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CHRONIQUE HEBDOMADAIRE D’UNE PRATIQUE DE SECTEUR

Secteur 14 de Seine Saint Denis

lettre n° 13 : le 20 novembre 2000 :

Transmettre ou ne pas transmettre ?

- Là n'est pas la question. La question soulevée ici est celle d'un simple passage de relais sur le terrain. Alors que, selon les plus sensés d'entre nous, la 'transmission' ne se soutient que de maître à élève.
Notre souci dans cette équipe n'a pas été la maîtrise de la pensée qui devrait régner, mais l'installation de conditions permettant à chacun de choisir ses appuis théoriques et d'en user simplement dans le respect de celui des autres. Certes la référence à l'apport de la psychanalyse m'apparaît, pour moi personnellement comme une racine fondamentale, et la définition du terrain sur lequel nous travaillons, le secteur, comme le cadre de ce travail ; le reste concerne la mise en acte concrète dans la pratique quotidienne, laquelle demande un travail en commun.

PASSAGE DES RELAIS

1 Les nouveaux
! Les ado
: Quelles règles ?
& Notre passage

transmission ou passage des relais cette question fut donc, discrètement, au cœur de plusieurs rencontres de cette semaine, même si, à l'horizon, " il n'y a rien eu de nouveau " : une semaine comme bien d'autres, au demeurant passionnante dans le détail.

Evènements de la semaine

lundi matin : les 'nouveaux' ; nous avions prévu une réunion pour les " nouveaux " de l'équipe, mais comme nous n'avions lancé l'invitation que tardivement, ils n'étaient que 8 sur une trentaine. Nous avons cependant rempli notre objectif : précisé aux présents les grande lignes de nos orientations en termes de politique de santé mentale, souligné l'importance de l'histoire pour saisir dans ce déroulement le fil conducteur de notre réflexion et de notre engagement en tant qu'équipe de secteur, délimité l'effort que nous voulions faire pour que les soignants présents et la vingtaine d'autres 'nouveaux' puissent bénéficier des mêmes éléments pour mieux connaître cette équipe et ses choix : une bibliographie sera à leur disposition dans chaque secrétariat, et à partir du 15 janvier des stages leur seront proposés dans 4 points (le CPBB, l'unité d'Urgence-Accueil-Crise + Psy de liaison, l'Hôpital de jour, et le 4ème point associant le reste : Camille Claudel- Perm Ado- CMPs- groupe d'appui- groupe des packs- Association Iris). Des propositions complémentaires ont été émises : que chaque nouveau à l'avenir (comme pour les stagiaires) aie droit à un 'tuteur' (leur facilitant les questions-réponses sur l'équipe), et que chaque année le point soit fait sur cet accueil et sur une nécessité éventuelle de rappels, lors d'une rencontre spécifique.

Le jour même nous avions un exemple de cette nécessité : dans le cadre de l'unité d'Accueil des difficultés ont mis en évidence que des règles de fonctionnement utiles avaient été " oubliées " par certains, d'où un flou dans le fonctionnement qui a eu comme conséquence de s'accuser mutuellement de " légèreté " (les qualificatifs ont été plus aiguisés, bien sûr) ; d'où vient l'oubli de ces règles dans une équipe ? en tout cas il se renouvelle ! laisser faire ou 'vivre' ? la question de la transmission ou de passage de relais a à voir avec cela. ( l'oubli cette fois là était celui de la règle selon laquelle pour tout patient reçu dans une unité, le soignant qui est avec lui se préoccupe de son médecin de secteur : si ce patient est connu, cela permet d'aussitôt établir un lien avec lui et de mieux élaborer une réponse de soin qui se situe dans une perspective de 'continuité', si ce patient est 'nouveau' le soignant s'adresse au CMP pour obtenir dans les trois jours un nom de médecin, celui ci devient sa référence dans l'équipe de secteur, et met à disposition un interlocuteur en place de tiers).

