singulièrement les psychiatres, savent assez bien diagnostiquer une dangerosité psychiatrique imminente et avérée du fait de troubles mentaux : risque suicidaire des dépressions, risque agressif des délires de persécution, des états maniaques ou des confusions mentales...

La loi prévoit déjà que la personne en question, y compris sans son consentement, soit hospitalisée dans un hôpital psychiatrique pour y recevoir les soins nécessaires.

 

En revanche, les médecins n’ont pas de compétence particulière pour se prononcer sur une dangerosité criminologique, c'est-à-dire le risque qu’une personne commette un délit ou un crime.

De plus, l’évaluation de la dangerosité criminologique n’est pas une science exacte, loin de là ! Elle est une démarche probabiliste qui s’appuie sur des évaluations qualitatives prédictives où la subjectivité de l’examinateur joue un rôle non négligeable et sur des statistiques rétrospectives des grands nombres dont les limites sont évidentes : tous les meurtriers par arme à feu disposaient d’une arme à feu, est ce que tous les possesseurs d’une arme à feu tueront ?

 

De sorte qu’il s’agit de priver de liberté une personne qui n’a commis aucun acte tangible actuel mais que l’on suppose, par hypothèse médicale non scientifiquement fondée, susceptible d’avoir l’idée, l’envie ou la pulsion de commettre un acte criminel.

Autrement dit, cela revient à rendre possible l’enfermement d’une personne pour risque et cela revient aussi à rendre possible l’enfermement d’une personne qui n’aurait jamais récidivé.

L’affaire est d’importance et touche aux questions fondamentales des droits de l’homme en démocratie.

 

L’exception, fût-elle dramatique, ne devrait pas infirmer la règle générale.

Si une hospitalisation psychiatrique est nécessaire, elle est déjà possible.

Si l’inquiétude porte sur le risque de récidive, ce n’est pas la relégation qui doit être privilégiée mais le renforcement de l’accompagnement à la libération.

 

                                                                                              Marseille le 31 août 2007

 

                                                                                              Dr Catherine PAULET

                                                                                              Présidente de l’ASPMP