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LETTRE OUVERTE A TOUS LES PSYCHOTHERAPEUTES
(psychiatres, psychologues, psychanalystes, cognitivo-comportementalistes)



" Dans toute la mesure de mes forces et de mes connaissances, je conseillerai aux malades le régime de vie capable de les soulager."
Hippocrate (460-377 av. J.-C.)
Que reste-t-il vraiment de ce serment derrière lequel beaucoup se cachent ou se targuent ?
Le " conseillerai " écrit par l'illustre médecin grec, signifie toujours me semble-t-il : donner son avis et non décider à la place de.

Avec la Loi Accoyer et, encore plus récemment, avec la publication du rapport de l'Inserm sur " l'évaluation des psychothérapies en France ", les sempiternelles querelles de clochers ressurgissent de plus belles entre les descendants naturels (ou pas) de Freud, les Lacaniens et les cliniciens, les comportementalistes. Que de quolibets, que d'injures, que de jugements hâtifs et sectaires….bref, que de haine. Voici là un immense paradoxe. Quand on songe à la médecine, aux soins, aux (psycho)thérapies, on songe aux mots soulager, aider, comprendre, écouter, avoir de l'empathie mais pas du tout à la haine. Et d'ailleurs pourquoi tant de haine? Pour un imaginaire pré carré à sauvegarder, une " clientèle " à retenir, un statut notable à ériger, un pouvoir à conserver, un profit pécuniaire considérable à entretenir ? Sordide et indigne.

Mais est-ce que tous les psychothérapeutes de France et de Navarre ont-ils seulement penser une minute à demander l'avis (à leur tour) à celles et ceux qui les font vivre matériellement…les patients ? Car après tout, ne dit-on pas que le client est roi. Le patient, lui, serait-il seulement le bouffon du roi ? Certainement pas.

A tous ceux qui sont censés nous écouter, je leur propose de m'entendre car je prends la parole, à défaut qu'on me la donne.

Je suis présidente d'une association créée en 1998 et faite par et pour des personnes ayant souffert de troubles anxieux et phobiques. Si le monde des thérapeutes reste encore très replié sur lui-même, nous, nous cherchons, au contraire, dans notre association (comme d'autres qui ont fleuries au cours de ces dix dernières années) à communiquer, à s'écouter, à s'entraider, à rompre l'isolement et la honte que l'on subit encore trop dès que l'on souffre de troubles psychologiques.

De mon expérience personnelle et en tant que témoin privilégié de l'expérience de nombreuses personnes ayant aussi connu la souffrance psychologique, voici ce que je peux relater quant aux deux principales approches thérapeutiques les plus fréquemment utilisées :

- La psychanalyse est perçue plutôt comme faisant partie d'un certain développement personnel, très utile pour (re)découvrir son passé et ses méandres, pour mieux se connaître en profondeur et mener une réflexion sur soi
- La thérapie cognitivo-comportementale apporte des solutions pragmatiques et concrètes à des problèmes et des troubles très invalidants dans la vie sociale et personnelle. Elle offre des outils que le patient s'approprie pour très vite pouvoir retrouver son autonomie et reprendre confiance en lui.

Il faut donc arrêter d'opposer ces deux approches qui effectivement sont très dissemblables mais qui répondent chacune à des attentes différentes et complémentaires. L'important n'est pas de savoir qui est le meilleur mais d'aider chaque personne en souffrance face à sa problématique et ses attentes légitimes de soins.

En résumé, que peut-on espérer et vivement souhaiter, nous patients, ex ou futurs (selon l'OMS, l'Organisation Mondiale de la Santé- une personne sur quatre est ou sera touchée par la maladie mentale au cours de sa vie) ?
· Pouvoir choisir sa thérapie
· Savoir en quoi chacune consiste clairement et comment elle va se dérouler (en pratique et dans le temps)
· Pouvoir poser des questions sur celle-ci au thérapeute
· Pouvoir demander au thérapeute quel est son cursus et ses diplômes
· Avoir le droit qu'un diagnostic précis soit posé et expliqué par le thérapeute
· En cas de non succès de la thérapie, être aidé par le thérapeute pour être orienté vers une autre approche plus approprié à la personne

Quant à l'évaluation des psychothérapies, elle n'apparaît en rien diffamante ni pour les praticiens ni pour leur approche. En tant qu' " usager ", cette évaluation n'est pas considérée en terme de valeur quantitative ni de prise de pouvoir d'une forme de scientisme. L'évaluation est une démarche saine, honnête et qui mérite d'éclairer le patient trop souvent mal informé quand il s'agit de sa santé. Le plus beau divan du monde n'est rien à côté de ce bien le plus précieux qu'est… la santé.

Alors, il est grand temps de dépasser l'enjeu stérile de supériorité d'une thérapie sur une autre. Le véritable gage de réussite de toute psychothérapie réside dans la qualité relationnelle entre thérapeutes et patients. Et cette relation doit passer nécessairement par :
· une confiance réciproque
· un dialogue jamais fermé
· une alliance thérapeutique où le médecin n'est pas tout puissant et hermétique et un patient de plus en plus ACTEUR de sa santé et véritable co-thérapeute dans le travail psychothérapeutique

Reste que la médecine comme la psychologie ne sont pas de sciences exactes, alors mesdames et messieurs les psychothérapeutes, n'hésitez pas à utiliser et même à user deux approches thérapeutiques trop rarement rencontrées : l'humilité et l'humanité. Bonne séance !



Annie GRUYER
Présidente de Médiagora Paris
http://mediagora.free.fr

Association affiliée à la FNAP PSY
(Fédération Nationale des Associations d'(ex) Patients en PSYchiatrie)
http://fnappsy.free.fr



Mars 2004