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Plan Santé Mentale



" il est catastrophique", car démagogique, il consolide les failles au lieu d'y remédier"


"Pour sauver la psychiatrie, écoutons les usagers, ouvrons des hôpitaux de proximité, fermons les asiles"



Certes il y a dans cette loi une très grande avancée: la reconquête de l'espace de vie des usagers en ville: la loi sur la handicap psychique reconnaît enfin leurs besoins et leur promet des réponses grâce à diverses mesures d'accompagnement dans la vie sociale qui restent à réaliser.
En dehors de ce fait, qui n'est pas souligné par tout le monde comme un grand progrès, dû à la mobilisation des usagers, ce plan est "catastrophique", car, par les termes 'polissés' qu'emploie le ministre, il donne l'impression d'améliorer la situation, alors que manifestement la révolution qu'apporte la psychiatrie de secteur n'a pas été comprise.
Ni lui, ni surtout ceux qui le conseillent, n'ont senti que pour améliorer le sort des malades mentaux, il fallait se montrer animé par un souffle fait d'humanité, par un sens vrai de la politique, celle de la ville, de la Cité, non celle d'un parti ni d'un syndicat corporatiste; car il s'agit d'un souffle à transmettre à l'opinion. Ce souffle est absent dans ce plan. La valeur qui doit être soutenue ici est bien celle qui donne à la folie une autre marque que la peur, c'est le désir de lui donner une dimension humaine, la volonté de recréer des liens, même quand on donne des médicaments. Et à partir de là chanter la fin de l'exclusion, parler de solidarité, et reparler de l'homme, avec détermination.

En fait ce plan BLOQUE l'évolution de la psychiatrie, parce qu'il conforte l'hôpital psychiatrique classique et sa nature aliéniste dans ses erreurs, sans les comprendre, sans les dépister, donc sans lutter contre elles.

La flétrissure de la psychiatrie, qui continue à la stigmatiser, est en effet "l'hôpital psychiatrique" qui "met à part', qui enferme, qui sépare, qui éloigne des yeux, qui éloigne du cœur, qui concentre, qui anonymise, qui déshumanise, qui aggrave et fait souffrir, qui "marque" le malade. En même temps c'est sa pérennité qui continue à faire croire à l'opinion que la folie est dangereuse, à éloigner. C'est l'hôpital classique que nous visons ici, celui qui a été construit voilà deux cents ans; avec son ancienneté de "deux cent ans" il est devenu un monstre totalement inadapté, totalement inhumain, et obsolète si l'on veut y mener les techniques de soin modernes. Ce monstre fait souffrir et produit des drames que les mesures sécuritaires ne tariront pas, car la souffrance de la vie quotidienne dans ces espaces n'est pas publique, et les délits y sont impunis. Cela fait mal au coeur de voir se développer depuis plusieurs années des dérives technocratiques et des entreprises de division entre les deux corps soignants de l'organisation nécessaire à toute démarche institutionnelle, nous parlons là de ce couple que forment le médecin chef de service et le cadre supérieur de santé, nous voyons trop de directeurs faire chorus avec les ministres, pour un modèle qui est peut être bon pour la médecine, mais qui est inadapté pour la psychiatrie . Ils n'ont rien compris, tout simplement parce qu'ils ne rencontrent pas quotidiennement les patients, et ne se sentent pas tenus de les 'entourer' avec leurs bras et leurs paroles. Mais soulignons ceci aussi, le cadre de l'hôpital 'général' que propose en échange, une fois de plus, le ministre comme ses prédécesseurs, est tout aussi inadapté à la psychiatrie; et nous le critiquons tout autant; la psychiatrie a besoin de beaucoup plus "d'égards" que la discipline, l'asepsie, le calme, le lit permanent, qui sont les seules choses que peut lui offrir cet hôpital général; la psychiatrie y est tout aussi ségréguée qu'à l'hôpital psychiatrique, elle a besoin de liberté et de proximité immédiate avec son environnement.

Comment oser faire croire, que dans ce pays qui est le 2ème du monde en densité de psychiatres -il faudrait que les psychiatres osent accepter ce rappel qui doit sonner comme un verdict, et qu'ils aient le courage de se dire que leur plainte ne peut concerner le nombre, mais la répartition ...à modifier d'urgence -, on constate qu'il y a 800 postes sur les 4000 du service public qui sont inoccupés et qu'on se contente de dire, comme le fait le plan, que tout va changer puisque l'on augmente de 55 le nombre d'internes...-qui en fait iront ...vers le privé - !!!
Des mesures immédiates sont pourtant possibles. Elles sont totalement absentes du plan. Elles ont été (déjà) prises par le passé !

