Le 15 septembre 2006
Mesdames et Messieurs les Députés
Mesdames et Messieurs les Sénateurs
Mesdames et Messieurs les Maires
Objet : les hospitalisations psychiatriques sans consentement et la révision de la loi du 27 juin 1990
Mesdames, Messieurs,
Les circonstances qui justifient la présente lettre :
Les associations d’usagers représentants les patients et les familles, de même que les organisations professionnelles signataires ont été amenées à demander unanimement au gouvernement de retirer du projet de loi sur la prévention de la délinquance les articles 18 à 24 concernant les hospitalisations psychiatriques d’office (H.O.). Ils ont demandé, dans le même temps, que soit entreprise une révision de la loi du 27 juin 1990 qui organise actuellement ces hospitalisations, dans une approche globale et cohérente des situations auxquelles il y a lieu de répondre. Ils estiment nécessaire d’expliquer aux élus, en urgence et en quelques lignes, les principaux éléments qui expliquent leur intervention.
Précisions sur les H.O. dont il est question ici :
Les observations qui suivent ne contestent pas l’intérêt des actions de prévention. Elles concernent exclusivement les hospitalisations dites d’office (H.O.), réalisées actuellement dans le cadre de l’application de la loi du 27 juin 1990, indépendamment des procédures judiciaires qui peuvent intervenir suite à un délit constaté.
L’essentiel de l’argumentation
Celle-ci tient dans le fait que lors des décisions administratives appelées jusqu’à maintenant et par la loi du 27 juin 1990, « hospitalisations d’office », les autorités responsables de l’ordre public ne décident pas, dans la réalité, d’une modalité de soins, mais très précisément d’une obligation pour les personnes en cause, d’être présentées devant des professionnels du soin.
Ainsi, contrairement à ce que certains pourraient penser, il n’y a pas d’assimilation possible entre les personnes qui manifestent un besoin de soins, reconnu par les autorités administratives dans le cadre d’une H.O. et celles qui pourraient être reconnues comme dangereuses pour l’ordre public, dans le cadre d’une procédure d’ordre civil.
Pour les signataires, qui sont confrontés quotidiennement à ces problèmes, il est de l’intérêt de tous, élus compris, que les deux types de décisions (« demandes de soins » par les autorités responsables de l’ordre public et « modalités de soins » par les autorités médicales) restent distinctes, même si elles peuvent parfaitement cohabiter dans le cadre des procédures judiciaires. Il est également crucial d’avoir à l’esprit que les deux autres formes de soins hospitaliers - hospitalisations à la demande d’un tiers, hospitalisation libre - ne peuvent être séparées des situations où une autorité tierce doit intervenir. Nombre de maires, notamment de villes petites et moyennes, peuvent être mis en grande difficulté par les dispositions initiales du projet de loi de prévention de la délinquance, du fait de la municipalisation du prononcé des décisions de HO et des responsabilités encourues à ces titres. Pour les signataires de la présente lettre, l’autorité judiciaire doit être garante du respect de la loi et des libertés individuelles, conformément à l’article 66 de la Constitution et aux engagements internationaux de la France (Convention Européenne des Droits de l’Homme notamment).
Les autorités légitimes pour prendre les décisions sont différentes dans les trois domaines (sanitaire, ordre public et judiciaire) et doivent impérativement le rester. Toute confusion dans ce domaine serait contre productive et même dangereuse, tant du point de vue des personnes qui doivent être soignées que de celui de leurs proches et des élus qui demandent qu’elles le soient et enfin des professionnels du soin. La prévention ne peut déroger à cette exigence.
Pourquoi réviser la loi de 1990 ?
La loi de 1990 est un texte relativement équilibré mais qui n’avait pas caché son caractère provisoire puisqu’il avait été prévu de le réviser cinq ans après. En effet, depuis cette époque, les modalités de soins en psychiatrie ont beaucoup évolué. Les durées moyennes d’hospitalisation ont diminué dans des proportions inimaginables il y a encore quelques dizaines d’années. Les personnes souffrant d’affections de longue durée vivent désormais essentiellement dans la cité, accompagnées majoritairement par leurs proches, lorsque ceux-ci existent, et soignées par des professionnels situés le plus souvent à proximité de leur habitation, en application de la politique de secteur.
Par ailleurs, d’importantes innovations sont intervenues dans le domaine législatif concernant les droits des patients et la reconnaissance du handicap psychique qui ont confirmé l’importance de l’accompagnement dans la cité des personnes souffrant d’incapacités sociales, conséquences de maladies de longue durée.
