« Oh tu travailles en psychiatrie… Mais tu n’as pas peur ? »

 

Oh que si j’ai peur !! Mais laissez-moi vous raconter,

Je vous permets d’être indiscrets,

Je veux vous faire partager juste mon quotidien, même pas tout mes secrets.

Tous ces aliénés,

Ces internés,

Ces fous à lier,

Je veux vous les présenter.

Dans cette politique du « Y’a rien à voir, circulez »,

Moi, au contraire, je veux vous dire « Entrez !! »

Vous pourrez y rencontrer Monique, René,

Isabelle ou Aimé, le mal-nommé.

 

Quand René s’est mis à délirer,

Ces voisins ont pris peur, se sont effrayés,

Mais ils n’ont pas vu que c’est lui qui souffrait.

Alors on nous l’a emmené,

Malmené,

Pieds et poings liés.

Seulement voilà, là où il faudrait, accueillir, écouter, rencontrer,

On ne nous propose plus qu’enfermer, caméras et barbelés.

Ensevelis sous une tonne de papiers,

Les soignants n’osent plus penser,

De peur de se voir qualifiés de révoltés.

 

Et puis, on nous propose un grand projet,

Une association pleine d’idées,

Des penseurs, des panseurs, qui veulent nous aider,

Et voir nos plaies cicatrisées.

 

Pour le moment, il est une grande souffrance partagée,

Entre ceux qui sont niés, rejetés,

Et ceux qui n’ont plus les moyens de les accompagner.

Leur combat au quotidien, devient intimement lié :

Qu’on nous donne des espaces pour penser, pour parler,

Enfin un peu de liberté,

Et même une ouverture sur la cité.

(Mais là, me prendrais-je à rêver ?)

 

Alors oui, comme vous, je suis effrayée

Non pas par ceux que vous considérez comme étrangers,

Etranges, bizarres et meurtriers,

Mais par la façon dont ils sont malmenés,

Par vous, par moi, par la société,

Pour ne pas dire torturés ou sacrifiés,

Comme ce fut le cas par le passé,

Sur l’autel d’une certaine normalité,

Pour assurer certain d’une fausse tranquillité.

 

Ruzbutu, Soi-niante en psychiatrie, appellation d’origine non contrôlée.