Lettre n° 9.. Lundi .16 octobre 2000-
Entreprise complexe que cette lettre .  c’est trop long cette lettre  , oui, mais le projet de départ se transforme peu à peu en «sur la vie quotidienne de la vie d’une équipe de secteur  »  ; de ce fait cela devient un document de travail qui est mis à la disposition des membres de l’équipe et de lecteurs extérieurs  ; ainsi peut s’instaurer un dialogue, et la réflexion peut se montrer telle qu’elle est dans une équipe  ’évolutive’, affirmation nécessaire  ; en conséquence la lettre peut être reconnue comme un document de travail auquel on se reportera quand on le voudra. Pour faciliter cela la 10ème se terminera par une table des matières... Cette lettre est injuste  voici une réaction personnelle à mon commentaire de la réunion de service dans la lettre précédente, réaction assortie de ceci:Mon intervention à la réunion n’était pas négative comme tu l’as écrit  ’ Cette collègue a raison et je connais depuis 28 ans la qualité de son travail, mais dans une réunion, se confrontent ensemble les intentions personnelles de chacun et les objectifs que se donne le groupe collectivement  ; qui doit avoir la priorité  cela ne peut être que dialectique, ce jour là cela ne l’était pas. Si en tant que responsable du service je sens que le débat s’éloigne de l’objectif que nous nous sommes donnés je prends le droit de le dire… mes collaborateurs peuvent craindre un glissement de ma part risquant de se traduire par un abus de pouvoir dans l’écriture, cela je l’assume ici. Avec ce souci de chercher à dire ce que je pense après 30 ans de travail dans cette même équipe pour accéder à une plus grande rigueur dans nos échanges… Cette lettre est inutile  voici une réaction plus fréquente, et plus préoccupante, avec sa conséquence, ne pas la lire  Je connais ça depuis 30 ans  en effet ce n’est pas parce que nous travaillons ensemble que nous arrivons à élaborer le «commun  » comme aime à le dire Hélène Chaigneau, un bien commun nécessaire à notre travail  ; l’indifférence est une forme d’opposition au pouvoir….
Les évènements de la semaine ont été nombreux, qui ont du sens pour l’ensemble, les voici 
-mardi réunion mensuelle de l’unité Accueil-Crise  nous parlons spontanément d’un patient, Mr BH, arrivé en hospitalisation sous contrainte (HDT) vendredi et fuguant le lendemain (se jetant dans le canal, pour se rafraichir’, à deux reprises, avant et après), ce qui nous amène à étudier les relations entre le service hospitalier et l’Accueil  ; selon les habitudes établies avant notre départ du service de Ville-Evrard le service a informé l’Accueil hier pour que celui ci se préoccupe du retour à la Clinique de BH. Nous avons compris que cette habitude devait être remise en question. Pendant deux heures nous avons repris en détail le déroulement de l’échange entre les deux unités ayant abouti à une visite commune au domicile de BH le lundi après midi. L’interne avait demandé l’appui de l’Accueil  ; le médecin Assistant de l’Accueil, douché’ par une récente visite chez un autre patient qui lui avait valu un coup dans la figure, se sentait inquiet de la violence supputée de BH et se demandait comment il pourrait intervenir au domicile en étant sûr que tout se passera bien’, c’est à dire avec l’assurance d’obtenir l’hospitalisation ; il se préparait à convoquer une ambulance et la police avant d’y aller. Cependant il a le réflexe de m’appeler à ma consultation pour parler de cette situation inquiétante’  ; ayant été informé le matin par l’interne du service de l’évolution de BH et de la possibilité d’instaurer un traitement à domicile, je lui dis qu’il peut simplement s’appuyer sur les soignants du service en raison de leur connaissance de BH, l’important étant de garder l’initiative et d’y aller accompagné de plusieurs soignants. Ils partent à 4 (l’interne et un infirmier du service, l’Assistant et un infirmier de l’Accueil qui avait participé à l’hospitalisation, difficile, vendredi), après avoir eu un entretien avec la famille très inquiète de l’arrêt de l’hospitalisation. L’infirmier échaudé reste dans le couloir, les 3 autres ont la surprise de voir BH allongé tranquillement, parlant avec ses parents. L’Assistant prend la direction des opérations, il se heurte à un refus calme de BH de revenir dans le service mais il obtient son accord pour que le