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Dans quelle étagère ?


Les fonctionnaires du ministère de la santé ont un sens très sûr du dérisoire. Après divers rapports fort inspirés, citons parmi d'autres " De la psychiatrie vers la santé mentale ", ils nous offrent le Plan : " La psychiatrie et la santé mentale ". Et nous voilà enrichis de 96 pages ! Il y a une blague classique qui dit : " Comment avez vous trouvé le steak ? " - " Difficilement, sous une feuille de salade ". Nous avons la salade, pouvons-nous trouver le plan ?

L'addition, certes, nous l'avons :
Moyens de fonctionnement : 287,5 M€ sur la période 2005-2008.
En subvention au titre du FMESPP : un effort de 22,3M€ en 2005, 59,6M€ / an 2006 et 2007, de 47 M€ en 2008. Sachant, comme le dit Boitard que 200 millions d'euros représentent environ 2% du budget estimé de la psychiatrie (1).

On nous promet des efforts : promotion de la recherche, création de services d'accompagnement (financés par les départements). Mais l'horizon du Ministère ne s'arrête pas là : place des familles, des usagers, tout y passe ! Le nombre de postes à l'internat pour la psychiatrie ? De 245 à 300 en 2005. De plus, seront appliquées un certain nombre de circulaires déjà parues. Je cite ces quelques éléments en vrac, mais dans le " Plan ", ils sont en ordre. C'est la pensée elle-même paradoxalement qui est en grand désordre.

La prise en compte de ce qui existe, qui fonctionne et qui crée, en effet, on ne la rencontre pas. Hors frime médiatique, un financement réel justifié par une réflexion construite et articulée, on ne le trouve pas. Pas plus qu'un vrai soutien de la psychiatrie de secteur. Mais peut-être y avons-nous notre part, nous multiples acteurs de la Psychiatrie, à force de crier au feu, à la crise, sans discernement, tout en laissant se déliter nos outils de travail ? Chacun à son échelle de responsabilité, et pas seulement les médecins.

La seule chose claire dans ce chewing gum, c'est que l'on noie le secteur. On dit qu'il fait partie des atouts incontestables, en lui maintenant froidement la tête sous l'eau. On le noie dans les réseaux, les fusions et fédérations ; sous une cataracte de bonne conscience soft, on submerge toute sa philosophie sous-jacente. Et l'on voit sourdre une idéologie de substitution : gouvernance, évaluation des pratiques, carnet de scolarité des élèves infirmiers, tutorats. Mise au pas et déresponsabilisation généralisée.

S'il y a un plan, peut-être ne le voyons-nous pas, drapé qu'il est dans son évidence même. Parce qu'on reconnaît les mots, scientifiquement étudiés, les cibles, tabous, stigmates et stratégies, les handicaps psychiques. Pas de difficulté à traduire tout cela en anglais, c'est presque fait ! Ce ne serait pas du Shakespeare, pas " l'étoffe dont sont faits les songes ", non, plutôt la langue en béton creux de l'OMS. Ainsi, peut-on lire dans le préambule :

La santé mentale comporte trois dimensions : la santé mentale positive qui recouvre l'épanouissement personnel, la détresse psychologique réactionnelle qui correspond aux situations éprouvantes et aux difficultés existentielles, et les troubles psychiatriques qui se réfèrent à des classifications diagnostiques renvoyant à des critères, à des actions thérapeutiques ciblées et qui correspondent à des troubles de durée variable plus ou moins sévères et handicapants.

Voilà ! Essayez de relire plusieurs fois ces phrases sans concept, sans pensée, sans Histoire. Vous les relisez, et vous êtes peu à peu saisi d'un sentiment de dépersonnalisation, d'une sorte de vertige de l'insensé. Il nous faut beaucoup plus d'exigence pour ne pas nous laisser gagner par le dérisoire de la langue : nous y perdrions toute maîtrise de notre métier.

1) Communiqué de presse du CASP. http://www.psychiatrie.com.fr/articles/art980.html .


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