Enfin, la révision demandée unanimement de la Loi de 1990 a été préparée par de nombreux rapports qui ont confirmé l’intérêt d’un nouveau travail collectif et interministériel afin de tenir compte des évolutions de la situation.
C’est pour des raisons de cet ordre, succinctement évoquées dans ce courrier, qu’un nouveau texte devrait être soumis au législateur sous l’égide du Ministère de la Santé, mais dans un cadre interministériel (Intérieur, Justice), après consultation des représentants des acteurs élus, professionnels et associatifs concernés. Cette concertation n’a malheureusement pas eu lieu pour les dispositions inscrites dans le projet de loi de prévention de la délinquance.
Les signataires ont l’expérience de la complexité des questions évoquées. Ils savent aussi que c’est par des coopérations entre usagers, familles, professionnels sociaux et sanitaires et aussi avec les élus et les responsables de l’ordre public que le respect des personnes, le droit et la sécurité publiques sont les mieux respectés. C’est dans cet esprit qu’ils se mettent à la disposition de l’administration et des élus pour les aider à élaborer, le plus rapidement possible, des textes qu’ils souhaitent à la fois réalistes et respectueux des personnes en souffrance.
Pour toutes ces raisons, les signataires de la présente lettre vous demandent d’intervenir pour resituer les questions relatives aux soins psychiatriques, figurant à l’origine dans le projet de loi de prévention de la délinquance, dans le cadre législatif appelé globalement à réviser la Loi du 27 juin 1990.
Dans cette attente, nous vous prions d’agréer, Mesdames, Messieurs, l’expression de nos salutations respectueuses.
(La liste des signataires est donnée en annexe)
Les signataires :
Pr Franck BAYLE
Chargé de mission médico-légale du Syndicat Universitaire de Psychiatrie (CASP)
Tél. 01 45 65 89 51
Dr Olivier BOITARD
Président de l’Union Syndicale de la Psychiatrie (CASP)
Tél 03 44 77 50 17
M. Jean CANNEVA
Président de l’Union Nationale des Amis et FAmilles de Malades psychiques (UNAFAM)
Tél 01 53 06 30 43
M. Yves-Jean DUPUIS
Directeur Général de la Fédération des Etablissements Hospitaliers et d’Assistance Privés à but non lucratif (FEHAP)
Tél 01 53 98 95 07
Dr Pierre FARAGGI
Président Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux (CASP)
Tél 05 56 76 52 94
Mme Claude FINKELSTEIN
Présidente de la Fédération Nationale des Associations
d’(Ex) Patients en Psychiatrie
(FNAP-Psy)
Tél 01 43 64 85 42
Dr Yvan HALIMI
Président de la Conférence des Présidents des Commissions Médicales d’Etablissement des Centres Hospitaliers Spécialisés
Tél 02 51 09 72 92
M. Michel LAUDREN
Délégué Régional chargé de la psychiatrie – Association Française des Directeurs de Soins (AFDS)
Tél 02 41 80 79 41
Dr Eric MALAPERT
Président du Syndicat des Psychiatres d’Exercice Public (IDEPP)
Tél 01 69 25 42 00
Dr Jean-Charles PASCAL
Président de la Fédération Française de Psychiatrie (FFP)
Tél 01 46 74 31 12
Mme PERRIN-NIQUET Annick
Présidente du Comité d’Etudes des Formations Infirmières et des pratiques en Psychiatrie (CEFI-PSY)
Tél 04 72 42 11 87
M. Bernard RAYNAL
Président de l’Association Des Etablissements participant au service public de Santé Mentale
(ADESM)
Tél 02 99 33 39 33
Dr Roger SALBREUX
Président du Syndicat des Médecins Psychiatres des Organismes Publics, Semi-publics et Privés (CASP)
Tél 01 55 30 13 39
Pr Jean-Louis SENON
Président du Collège de Recherche et d’Information Multidisciplinaire en Criminologie de l’Université de Poitiers (CRIMCUP)
Tél 05 49 44 57 35
Dr Norbert SKURNIK
Président du Syndicat des Psychiatres de Secteur (IDEPP)
Tél 01 44 64 30 50
M. Gérard VINCENT
Délégué Général de la Fédération Hospitalière de France (FHF)
Tél 01 44 06 84 41