Ce qu'il y a de bien au Salon Infirmier, c'est qu'on y rencontre des infirmières, des vraies, des bien comme il faut, des estampillées CEFIEC et FNI, des compétentes quoi ! des qui savent prendre en charge des psychotiques de toute éternité, des pour qui la relation c'est inné.
Je sortais d'une conférence au cours de laquelle j'avais développé la nécessité d'informer le patient psychotique sur son traitement lorsque celle-ci, appelons là Marie-Jeanne, pour prendre un prénom représentatif, me sauta au visage pour me dire qu'elle était une infirmière relationnelle, que le relationnel c'était drôlement important, et que les infirmières n'étaient pas assez formées au relationnel. Si j'avais pu placer un mot je lui aurais dit que j'étais tout à fait d'accord avec elle, mais peut-être n'étais-je pas assez relationnel pour pouvoir l'interrompre. Bref, Marie-Jeanne cherchait un infirmier psy susceptible de former les étudiants de son IFSI au relationnel. Le monologue se poursuivit autour de la notion de pédagogie qui ne pouvait bien évidemment être que relationnelle. Je serais encore à l'écouter si Isabelle Lollivier, la rédactrice en chef de Santé mentale passant par là ne m'en avait opportunément libéré.
Ce qu'il y a de bien lorsqu'on publie des textes ici ou là, c'est que des tas de gens vous écrivent pour vous demander des tas de choses. C'est ainsi qu'un jour, celui-ci, appelons le Thierry, pour rester dans l'Ordre Infirmier, me demanda d'intervenir sur la relation, dans son IFSI (appelons le Mortaise). Ce serait le seul, me précisa t-il que ses étudiants auraient sur la relation. Trois heures pour trois ans de formation, cela ne faisait pas trop, les futurs infirmiers ne seraient pas trop relationnels. Je m'acquittais de ma tache tant bien que mal. Lorsque je revins la semaine d'après pour l'autre demi-groupe, Thierry me prit à partie : " Cà ne va pas du tout ! Des définitions ! Ce qui leur faut, c'est des définitions, et rien d'autre. "
Alors pour ceux qui sont relationnels et ne veulent pas le rester, pour ceux qui aiment les définitions, un petit texte :
"Quand je te demande de m'écouter et que tu commences à me donner des conseils, tu n'as pas fait ce que je te demandais;
Quand je te demande de m'écouter et que tu commences à me dire pourquoi je ne devrais pas ressentir cela, tu bafoues mes sentiments.
Quand je te demande de m'écouter et que tu sens que tu dois faire quelque chose pour résoudre mon problème, tu m'as fait défaut, aussi étrange que cela puisse paraître.
Ecoute ce que je te demande, c'est que tu m'écoutes. Non que tu parles ou que tu fasses quelque chose, je te demande uniquement de m'écouter.
Les conseils sont bon marché, pour 5 francs j'aurai dans le même journal le courrier du coeur et l'horoscope.
Je peux agir par moi-même, je ne suis pas impuissant, peut-être un peu découragé ou hésitant, mais non impotent.
Quand tu fais quelque chose pour moi, que je peux et ai besoin de faire moi-même, tu contribues à ma peur, tu accentues mon inadéquation.
Mais quand tu acceptes comme un simple fait que je ressens ce que je ressens (peu importe la rationalité), je peux arrêter de te convaincre, et je peux essayer de commencer à comprendre ce qu'il y a derrière ces sentiments irrationnels. Lorsque c'est clair, les réponses deviennent évidentes et je n'ai pas besoin de conseils.
Les sentiments irrationnels deviennent intelligibles quand nous comprenons ce qu'il y a derrière....
Alors, s'il te plait, écoute-moi et entends-moi.
Et si tu veux parler, attends juste un instant et je t'écouterai."
Je n'ai pas trouvé ce texte extrait de " Aides " dans un ouvrage sur la relation d'aide, ou sur les diagnostics infirmiers mais dans le bulletin paroissial de l'Eglise Réformée de Champigny Sur Marne. Son auteur est anonyme.
Lorsqu'il entre dans certaines loges maçonniques, le nouveau-venu commence par une période de silence qui dure un an. Qu'il soit d'accord ou non avec l'orateur, qu'il ait quelque chose à dire ou non sur l'intervention il s'engage à se taire. Après ce temps, il n'est plus si important que cela de parler, d'intervenir. Après, on est capable d'écouter l'autre quel que soit ce qu'il a à nous transmettre.
Il est même des maçons qui regrettent ce temps.
Avant de prétendre écouter un patient, apprenons d'abord à nous taire, c'est la meilleure façon de l'accueillir, d'accueillir sa parole, de lui faire une place en nous.
Ensuite ....