La façon dont un nouveau soignant est accueilli dans une équipe est un excellent thermomètre sur la santé de cette équipe (il en est de même des stagiaires, qui peut se sentir chargé des stagiaires, si l'équipe ne s'est pas au préalable posé cette question ?)

Lundi : fin de matinée, l'accueil des adolescents en urgence a été étudié (but de cette rencontre exceptionnelle de la Permanence Adolescent et de l'unité Accueil-Crise en présence des médecins chefs de l'intersecteur, Jean-Clair Bouley, et du secteur 14, moi-même). Le fonctionnement de notre unité d'Accueil correspond-il aux exigences des soins à donner aux adolescents ? était la question première, à laquelle s'ajoutait pour moi ce que nous pouvons garder de la notion d'équipe de secteur " généraliste " depuis que nos deux équipes se sont divisées (équipe enfant sous la responsabilité du Dr Bouley, et l'équipe générale S 14), que deviennent nos liens ?, d'une réunion qui fut passionnante, je ne reprendrai que les décisions :

D'une part la compétence de l'Unité Ado est bien délimitée pour les Ado (entre 12 et 20 ans). D'autre part la compétence de l'unité Accueil-Crise est bien de recevoir tout patient quel que soit son âge…0 à 99 ans, mais s'il s'agit d'un adolescent les soignants qui reçoivent en Accueil (et aux urgences de Jean Verdier) se donneront comme règle d'en informer aussitôt la Perm. Ado. pour que le rendez vous suivant soit fait avec un soignant de cette unité, celle ci se disant prête à venir à l'Accueil à chaque fois qu'un adolescent sera reçu. La règle est donc de décider que l'unité Accueil ne prend pas en charge des adolescents au delà de cette première rencontre. A l'inverse nous avons décidé que lorsque la Perm. Ado le sentirait nécessaire elle demanderait l'appui de l'équipe du secteur 14 pour commencer des prises en charge. Ceci se justifie à plusieurs points de vue : celui de la continuité, et celui du début des soins des jeunes psychotiques (on sait que les débuts de psychose sont des moments très 'fragiles' et que justement les équipes se sentent divisées entre équipe enfant et équipe générale, si bien que c'est le plus grand flou qui règne sur le plan d'une perspective des soins alors que nous devrions au contraire être encore plus attentifs qu'à tout autre moment des troubles). Nous avons donc décidé que l'équipe de la Perm Ado pourrait adresser un adolescent à l'unité de Crise lorsque au début d'une prise en charge ou de son réajustement il leur paraît utile de déclencher un " travail de Crise ", (donc dans les mêmes conditions que pour les adultes), avec un écrit précisant l'indication 'médicale' de ce travail et les repères cliniques (pendant tout travail de Crise il est classique d'interrompre toute autre intervention thérapeutique), et des indications sur le contexte familial avec plus de précisions encore que d'habitude étant donné l'interaction familiale vive pour tout adolescent ; le reste du travail de Crise se déroulant comme à l'habitude : examen de la situation avant de confirmer ce travail, mise en place des différentes étapes et durée maximum de deux mois avec 'passages' prévus au début et à la fin. Mais ce fut l'occasion de préciser que d'autres unités du secteur 14 pouvaient être sollicitées par la Perm Ado pour des adolescents d'âge inférieur à 16 ans en raison des troubles et en tenant compte du contexte de l'unité à ce moment : soit un séjour en hospitalisation au CPBB après décision de l'Accueil, soit indication d'un médecin de l'équipe du CMP, soit indication de Thérapie Familiale. Tout ceci en accord avec la Perm Ado constituant la structure 'régulatrice' (jouant un rôle de garant de la 'continuité du soin') et pour un champ diagnostic limité : celui d'une psychose en train d'émerger ( nous sommes dans cette situation particulière d'avoir besoin de s'appuyer sur un diagnostic fort nous obligeant à nous préoccuper de l'avenir à un moment où il est impossible de décider …du diagnostic).

