Plan Santé Mentale : La Coordination Nationale Infirmière réagit

 

 

La gravité extrême des actes commis lors de ces dernières semaines par des citoyens « aux facultés mentales perturbées » sans prise en charge médicale récente a fait apparaître au grand jour les conséquences dramatiques d’une politique de Santé Publique qui a mené la Psychiatrie Française vers cet abîme. Aucun des Ministres de la Santé en place depuis 20 ans et responsable ce secteur ne pouvait ignorer cet état de délabrement. Lors de son premier passage « Avenue de Ségur », Monsieur DOUSTE-BLAZY a continué de suivre la ligne de conduite de ces prédécesseurs, malgré les multiples interpellations des professionnels. Il aura donc fallu attendre plusieurs drames pour que le ministère envisage une autre politique et présenter un Plan Santé Mental.

Basée sur le concept du  soin de proximité, la politique de sectorisation se voulait à l’opposé du  concept asilaire. Elle a surtout permis aux gouvernants d’orchestrer le démantèlement de la Psychiatrie Publique. En son temps et avec les inconvénients que l’on connaît, l’asile avait au moins le mérite d’assurer le suivi des patients et la protection de la population.

Nous avons étudié les propositions de Monsieur DOUSTE-BLAZY et au-delà des intentions, nous pensons que pour avancer sereinement la communauté soignante en Santé Mentale a besoin de réponses précises concernant sa mission et son avenir. Sans renoncer au concept du soin de proximité, il est aujourd’hui nécessaire de repenser entièrement la filière de Santé Mentale.

 

Certaines questions nous apparaissent incontournables :

Le malade mental peut-il être pris en charge comme tout autre malade ?

La psychiatrie doit-elle prendre en charge tous les maux de la société ?

Quel statut accorde-t-on au malade mental et dans quelles limites juridiques ?

Y a-t-il un réel intérêt thérapeutique à confronter tous les malades mentaux à la loi ?

Ne faut-il pas aménager le concept du soin sous contrainte pour permettre aux médecins d’engager au plus vite un processus de soins et le suivi des patients en souffrance psychique extrême ?

             

            A propos du Plan Santé Mental :

 

1)      Réinvestir dans les murs de l’hôpital psychiatrique :

                  Certes l’enveloppe financière proposée pourra peut-être permettre la rénovation et la sécurisation des hôpitaux mais rien n’indique que le Ministre a bien l’intention de revoir les capacités d’accueil. Le moratoire, synonyme de statu quo, ne répond pas aux besoins des services submergés par les demandes d’hospitalisation et plus particulièrement en matière d’Hospitalisation d’Office et d’Hospitalisation sur demande d’un Tiers.

2)      Augmenter les moyens humains :

Rendre attractif les postes vacants de praticiens hospitaliers est tout à fait louable mais nous avons un doute sur la capacité de recrutement car il faudra convaincre un certain nombre de psychiatres du secteur privé d’investir les quelques 700 postes libres du secteur public. L’augmentation des places d’internes en psychiatrie sera sans doute un bon moyen de recruter mais il faudra attendre quelques années pour combler le déficit.

3)      Amélioration de la formation des infirmières en psychiatrie :

Tout en reconnaissant le savoir des infirmières ayant suivi l’ancien cursus (ISP), le ministre préconise une formation d’adaptation à l’emploi pour transmettre aux nouveaux professionnels un savoir utile « en perdition ». Il propose ainsi 15 jours complémentaires de formation alors que le cursus des ISP prévoyait à l’époque au moins 2 années de formation en psychiatrie et Santé mentale. Si Monsieur DOUSTE BLAZY considère ce savoir indispensable, pourquoi ne l’inscrit-il pas durablement dans une formation spécifique comme le demande la CNI. Ses 15 jours de formation semblent en décalage avec les enjeux et méprisent les compétences. D’autre part, notre ministre suggère de mettre en place un dispositif de tutorat. Les tuteurs, professionnels confirmés, utiliseraient un tiers de leur temps pour encadrer les nouvelles recrues. L’idée pallierait en partie le défaut de formation des jeunes infirmières mais l’effectif en place sur le terrain n’est pas en mesure de la concrétiser.

 

4)   Dispositif pour développer l’offre sociale :

 

Dans ce domaine, toute initiative visant à créer un lien entre les patients et leur famille ne peut qu’être qu’encouragée. Il reste à connaître les partenaires sociaux susceptibles de gérer les accompagnements. Par contre, le plan n’aborde pas du tout le cas de ces nombreux malades mentaux en complète rupture sociale et familiale et pour lequel tout reste à faire.

La CNI suggère de créer des équipes mobiles de dépistage.

5)   Pour la prise en charge des soins aux personnes détenues atteintes de troubles mentaux le principe des UHSA, nous paraît intéressant à développer dans la mesure où ces unités, même si elles sont encadrées par du personnel pénitentiaire, permettent de maintenir le suivi de ces personnes dans une structure sanitaire. Par contre le concept d’Hôpital Prison, nous apparaît inapproprié, dans la mesure où le soin et la peine y sont confondus. Dans cette confusion, comment ces personnes déjà perturbées pourront-elles percevoir à la fois un sens à la peine et un sens au soin.

           

En tout état de cause, l’incarcération doit être considérée comme un échec d’une prise en charge initiale et non comme un moyen d’accès à cette même prise en charge. L’objectif premier est bien de mettre en œuvre tous les moyens préventifs et curatifs pour éviter la phase ultime de l’incarcération. La meilleure garantie  de sécurité pour notre société, ce n’est pas la Prison mais bien le dépistage, le traitement et le suivi.

 

D’évidence et pour  cette ambition, il faut revoir le dispositif qui encadre le soin sans consentement, en donnant au médecin la capacité juridique d’engager un processus de soins sous contrainte avant que le patient ne devienne dangereux pour lui-même ou pour les autres. Parallèlement, il faut préserver les intérêts du patient et lui garantir un recours possible (ex : nomination d’un avocat et obligation de contre expertise).

           

La CNI, syndicat professionnel qui a engagé une réflexion sur la santé mentale depuis sa création, espère trouver dans la sollicitation du Ministre de la Santé, une réelle écoute et la prise en considération des attentes des usagers et des soignants.

 

 Monsieur le Ministre nous sommes impatients de participer à la concertation du projet Plan Santé Mentale.

                                           Le Collectif PSY -CNI

 

Coordination Nationale Infirmière
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