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QUI DONC COUPE LES TÊTES ?
Comment se fait-il que la psychiatrie ne puisse avoir d'existence publique
qu'à travers l'éclairage bâtard d'un fait divers ? d'un tsunami
alors que la psychiatrie légitime, celle de tous les jours,
celle qui ne fait pas de vague,
celle qui panse silencieusement chaque jour
les blessures de milliers de personnes reste fantomatique ?
Qu'est-ce qui donne corps à ce clivage ?
Très significatif le comportement paradoxal des médias :
- tenter de comprendre le fonctionnement du système psychiatrique en interrogeant uniquement " les têtes ", les psychiatres,
- refusant obstinément d'entendre ce que pourraient dire les patients et les acteurs du soin qui sont 24 heures sur 24 aux côtés des patients, " ces petites mains " à qui on coupe la tête…
Très significatifs du dysfonctionnement actuel
les effets d'annonces du Ministre de la Santé :
Quand les théoriciens ne sont pas en contact étroit avec la réalité quotidienne :
- Ils expertisent une situation qu'ils ne connaissent que partiellement, en tirent des conclusions et rédigent des rapports qui s'entassent sur les bureaux des ministères où d'autres experts, encore plus déconnectés de la réalité sont chargés de prendre les décisions concrètes.
Ils ont une tête bien faite, et bien pleine, bien plantée sur leurs larges épaules, mais sont généralement fort mal placés pour envisager des solutions à des difficultés qu'ils préfèrent souvent ignorer. Quand nous leur expliquons sur tous les tons que nous exigeons une véritable formation en psy :
- Ils nous proposent comme solution concrète de mettre en application ce qui existe déjà. Pour la formation initiale des études d'infirmières : " appliquer le contenu des programmes pédagogiques fixé par arrêté du 23 mars 1992 modifié ".
Quand nous tirons la sonnette d'alarme en soulignant la fuite des infirmiers exerçant en psy vers les services généraux ils proposent de
- " fidéliser les étudiants au domaine de la psychiatrie et de la santé mentale ainsi que de rendre plus attractive cette discipline médicale au moment du choix de l'orientation professionnelle " en incitant les instituts de formation en soins infirmiers à appliquer la circulaire du 10 juillet 2003 sur la mise en œuvre des enseignements concernant la santé mentale !
- " mettre en œuvre la circulaire du 8 juillet 2004 afin que les établissements publics de santé organisent, à partir de 2005, une formation complémentaire de mise en situation professionnelle adaptée à tous les infirmiers nouvellement affectés en service de psychiatrie ". Fantastique et révolutionnaire formation de " 5 périodes de 3 jours au cours de la première année de prise de fonction en service de soins psychiatriques "
- " Certains postes jugés dangereux ou réputés difficiles ne seront pas proposés aux nouveaux arrivants ". ( en UMD ?)
" Les cliniques privées seront incitées par instruction ministérielle à intégrer cette formation ".
- instaurer un tutorat des nouveaux personnels dans les services de psychiatrie fondé sur le principe de la transmission des expériences. " Le tuteur sera choisi parmi les infirmiers " seniors " (au minimum 5 années d'expérience) " c'est à dire, (étant donné le nombre D'ISP en fonction), que ce tutorat sera de fait, réalisé par des infirmiers ayant acquis une certaine expérience de terrain, mais n'ayant pas eux-même, été théoriquement suffisamment formés à la psychopathologie.
- A l'arrivée du nouvel infirmier, le cadre de santé, fixera " les activités et les tâches que l'infirmier pourra faire dès son arrivée ou le type de patients dont il pourra s'occuper et, par ailleurs, les activités, les tâches ou les types de patients pour lesquels le nouvel infirmier devra attendre d'être plus au clair et d'avoir reçu l'accord de son encadrement ". Cela semble tout à fait réalisable, n'est-ce pas, chers collègues cadres !
Tout cela, en créant 2500 postes pour 830 secteurs ce qui correspond à 3 postes vacants supplémentaires par secteurs. La belle affaire !
Le directeur de soins devra mettre en place un projet de tutorat dans l'établissement, en évaluer le fonctionnement, proposer un accompagnement et/ou une formation aux cadres de santé qui auront à encadrer dans leur services des tuteurs, mettre en place une formation des tuteurs au suivi pédagogique, à l'accompagnement et à la transmission des connaissances, élaborer avec les cadres de santé des outils d'aide à l'encadrement analyser les bilans de tutorat et en tirer des orientations. Bref comment faire compliqué quand on peut faire simple ?
