. J’accuse, par voie de conséquence, l’Etat, de maltraitance indirecte car les patients de ces villes et de ces communes ne peuvent être soignés comme ils en ont besoin.
Depuis des dizaines d'années un nombre croissant d’équipes de psychiatrie en France sont dans l'incapacité de répondre aux besoins des patients de leur secteur en raison de l'insuffisance connue publiquement de leurs moyens : moins de 25 infirmiers ou un seul psychiatre voire aucun pour une population de plus de 70.000 voire 120.000 habitants. Des équipes ainsi ‘détruites’ sont obligées de fermer soit un CMP, soit un centre d'Accueil...c’est à dire qu’elles sont obligées de fermer les soins innovants, porteurs d’espoir, les soins « de proximité », ceux qui changent l’image de la psychiatrie, car là, elle était enfin ‘disponible’ ; elles sont obligées de se recroqueviller sur les anciens services d’hospitalisation qui deviennent pléthoriques, espaces de promiscuité à nouveau marqués par le rejet et la stigmatisation…cette psychiatrie au lieu de soigner dans la ville, se voit forcée d’hospitaliser dans de mauvaises conditions ; elle régresse dans ces communes à l’abandon dans lequel elle s’est trouvée au siècle dernier. Elle y est redevenue inhumaine.
Pendant ce temps l’Etat cache une autre partie de la réalité française à l’opinion ! En effet depuis 30 ans, en raison de la convergence locale de tous les acteurs sociaux et sanitaires, depuis les élus jusqu’aux soignants en passant par les administratifs et les usagers, d'autres équipes de psychiatrie de secteur ont pu mettre en place une psychiatrie nouvelle, variée, adaptée, disponible, grâce à des moyens suffisants, elles ont pu montrer la qualité du service rendu à la population quand la proximité et la continuité des soins sont assurées. Le résultat en est une nouvelle psychiatrie simple, humaine qui se déploie sans exclusion, ni stigmatisation mais au contraire avec l’appui du tissu social environnant. C’est un progrès considérable que les pays voisins admirent. C’est un espoir considérable.
Mais l'Etat ne soutenant pas son service public de psychiatrie, se limite à ne faire de cette activité que des "moyennes" nationales, celles ci cherchent à démontrer qu’en raison de l’abandon des soins dans un certain nombre de communes c’est l’ensemble de la politique de secteur qui est mauvaise, et l’Etat en déduit que les soignants de la psychiatrie sont critiquables, donc condamnables. Ce procès fait aux professionnels et à une politique est doublement faux, et grave, nous voulons et nous pouvons le démontrer. Il y a pire, l'Etat pour esquiver sa responsabilité écrase les équipes par des procédés incessants d'évaluation mal posés, multiplie les demandes de rapports qui, ne faisant que des "moyennes", masquent ces faits ». La responsabilité de l’Etat est grave. Il est temps que la vérité soit connue, et que ce scandale cesse !
Devant ces faits nous demandons, nous, membres des équipes soignantes, et témoins de cette réalité contrastée, qu'une enquête parlementaire soit réalisée, mettant clairement en évidence ces différences d'exercice dans le service public et ses raisons. Ce constat mettra en lumière la qualité du projet de la politique de psychiatrie dite de secteur et permettra aux élus et aux médias de la défendre en connaissance de cause, aux côtés des usagers et des soignants.
GUY BAILLON, PSYCHIATRE DES HOPITAUX HONORAIRES, BONDY, 93
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