traitement lui soit donné à domicile (ce qui est un changement important permettant de reconsidérer la contrainte’). Je ne donne pas tous les détails de la scène, mais une fois de plus le détail des propos des uns et des autres, les mouvements, les attitudes, les paroles, les décisions, est passionnant à découvrir, car nous voyons précisément comment les mouvements transférentiels et contre transférentiels des uns et des autres viennent éclairer le déroulement des échanges (mouvements de confiance et d’intérêt, ou de crainte et d’hostilité, mobilisés par désirs et délires). Nous faisons plusieurs remarques et nous proposons de nouvelles façons de fonctionner  nous notons que l’Accueil a pris le relais des opérations, alors que BH était et reste sous la responsabilité (HDT) du service, que l’Assistant a pris le pas sur l’interne, que les infirmiers n’ont pas eu beaucoup la parole  ; nous soulignons que l’état de BH ne correspondait pas à ce que les soignants craignaient, une parole de BH est rapportée: «vous m’hospitalisez vous me tuez    », à entendre  à la fois dans le délire et dans le concret, en même temps il accepte le traitement proposé. En prenant appui sur les outils thérapeutiques qu’est en train de se forger l’Accueil, je propose que l’on réfléchisse sur l’intérêt des «  »  ; je montre qu’il y eu une forme de passage qui s’est opérée ici (sans que cela soit dit) et que cela vaut la peine de s’engager dans cette voie pour ce type d’échange entre unités, je pense que le calme avec lequel BH les a reçus est en partie l’effet de la réassurance qu’a apporté la présence de soignants le connaissant associés à d’autres ne le connaissant pas, comme dans un passage  au lieu que cette visite devienne un affrontement entre soignants et un patient autour de l’obéissance à la loi dans un échange à deux, c’est un échange à trois qui s’y est substitué. De ce fait nous avons convenu que dans l’avenir devant des fugues’ la démarche serait de la part du service de ne pas chercher à demander à l’Accueil d’aller chercher le patient, mais de demander à l’Accueil de constituer un appui auprès d’eux correspondant à un travail de passage’. Ainsi cette démarche ne sera plus un affrontement, mais deviendra un échange entre deux équipes soignantes devant un patient, reprenant avec son témoignage les éléments significatifs qui viennent de se dérouler et qui mettent en scène le vécu du patient, soulignant les interrogations des soignants qui viennent de soigner le patient et l’intérêt que lui portent les soignants qui ne le connaissent pas  le patient est déchargé de la tension précédente, les soignants aussi… chacun peut se remettre à penser, car ce qui est le plus difficile dans ces moments est de retrouver la capacité de penser chacun étant obnubilé par la nécessité de faire plier l’autre à son désir (obliger à un soin, ou refuser un soin)  la parole ayant à circuler entre trois personnes, la liberté est retrouvée pour chacun de reconstruire une histoire nouvelle, de lier de nouveaux liens. Nous avons perçu à quel point cet outil qu’est le «  » peut trouver d’autres modes d’applications dans les articulations à établir entre des soins  ici apparaît sa capacité à transformer une rupture de soin en articulation enrichissante entre deux soins. (prochaine réunion de l’unité Accueil-Crise le mardi 14 nov. sur le même thème des passages.)
-mercredi  -l’après midi, réunion hebdomadaire de la Clinique’ où nous présentons les patients qui sont entrés, les infirmiers ayant la tâche de raconter en premier comment chacun a été reçu dans l’unité et par qui, quels liens a t il commencé à nouer, et quels sentiments l’infirmier a perçu…inévitablement tout le monde s’arrange au contraire pour que le médecin prenne la parole et la monopolise, ce qui a comme conséquence grave de se limiter à un effort d’objectivité et à laisser dans l’ombre tout ce qui est subjectif et qui pourtant, nous le savons, va structurer le soin, souci à reprendre sans cesse…Ce jour là nous avons évoqué la question des passages lors des fugues abordé la veille à la réunion de l’Accueil-Crise, heureusement nous avons pris l’habitude depuis quelques mois de demander à des soignants de l’Accueil-Crise d’envoyer un ou deux soignants à la réunion du service pour harmoniser les façons de travailler (encore un bénéfice de la relocalisation).
