UNE
NOUVELLE LOI D’ELIMINATION
Le débat parlementaire qui
a commencé sur la loi de récidive des délinquants sexuels n’aurait pas dû
exister.
D’abord parce que le
conseil constitutionnel a récusé la rétroactivité de la loi de rétention de
sûreté, ensuite parce que la loi ne peut que définir des procédures pas des
contenus thérapeutiques. La naturalisation d’un délit qui renvoie au criminel-né
est une aberration scientifique qui dénie le statut du psychisme comme
subjectivité, le sujet délinquant n’étant pas un monstre hors de notre
humanité.
Ce projet de loi ignore
cette humanité et ne protège donc pas vraiment les victimes. Il se centre sur
une réponse médicamenteuse, sous contrôle judiciaire, dont les résultats
thérapeutiques sont loin d’être systématiques, car l’atténuation hormonale des
effets corporels de la pulsion ne rend pas compte de son origine psychique et
n’a donc que peu d’effets sur la récidive.
C’est une loi du
désespoir, du constat d’échec, d’un vécu d’impuissance face à un mal inexorable
qui justifierait les pires extrémités : annuler
l’humanité.
Si nous ne pouvons pas
supporter que des victimes soient ainsi maltraitées, et que nous nous sentons le
besoin d’agir, cela ne justifie pas, qu’à défaut de pouvoir prévenir, nous
annulions le statut humain de certains auteurs de violence sexuelle en
organisant le contrôle judiciaire de leur corps.
La logique de ce refus
d’accorder un statut humain à certains criminels vient récemment d’amener la
ministre de la justice, répondant en miroir à la demande de Francis Evrard, à
considérer comme possible un débat sur la castration physique, mesure pourtant
illégale en France, alors qu’elle aurait dû repousser d’emblée cette
perspective. C’est une nouvelle manifestation de cette politique d’élimination
qui traverse tous les champs de la justice, de l’éducation de la
psychiatrie…
Cette logique qui vise la
psychiatrie transparaît aussi dans le récent propos du président de
L’injonction obligeant le
médecin traitant à transmettre au juge le non suivi du traitement par le patient
est par ailleurs une violation des textes sur le secret médical dont la fonction
est de protéger le patient. La loi prévoit déjà les dérogations qui permettent
de lever le secret dans le cadre d’une procédure judiciaire, il n’y a donc pas
de dérogations possibles dans un cadre strictement administratif. En outre ce
projet de loi ne donne pas les moyens financiers à la mise en place de
véritables suivis psychothérapiques dès la prison, aux suivis socio-judiciaires,
aux suivis individualisés, dont on sait qu’ils sont indispensables et de bon
sens. Aujourd’hui lutter contre la récidive, prévenir que des actes soient
commis, que des victimes traînent ce vécu plusieurs années, passe par des
techniques dont certaines sont connues d’autres doivent être validées et
réfléchies. On ne connait pas de pays qui ait centré une stratégie de prévention
sur les médicaments antihormonaux ou les aides au contrôle pulsionnel. La mal
nommée castration chimique, castrerait-elle de penser
l’humain ?
Aujourd’hui lutter contre
la récidive, dans une démocratie et une société civilisée, passe par des
décisions d’un autre courage que celui d’amputer l’autre, de lui faire encore
subir une automutilation que parfois il réclame en public. Lutter contre la
récidive c’est : travailler les soutiens sociaux, donner confiance aux
professionnels qui exercent et arrêter de faire peser sur eux la menace, lancer
des recherches sur les primo délinquants et les cas de
récidive.
Le traitement du psychisme
humain ne peut être à visée « eugéniste », théorie d’une élimination qui
interroge sur un retour à l’idée de la peine de mort heureusement abolie dans
notre pays et en Europe, mais soulevée par Marine Le Pen qui évoque la
« castration de la tête ». C’est une nouvelle fois l’expression d’une politique
de la peur, une pure opération de politique électorale avant les régionales du
printemps 2010.
Signataires :
Claude Louzoun,
Jean-Pierre Martin (Collectif Refus de
Contact : contact@refus-peur.fr