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LETTRE OUVERTE


Marseille le 21 décembre 2004



M.DOUSTE-BLAZY
Ministre de la Santé


Monsieur le Ministre,

La profession infirmière a attentivement écouté vos propos lors de vos différentes interventions dans les médias, après la tragédie de PAU.
Ceux-ci ont révolté tous les professionnels que nous sommes, et aucun de nous n'échappe ni à la souffrance, ni à la colère.

En effet, Monsieur le Ministre, nous sommes en colère !

Tout d'abord, utiliser un tel drame humain, pour accuser la pathologie mentale comme seule responsable, est inacceptable, quelques soient les résultats de l'enquête !
Avez-vous songé à la douleur des familles des victimes, mais aussi à celle des familles des usagers atteints de pathologie mentale, qui vont être désormais désignés comme coupables, par la population.

Nous estimons quant à nous que les responsables sont les politiques, les technocrates qui ont décidé, malgré l'avis des professionnels, de banaliser la Psychiatrie, en la réduisant à une discipline médicale comme les autres. Effectivement, la psychiatrie est une discipline médicale mais d'une très grande complexité. Pour preuve, les différentes philosophies de soins : psychiatrie médicale, psychiatrie à visée psychothérapie institutionnelle, psychiatrie sociale, psychanalytique, systémique ; comportementaliste……….

Depuis des années, les professionnels et la CNI attirent l'attention des différents Ministres de la Santé, des politiques, des directeurs d'ARH sur :

- la nécessité de sécuriser les établissements de soins. Nous ne vous rappellerons pas le nombre d'accidents qui ont eu lieu, la liste serait longue…

- la pénurie d'infirmières, dans tous les services, mais combien criant en psychiatrie, qui intéresse peu, car difficile d'exercice et par manque de formation.

Depuis des années, la Psychiatrie est sinistrée. En juin 2003, l'ensemble des professionnels de la Santé Mentale s'est réuni à Montpellier. Le Ministre de l'époque n'a pas daigné y participer !

Ces professionnels ont rédigé quatre motions et vingt deux mesures à prendre d'urgence Décembre 2004, qu'en est il de ces propositions ? Dans un tiroir, sans doute ?

Aussi, Monsieur le Ministre, vos propositions n'ont pas été accueillies favorablement.
Vous annoncez publiquement :

- un moratoire sur la fermeture des lits, d'accord, mais allez vous réouvrir ceux dont nous avons besoin ? et avec quel personnel ?

- la limitation de sortie des " patients gravement atteints " quand ceux-ci sont stabilisés. Voulez vous recréer des ghettos asilaires ?

- Ouvrir les CMP jusqu'à 20h, (centres médico-psychologiques et non psychiatriques) (mais certaines de ces structures fonctionnent déjà comme cela,) et le week-end, excellente idée, mais avec quel personnel ? Puisque déjà toutes ces structures manquent de personnel.

- relier les services de soins et les commissariats. C'est une mesure radicalement opposée aux soins. Les patients sont ils des malades ou des délinquants ? Si oui, il existe des structures adaptées mais en nombre insuffisant. Depuis quand la Santé dépend elle du Ministère de l'Intérieur. Si cette mesure peut être envisageable pour des services d'urgence ouverts à tout un chacun, elle nous paraît inacceptable pour des soignants en psychiatrie. Mais il est vrai, qu'elle peut rassurer les équipes des urgences saturées le soir et le week end, notamment, par de nombreuses personnes en détresse psychologique, voir psychiatrique, des citoyens en situation précaire. Le problème ainsi, est encore déplacé, et ne résout en rien les difficultés existantes

- Il faut pour ces services du personnel infirmier formé, en nombre. Sans doute serait il opportun de réfléchir sur de nouveaux emplois statutaires pour des agents hospitaliers de sécurité, soumis aux mêmes devoirs, pouvant intervenir sur demande des soignants, plutôt que des sociétés privées de vigiles .Il faudrait " également réfléchir sur l'architecture des structures de soins et des matériaux employés " car trop souvent le critère retenu est un critère économique qui n'est pas synonyme de qualité.

Monsieur le Ministre, ces propos ne sont ils pas que des effets d'annonce pour rassurer la population, stigmatiser les usagers atteints de pathologie mentale ou en détresse psychologique, à un moment difficile. ?

Nous, syndicat professionnel, réclamons de toute urgence une rencontre avec des professionnels de la Psychiatrie et de la Santé Mentale afin de débattre et d'étudier les solutions possibles et cohérentes pour l'ensemble de ces problèmes et aborder réellement la question de la formation.

La CNI souhaite ne pas être exclue de ce groupe de réflexion.
Nous restons à votre disposition et nous osons espérer que ce courrier, sera pris en considération.
Veuillez agréer, monsieur le Ministre, nos respectueuses salutations.

Pour le Bureau
La Secrétaire Nationale, D.HENGEN
Coordination Nationale Infirmière
270 Bd Sainte Marguerite
13009 MARSEILLE
6508 / RC 1249 / I

04 91 74 50 70 / 6 04 91 74 61 47
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