Cette discussion venait à point pour permettre de mettre la dernière main à la signature d'une Convention entre les deux équipes de secteur (infanto-juvénile et générale) pour officialiser une 'mise en commun de moyens' réalisée dans le but de suivre les Adolescents et concrétisée par cette unité co-sectorielle : la 'Permanence Adolescent'. Un texte de 8 pages travaillé depuis deux ans a été signé par les deux responsables et a été transmis aussitôt à la Commission Médicale de Ville-Evrard et au Directeur pour être confirmé à la fin du mois. Il invite entre autre à une rencontre entre les deux équipes chaque semestre pour établir un bilan.

Mardi matin réunion mensuelle de l'unité Accueil-Crise : nous devions préciser nos nouvelles orientations de travail rendues possibles par l'arrivée du Dr Florin Popescu comme deuxième médecin assistant de l'unité : il a été précisé que jusqu'au 15 janvier il serait affecté à l'unité Crise pendant que son collègue Marcus Zwingerberger assurerait l'Accueil-Urgence. Cette disposition permet à notre nouveau collègue d'assimiler nos idées fondées sur la notion de " travail de Crise " qui nous permet de transformer toute urgence en situation de dialogue où l'on prend son temps avant de décider de la nature des troubles et du traitement, il est plus facile de s'imprégner de cette réflexion dans l'équipe de Crise que dans celle de l'Accueil. Popescu en avait fait la douloureuse expérience dès son arrivée, car propulsé à l'Accueil le premier jour il s'était trouvé confronté aux pressions 'féroces' d'un médecin du service, pas féroce, voulant obtenir de l'Accueil une décision d'hospitalisation dans des conditions bien sûr 'd'urgence' fort difficiles. Cela me permet de rappeler aux médecins de l'équipe de secteur que " la règle " dans nos indications d'Accueil ce n'est pas de donner de 'gentils' coups de téléphone, mais d'envoyer par fax une demande écrite de prise en charge à l'unité Accueil. Ceci renvoie à la difficulté qu'a l'Accueil à " organiser " son travail s'il n'y a pas des 'traces' solides des demandes de soin (et les simples coups de téléphone sont là des éléments facilement pervertis sinon " pervers ", et totalement insuffisants). Nous avons précisé qu'à partir de décembre Patrick Rennesson prendrait plus particulièrement le travail de l'Urgence et de l'Accueil, et moi même celui de la Crise (étant déchargé des CME) ; cela permettrait de redonner à l'équipe d'Accueil une ambiance de travail d'équipe se déroulant dans une concertation de suivi des cas, au lieu d'un travail au coup par coup. L'équilibre ne sera retrouvé que lorsque le cadre infirmier aura repris sa place après son congé maternité. Seule une équipe au complet arrive à remplir la totalité de ses tâches, surtout pour penser la continuité des soins.

Mardi après midi séminaire d'Hélène Chaigneau. Il se trouve que c'était le dernier de l'année, sa reconduction a été demandée pour 2001. Un infirmier devait rapporter une situation dans le cadre de ce séminaire sur " les rythmes de la vie quotidienne des patients dits schizophrènes " , il avait choisi de parler des trois patients suivis en Placement Familial Thérapeutique ( au début ils étaient 5 membres de l'équipe à suivre 5 patients, maintenant il n'y a plus que 3 patients et 3 soignants après le départ de Michèle Merlin et d'un infirmier non remplacé), ce placement doit s'arrêter progressivement dans les deux ans et cet infirmier prévoyait aussi de le quitter. Il rapportait avec beaucoup de finesse deux faits essentiels : il avait remarqué que ces trois patients allaient quotidiennement chercher le pain pour leur famille, un allait aussi chercher les enfants à l'école, et que lors de la réunion annuelle de l'ensemble des patients, avec les familles et les soignants, on parlait 'du temps qui passait' et de choses qui s'étaient déroulées depuis la dernière fois…nous sommes bien loin de l'immobilité des hospitalisations d'autrefois et de l'absence de rythme quotidien de tant de lieux de soin. Cela c'est mon commentaire ; comme à l'habitude je ne reprend pas le contenu du séminaire d'Hélène Chaigneau. Celui ci s'est terminé sur désaccord entre elle et moi à propos de la 'continuité' du secteur au moment où je passe le relais à Patrick Chaltiel. Cela m'a été très utile, car cela m'a permis de voir la difficulté de l'entreprise, source de différents. Alors transmission ou passage de relais ?