-le matin nous avons eu la visite de nos deux collègues Roelandt et Piel, chargés de mission par le ministre de la santé, ils se sont montrés très intéressés par nos nouvelles façons de travailler en continuité avec une longue histoire de 30 ans et avec l’évolution globale des 17 secteurs de Ville-Evrard  ; ils nous ont interrogés sur notre implication dans un éventuel travail de prévention  Nous leur avons expliqué que notre travail actuel était le produit des mille et mille échanges avec les municipalités du secteur et avec les différents partenaires du tissu social c’est à dire d’innombrables démarches de prévention, (plusieurs notes de cette lettre en reparlent). Nous avons eu un débat très intéressant sur le terme de réseau (nous avons convenu qu’il fallait toujours l’associer à un adjectif ou un complément pour préciser de ce dont nous parlons), et sur la place de la psychiatrie dans la société. Nous y reviendrons.
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-jeudi  le hasard a voulu que venait d’être installée dans le CPBB, où se tenait cette rencontre, une exposition publique sur Genêt, suivie de la projection à la bibliothèque de Bondy d’un film sur lui de Dumoulin, ce jeudi, et le vendredi d’une pièce de théâtre sur Genêt aussi jouée par des artistes et des patients,(ceci dans le cadre d’une semaine culturelle se déroulant avec les différentes équipes de Ville-Evrard Lire en fête’)…les deux classes du lycée Jean Zay à Bondy qui y avaient assisté ont demandé à Fatima Doukhan, co-organisatrice pour notre équipe de venir voir l’exposition au CPBB mardi prochain, ce qui sera pour nous l’occasion de leur montrer les espaces où l’on reçoit la folie…tout ceci est l’un des exemples qui met en évidence les efforts des équipes de secteur réalisés au titre de la prévention (les équipes de secteur font beaucoup d’actions de cet ordre mais ne le font pas assez savoir). Pendant l’exposition nous avons pu rencontrer le représentant de la communauté gitane de France  ; il habite l’autre commune du secteur, Les Pavillons ss Bois…. Comme notre séminaire porte sur les groupes, nous lui avons proposé de participer à l’une des séances de ce séminaire pour nous parler des trois familles des gens du voyage’, assez nombreux dans notre secteur, une infirmière prendra contact avec lui, il a accepté avec plaisir.
-vendredi  Patrick Chaltiel, Zineb Amblard et moi avions rendez vous avec le Maire des Pavillons ss Bois. Nous lui avons demandé s’il acceptait de venir visiter le CPBB et à cette occasion, comme l’avait fait le maire de Bondy, de venir présenter à l’équipe la vie et l’histoire de sa ville. Il a aussitôt convenu d’une date  ce sera le vendredi 17 nov. à 10 h.