Et quelle est la réalité actuelle, est-ce que nous n'essayons pas chaque jour d'assurer déjà, sans en avoir les moyens ce compagnonnage ?
Quoi de neuf sous les tropiques ?
Au niveau de la formation, il faudra vraiment qu'on m'explique (mais c'est vrai, j'oubliais un instant que je n'avais pas de tête !) : ça change quoi ?
Le budget Formation des infirmiers de 28M€/an va servir à qui, à quoi ?
Ah oui j'allais oublier… à financer de grandes mesures, de grands rapports en perspective :
- Mettre en place en 2005 " une enquête visant à établir un bilan national de l'application de ces orientations "
- Instauration d'un tutorat : 25M€/an sur le FMESPP.
- " mise en œuvre d'une procédure d'accréditation des IFSI en qualité d'outil de la démarche d'amélioration de la qualité pédagogique de l'enseignement dispensé en formation initiale " Accréditation des IFSI : coût à établir en fonction des résultats de la concertation
- Instauration d'une formation d'adaptation à l'emploi : mesure financée sur la base d'une cotisation des établissements à l'Association Nationale pour la Formation Hospitalière (3M€)
La mode est à l'évaluation, qui en définit les critères ?
à partir de quelles études ?
Celles des technocrates et des économistes,
mais sur quelles bases ?
Que connaissent-ils des soins de base en psychiatrie que même certains psychiatres hospitaliers choisissent d'ignorer !
Quelle légitimité ont les technocrates pour nous contraindre à évaluer des actes techniques, tout en ignorant volontairement une part essentielle de ce qui fait soin auprès des patients et de leur famille.
Les infirmières n'ont pas de tête (n'est-ce pas Dominique).
Elles ne pensent pas, on ne les conçoit qu'instrumentalisées,
elles n'existent qu'en tant qu'exécutantes de prescription.
On leur a bien accordé " un rôle propre " mais on ne leur a pas pour autant reconnu la faculté de penser.
L'essentiel de leur travail, ce qu'elles font hors évaluation (le relationnel, les petits riens du quotidien) n'a pas d'existence.
Cela reste du domaine de l'indicible au sens philosophique de Leibniz, (puisque disait-il, deux êtres réels ne sont jamais parfaitement semblables, diffèrent par des caractères intrinsèques).
Pourtant, chacun de ces petits riens indicibles est une pierre à la fondation du soin. Sans eux le sol se dérobe, pas d'humanité, pas de soin.
Mais quand un patient ou une infirmière n'est pas considéré comme un être singulier, complexe, mais comme un objet à tout autre pareil, (un schizophrène = un schizophrène, une infirmière = une autre infirmière) il va de soi que cet indicible de leur relation n'existe pas.
Et attention messieurs et mesdames les tuteurs, les " petits riens " n'étant pas codifiés, évalués, protocolarisés, ils risquent d'être dangereux pour le soignant en HDT (Hors accord Du Tuteur) ou le soigné, et sont évidemment formellement interdits aux infirmiers pendant leur première année d'exercice en service psychiatrique !
On parle de violence, mais où se situe la violence ?
Qui serait le coupable ?
qui donc insidieusement coupe les têtes et s'en lave les mains ?
Le schizophrène, le journaliste, mon voisin de palier, la boulangère ou la crémière ?
Le médecin généraliste du bout de ma rue, le psychiatre, le juge, le policier, le gardien de prison ?
La peur est omniprésente, l'angoisse paralysante.
Comment en effet rassurer les citoyens quand l'Assurance Sociale sous toutes ses formes est mise à mal ?
Dans notre infernale quête du risque zéro, à vouloir tout sécuriser, bientôt on ne se regardera plus, on ne se parlera plus, autrement que par écran interposé, on se nourrira de pilules.
Orwell, nous y sommes presque, encore un tout petit effort
Mesdames et messieurs,
"
Pour votre confort et votre sécurité, nous vous conseillons d'attacher votre ceinture, de conserver les yeux fermés, d'éviter toute conduite à risque, de ne côtoyer aucun porteurs de germe pendant les 95 ans que vous durera votre vol "
Vous n'aurez plus rien d'humain, mais promis juré, l'avenir sera radieux, il ne vous arrivera Rien
Bises bien mouillées contaminées de sentiments violents.
Chantal BERNARD
PS : j'oubliais, encore une info essentielle contenue dans ce projet, l'âge du capitaine :
" la psychiatrie est l'une des spécialités où l'âge moyen des médecins en exercice est l'un des plus élevé puisqu'il est de 49.8 ans, et 29 % ont actuellement plus de 55 ans ".
Qui peut me donner l'âge moyen des moussaillons ?