Mardi soir réunion médicale mensuelle, la moitié des médecins manquait : le débat était pourtant central puisque Patrick Chaltiel préparant son intervention du 1er décembre avait besoin d'échanger ; moi même je voulais que nous parlions de nos engagements idéologiques mutuels. Nous avons conclu que chacun devait se sentir assez solide pour défendre les siens ; cela me paraît une position saine. Cependant je continue ici à poser la même question qu'au début de mon engagement dans cette profession et dans ma décision d'être médecin chef : que fait l'équipe de ces questions idéologiques auxquelles chacun de nous adhère et qu'il rend plus ou moins évidentes, pourtant il travaille quotidiennement avec les mêmes patients et avec les mêmes collaborateurs que ses collègues aux options différentes ? Il est clair que la transmission est une chose qui évoque les leçons des 'maîtres à penser', et que dans cette équipe notre objectif est plus modeste : c'est celui d'un " passage de relais " ; cela me fait plaisir de retrouver ici le terme de " passage ". Point concret et théorique qui pourra être repris.

Mercredi après midi : réunion hebdomadaire de l'unité d'hospitalisation du CPBB, passionnante, toujours trop longue, et paraissant trop courte pour parler des nouveaux patients et des évènements quotidiens pleins d'enseignement et dans lesquels les infirmiers en particulier s'engagent avec une particulière pertinence ; encore faut il que l'équipe dans son ensemble se donne la peine de rassembler les pièces du puzzle de chaque suivi de patient, et intègre entre autre les stagiaires et les intervenants extérieurs. L'équipe a fait face cette semaine à des moments particulièrement difficiles et émouvants, sachant se diviser le travail et permettant à chacun d'être en situation d'assurer son rôle. Vendredi matin : visite du maire des Pavillons sous bois (2 ème commune de notre secteur) prévue et annoncée ici même depuis un mois. Le petit nombre des présents, 8 nous pensions être 30, montre entre autres que cette lettre hebdomadaire est inutile, elle est prévue comme une base de travail pour ce moment de passage, chacun pourra s'y reporter pour retravailler les fondements de l'équipe, les indications y sont claires, mais…. elle n'est pas lue. Les propos du maire étaient simples et fort utiles pour des soignants qui se veulent 'de secteur' et qui pouvaient rencontrer la premier magistrat de l'une des deux communes où habitent les patients dont nous nous occupons, il a exprimé son inquiétude devant sa responsabilité lourde d'être amené à signer certaines demandes d'hospitalisation sous contrainte et il a été rassuré par notre souci de souligner l'importance de la proximité et du contexte. Il a ensuite décrit sa ville, son histoire, sa composition sociale, il avait tous les arguments pour dire que c'était une 'ville moyenne' pour la France, ce qui la met dans une situation très particulière en Seine St Denis. Nous avons beaucoup échangé grâce à l'appui aussi de Mr Lamoureux représentant l'administration de Ville-Evrard, qui améliorait le repas (tenu en petit comité puisque très peu de soignants étaient là) et qui a posé des questions fort utile dans cet échange. Le Maire a terminé par l'annonce d'une réunion, un soir dans sa ville, en début d'année, avec les différents acteurs de la santé et les acteurs sociaux, pour aider chacun à mieux connaître les ressources de cette petite ville de 17 800 habitants.

Dates à retenir

Mardi 21 novembre : " Le travail à domicile ". Avec l'équipe du XIII ème de Paris. Que ceux que cela intéresse nous rejoignent au CPBB à 14h .

Mardi 28 novembre : réunion du groupe " Interface ", rencontre fort passionnante avec des acteurs sociaux divers des deux villes

Vendredi 1er décembre : passage de relais avec Patrick Chaltiel présentant les orientations du service pour les 5 ans à venir.

Bien cordialement

guy Baillon