-ensuite nous avons continué la préparation du planning de l’année pour le séminaire sur la notion de Groupe. Il y a un changement pour la prochaine séance  vendredi 10 novembre Jean-Claude Rouchy, auteur du livre déjà évoqué ici «groupe. Espace analytique  » édité chez Eres, a accepté d’y participer. Nous sommes ravis. Le début de cette matinée sera l’occasion d’une présentation par François Samson, PH, du Groupe d’appui’ créé depuis deux ans comme relais pour des patients psychotiques vivant seuls en ville et animé par des infirmiers des CMP. Ce groupe est intéressant car il se trouve à la jonction des espaces de soin et des espaces sociaux et sera l’occasion d’un exercice d’analyse par JC Rouchy
-à 13 h. à la Colombière nous avions la joie de souhaiter une excellente retraite à Michèle Merlin, psychologue, entrée dans l’équipe du secteur 14 quelques mois après sa naissance (celle du secteur 14  ) en 1972  ; après un excellent petit sketch coordonné par Périnne Lecoy et Régine Graj ridiculisant’ les synthèses en son honneur, notre Michèle a fait avec un remarquable brio un parallèle entre sa découverte de la Savoie pendant les premières années de sa vie, et ses tribulations dans le secteur 14 à la découverte de la psychiatrie, elle nous a mis gentiment en boite tout en soulignant la profondeur de ses attachements. Cela était l’occasion de souligner le rôle créatif des psychologues dans l’équipe, particulièrement de Michèle (le groupe famille avec en particulier Lamandé infirmier, la boutique dépôt vente avec Me Auger bénévole, le Groupe de Soin Local) et de mettre en évidence une qualité personnelle rare en psychiatrie, sa capacité de compassion à l’égard des patients, comme le soulignait une de ses collègues, et ceci en gardant un sens de l’humour. Bravo  et à bientôt 
-ensuite Patrick Chaltiel et Zineb Amblard avaient donné rendez vous au directeur de l’UDAF (union départementale d’aide aux familles) regroupant l’essentiel des tuteurs et curateurs des patients. Ce fut l’occasion de montrer à quel point nous avions besoin mutuellement de formation, des uns par les autres  nous pour mieux comprendre les contraintes, les limites et les avantages de ces mesures, eux pour mieux s’adapter aux besoins précis de personnes souffrant sur le plan psychique alors qu’ils sont sans formation  ; nous lui avons demandé s’il pouvait jouer un rôle de relais dans la gestion d’appartements associatifs si nous les garantissions de proposer un suivi thérapeutique, car notre Association Iris, devant les difficultés de leur gestion et la dépendance entraînée chez les patients, avait décidé de s’en dégager à notre demande. Nous avons découvert que nous avions la même attitude, à savoir de chercher à rompre avec les habitudes antérieures qui tentaient de séparer patients et leur famille, nous cherchons maintenant à maintenir les liens et les responsabilités des familles.
-enfin nous avons repris notre débat autour des Associations au service des patients  l’Association Santé mentale de Bondy et des Pavillons ss Bois a été créée par des membres de l’équipe dès 1972. Elle avait pour mission de recevoir la subvention allouée par l’hôpital pour animer les ateliers d’activité variée autour du bois, du fer, de la terre, du dessin,… des sorties diverses. Ces activités et les besoins subsistent aujourd’hui. Le nom d’IRIS a été décidé ensuite pour soutenir le travail qui y était fait en direction de l’insertion et qui nous a invités à créer des appartements associatifs (loués à l’OPHLM, et sous loués aux patients), puis une entreprise d’insertion. Après des expériences passionnantes qui ont beaucoup apporté aux patients et aux soignants il a fallu se rendre à l’évidence que nous n’avions pas les compétences pour rivaliser avec le monde de l’entreprise . la mise en place d’un stage de sensibilisation à l’insertion a eu un succès éclatant et se continue dans le cadre d’Iris-Potentiel et doit se poursuivre absolument. Alors aujourd’hui nous devons redonner du souffle à IRIS en distinguant clairement cette activité, qui reçoit des subventions précises de l’Etat, de l’animation des activités réalisées dans les unités de soin du secteur 14. Pour cela il suffit de relire les statuts de l’Association définissant que sont membres d’IRIS toutes les personnes qui bénéficient de ses activités  cela veut dire qu’IRIS a plusieurs centaines de membres et que les soignants ont à partager avec eux la gestion de la subvention attribuée par l’hôpital. Une réflexion doit s’engager avec l’ensemble de l’équipe pour restaurer le rôle d’IRIS.
Dates proches à retenir  mercredi réunion du groupe Recherche à 9h. au CPBB
Jeudi, réunion de coordination des intervenants à l’hôpital Jean Verdier, à 12 h en pédiatrie.
Vendredi  à Corbeil  grande Rencontre autour de Lucien Bonnafé.
Bien cordialement                                                guy Baillon