Politique de la peur et management

En lançant le texte Nous refusons la politique de la peur, puis en signant l’appel des 39 nous avons voulu mobiliser l’opinion sur les graves atteintes aux libertés publiques puis affirmer le refus d’un management sécuritaire de la psychiatrie.

Comme Nicolas Sarkozy le fait depuis 3 ans, à chaque victime exemplairement médiatisée répond une nouvelle loi répressive. Après les meurtres de Pau et de Grenoble la psychiatrie a été l’objet de cette tourmente alors même que le rapport de 2005 sur violence et psychiatrie montre que les patients de la psychiatrie sont d’abord victimes et non auteurs de délits graves.

Le discours du 2 décembre puis la circulaire du 22 janvier préconisent une psychiatrie sécuritaire où l’enfermement est renforcé au détriment des pratiques de soins, mais également des mesures de traitement obligatoire à domicile qui sont autant d’atteintes au lieu privé qui font l’intimité de chacun. Il est dans la même ligne que l’attaque contre l’ordonnance de 1945 sur les mineurs en danger, attaque qui préconise la sanction comme mesure éducative ce qui renvoie les jeunes en difficulté d’abord à une délinquance potentielle. Patients et jeunes sont littéralement mis en liberté surveillée, mais également soignants, éducateurs et juges.

Car ce discours autoritaire accompagne la déstructuration des services publics au bénéfice du privé concurrentiel , et en particulier celle de l’hospitalisation publique sommée de se plier aux lois du management d’entreprise comme la loi Bachelot veut le finaliser.

L’atteinte aux moyens et aux acquits soignants par le financement à l’activité (T2A) et la mise en place de nouvelles gouvernances montre déjà les conséquences graves sur l’accès aux soins (franchises, triage de patients, gestion des dispositifs à flux tendus) et sur leur continuité. C’est la fonction soignante qui est réduite aux impératifs comptables et insécurisée en profondeur.

La psychiatrie qui a développé un dispositif public de secteur est aujourd’hui atteinte de plein fouet par ce cours gestionnaire tant dans ses dispositifs de terrain que dans la qualité des soins et l’évolution de l’hospitalisation. Le secteur psychiatrique qui est un des acquits fondamentaux de la santé publique en France devient en effet dans cette nouvelle gouvernance une activité parmi d’autres avec la perte du lien entre les différents niveaux d’intervention et aujourd’hui, avec le rapport Couty est clairement réduit à sa rentabilité comptable. Cette objectivation médicalisante du soin dénie la continuité et ce qui fait lien dans le travail de sens sur le symptôme, renforce la fonction d’expertise et sécuritaire au détriment du soin, l’intégrant comme outil d’ordre et de traitement de dangerosités sociales.

La loi dite Bachelot participe ainsi à la politique de la peur. Son retrait et sa renégociation dans un cadre démocratique est donc une exigence comme les manifestants du 29 janvier l’ont revendiqué, au même titre que notre refus de la nuit sécuritaire.

Cette politique de la peur concerne donc l’ensemble des champs sociaux et accompagne les politiques de précarisation généralisée. Elle est la volonté de pénaliser tout ce qui fait désordre public au détriment des acquits sociaux, de l’éducation, des soins et de la justice pour faire passer ses réformes néo-libérales.

Nous réaffirmons ici notre refus de cette politique et de résister. C’est dans cette perspective que nous avons appelé avec la ldh et d’autres organisations et collectifs à des états généraux des droits et des libertés, et nous appelons le groupe des 39 ainsi que le dernier appel en date L’appel des appels à participer à cette échéance.

C’est dans cette perspective que nous appelons à participer à la manifestation du 12 février des syndicats contre la loi Bachelot.

Ce refus doit être l’occasion d’un débat permanent avec les associations d’usager et de leurs familles, avec tous ceux qui participent d’une politique de santé mentale, et de le mener dans l’ensemble des établissements de la psychiatrie vers les sognants qui ne sont pas là aujourd’hui.

 Jean-Pierre Martin