L'autre drame est la non reconnaissance de la carrière de l'infirmier psychiatrique, celui-ci est en première ligne; sont rôle est si considérable et pourtant si peu reconnu; c'est lui qui sait maintenir la dimension humaine dans la relation de soin; d'ici quelques années cette profession aura disparu...donc la psychiatrie de service public aussi . La pratique quotidienne de l'infirmier diplômé d'Etat, honorable, a peu de choses à voir avec celle de l'infirmier psychiatrique. La formation de départ n'est pas suffisante. C'est le titre et la formation continue spécifiques qui sont les seules garanties de cette identité d'infirmier psychiatrique absolument nécessaire. Mais enfin pourquoi pensons nous utile alors la différence entre le généraliste et le psychiatre ? Une telle dissociation dans le discours tenu sur un même terrain est absurdité impensable...sauf entre les quatre murs d'un bureau administratif.
Ce n'est donc pas la voie de la concertation qui est ici ouverte, car les mêmes conseillers inspirent les mêmes idées depuis des mois, et même plus aux ministres. Cela continue avec ce plan. Ce sont ces conseillers qui sont les seuls aujourd'hui à applaudir dans les médias le ministre 'parce qu'il change de ton' ...en fait il emploie leurs mots bien 'polissés'. Le Ministre a été trompé.
Alors si les professionnels enterraient la hache de guerre entre eux, -car c'est sur leurs divisions que les conseillers construisent leur doctrine et, devenus plus modestes, s'ils s'obligeaient à construire une même psychiatrie qui donnerait confiance à tous, car lisible aux yeux des usagers comme pour le ministre ? Ne croient-ils donc pas que les usagers ont fondamentalement besoin de ce discours cohérent et commun sur la souffrance psychique ?
Et si le ministre alors changeait de conseillers et se montrait plus à l'écoute...des usagers? Après tout pourquoi pas ? Ils ont peut-être des idées ! Et eux, en plus, ils connaissent tout le champ de la santé mentale, de l'intérieur ; ils en connaissent les inégalités d'un bout à l'autre de la France ; ils pourraient même faire le travail des "50 millions de consommateurs" et préciser là où ça ne marche pas, là où ça marche, la Santé Mentale. Ce serait peut-être utile au ministre, ...et aux professionnels après tout.
En effet ce dont il s'agit ici c'est des usagers, c'est aussi de la nation et de son avenir. Il n'est pas trop tard pour ouvrir les yeux des politiques, ils veulent se battre pour le bonheur de ceux qui les ont élus. A nous ensemble de réfléchir à la meilleure façon de les conseiller :
En réalité le point central d'un plan sur la santé mentale, car c'est celui qui marque l'opinion, c'est la place que va prendre l'hospitalisation psychiatrique dans notre monde moderne.

Récemment, le CAPSY, ce nouveau club pour l'avenir de la psychiatrie, est intervenu publiquement en précisant que ce dont les patients ont besoin.
Ce qu'ils demandent clairement aujourd'hui, c'est d'une psychiatrie restaurée par une vision nouvelle de sa théorie et de sa pratique.
Une psychiatrie s'appuyant sur son environnement relationnel, et en particulier sa famille.
Tous les soins doivent tenir compte de ce principe, "l'appui sur l'environnement relationnel"; ainsi l'hospitalisation sera restaurée, le quotidien de la psychiatrie ne doit pas être non plus dévoré par le monstre fantasmatique de l'urgence, ce 'dragon quotidien', un tigre de papier en fait ; l'urgence est simplement la réalité quotidienne de l'expression d'une souffrance qui n'a pas encore trouvé son oreille. Elle est donc très présente, constante. Loin de nous, de croire qu'il faut s'en désintéresser. Au contraire, il est indispensable d'y répondre, mais certainement autrement qu'avec la "grosse Berta" des urgences de la mégapole hospitalière générale moderne, qui écrase toute parole intime portant une souffrance psychique. L'hôpital psychiatrique sera restauré si dans chaque ville pour 2 ou 3 équipes de secteur est construit un espace d'hospitalisation, avec un service pour chaque secteur, et à l'entrée une équipe disponible 24/24, tenue par la même équipe de secteur, ce dernier point établit d'emblée la continuité du soin; celle ci en effet doit constamment ressouder urgence et soins au long cours; comment y parvenir si ce ne sont pas les mêmes personnes qui y interviennent? Comme ce petit établissement est situé en pleine ville les familles ne seront plus jamais tenues à l'écart, mais au contraire impliquées, et ceci depuis l'urgence jusqu'au séjour hospitalier; l'hospitalisation n'est plus alors temps de séparation, mais "temps d'activation des liens" grâce à un travail continu de l'équipe avec l'entourage.... L'ancien hôpital psychiatrique, quant à lui, se fermera tout seul.
Attention, soyons vigilants, dans cette 'urgence' n'oublions pas cette plainte d'une mère reprise si souvent par les familles, "la famille n'est pas écoutée par le psychiatre, alors qu'elle doit être intégrée dans le soin", témoin du travail de fond à continuer chez les soignants pour réaliser vraiment la "révolution" de la psychiatrie de secteur.

Le besoin urgent : Un souffle. Une vue d'ensemble. L'homme avant la science. L'homme avant les murs. L'homme accompagné des siens.
Renouer la solidarité entre la nation et ceux qui souffrent sur le plan psychique. En finir avec la stigmatisation que provoque le maintien de ces monstres du passé que sont les anciens hôpitaux psychiatriques, et restaurer l'hospitalisation en la réinstallant en ville. Etablir un triangle qui intègre dans le soin le patient, les soignants, la famille et les liens sociaux. En finir avec les cloisonnements, permettre de 'penser' la continuité et de la 'travailler'. "

Guy Baillon - psychiatre des hôpitaux
baillon.guy@noos.fr

Yves Gigou - infirmier de secteur psychiatrique, cadre supérieur de santé
yves.gigou@wanadoo.fr



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