Secteur 14 de Seine Saint Denis
lettre n° 12 : le 13 novembre 2000 :
les groupes, - le groupe d'appui.
Quelques évènements de la semaine avant de discuter la réunion de service-séminaire de vendredi sur le Groupe.
Lundi après midi : 14H Réunion clinique mensuelle de l'équipe enfant et ado - nous cherchons à maintenir le lien entre nos deux équipes (secteur et intersecteur), le thème : choisir pour l'année les thèmes de cette réunion. Nous faisions le constat qu'il y avait inadéquation entre l'offre et la demande : plus d'enfants ayant des pathologies lourdes (les séjours en hôpital de jour dans l'intersecteur ont été limités à un maximum de 3 ans, ils nous reviennent après ?; des familles nouvelles " déplacées " arrivent en nombre, plus désocialisées qu'avant semble t il. On peut se demander si les modalités de soin que nous avons imaginées en redéployant nos temps de consultation dans les années 80 ne sont pas devenues inadaptées ; la société change autour de nous, n'avons nous pas à changer aussi ?). La proposition fut faite que quelques soignants se mettent en disponibilité partielle pour proposer à un espace de l'éducation nationale (une école) d'y aller, de se mettre en situation d'observation avant de proposer quoique ce soit. Attitude qui prend appui sur la méthodologie prise par de nombreux chercheurs en psychiatrie de l'enfant : se mettre pendant un temps suffisant en situation d'observation, mais si possible au plus près du milieu où évoluent les personnes dont on veut s'occuper. " à suivre ".
Le hasard voulait que Mireille Nathanson Pédiatre universitaire du service de pédiatrie de l'hôpital Jean Verdier( chef de service le Pr. Gaudelus qui a succédé au Pr Perelman) vienne visiter le CPBB mercredi. Dans le cadre de la psychiatrie de liaison, j'ai travaillé avec elle dès l'ouverture de leur service en 1976, se sont associés par la suite de notre équipe, Martine Druenne psychologue, puis Jacques Homer, et diverses personnes de l'équipe du secteur 14. La collaboration a été très forte, enrichissante et satisfaisante pour les deux équipes, elle a été un chaînon de notre travail dit de " Psychiatrie Générale " : la connaissance du développement de l'enfant, de l'adolescent est indispensable pour comprendre les troubles et les souffrances de l'adulte, de la famille, et l'inverse pour réaliser la prévention. L'interaction de ces différents chaînons doit être préservée. Mercredi Mireille Nathanson a mesuré notre évolution depuis 1976 en visitant le CPBB. Dans son service elle a réussi à ouvrir une unité d'adolescents (8 lits) nous avons convenu que si besoin était notre unité d'hospitalisation était maintenant enfin capable de recevoir un adolescent aux prises avec des troubles psychiques, après concertation. Elle a aussi demandé à Patrick Chaltiel de venir leur parler de la thérapie familiale.
Mardi matin : 8 soignants d'une équipe de secteur de Creil, rattachée à Clermont, sont venus entraînés par notre ancienne collaboratrice, psychiatre, Martine Levy, s'informer sur notre travail d'Urgence, d'Accueil et de Crise qui les a beaucoup intéressés. Le 21 novembre c'est Catherine Liermier ex Assistante du secteur 14 qui a demandé à 4 d'entre nous de venir présenter ce travail aux équipes de Melun.
Jeudi matin réunion bimensuelle des 6 secrétaires de l'équipe pour les soutenir dans le rôle charnière qu'elles jouent dans une équipe aussi complexe, avec comme rôle de faciliter la circulation des informations et des interrogations sur l'ensemble de notre activité. Ce jour là Jacqueline Vignaud, après 11 ans de travail acharné au CMP sud, appréciée de tous, fêtait son départ en retraite. Bravo. Merci ! Sa remplaçante, Nina, avait pu venir pour préparer la prise du relais.
Vendredi réunion à l'hôpital Jean Verdier autour du Dr Pateron, médecin chef des urgences. Il faisait comme chaque année le bilan annuel de son service devant sa direction et les représentants des différents services de l'hôpital général : (en 1999 : en médecine :11.300 patients reçus ; chir 11.450 ; pédiatrie 15.400 ; chir-pédiatrie 7.950 ; Urgences Médico-Judiciaires hors de son équipe mais dans les locaux 12.000 ; il a montré la constante augmentation de son activité : ces chiffres de 1999 sont augmentés de 10%, les UMJ de 20 %). Notre activité est toujours appréciée, nous ne sommes plus désignés comme fautifs lorsqu'ils se trouvent devant des patients dits " indésirables "(qui sont en fait des patients délinquants). Notre activité par contre n'a pas augmenté, heureusement sinon notre unité Accueil en aurait pâti.
Vendredi Réunion de service très originale car devait être présenté le travail du 'groupe d'appui' créé après la fermeture du foyer de La Colombière, nous voulions le confronter aux questions à poser à notre invité Jean Claude Rouchy sur les groupes. En fait nous avons pu mener un travail d'élaboration ensemble autour des questions suivantes : qu'est ce qu'un groupe ? pourquoi et comment ce groupe ?, que fallait il faire maintenant pour qu'il devienne " positif " ?
La notion de groupe
Le thème du séminaire cette année est donc d'approfondir la notion générale de groupe, en rappelant, comme l'a écrit JC Rouchy, que nous vivons en groupe du début de notre vie à la fin. La question qui vient ensuite c'est de savoir quelle est l'influence de ces groupes sur la vie de chacun.
La psychiatrie de secteur nous invite pour deux raisons à approfondir cette notion : d'un côté nous donnons nos soins la plupart du temps dans des groupes : il est utile alors de comprendre ce qu'est un groupe thérapeutique; d'autre part la démarche nouvelle qu'a à entreprendre la psychiatrie de secteur par rapport à la psychiatrie classique, c'est de rencontrer chaque patient, non pas comme une personne à isoler de son milieu (avec dans l'esprit du soignant le désir illusoire de diminuer les interférences avec d'autres paramètres), mais comme une personne en liens constants avec son milieu, milieu que nous devons prendre en compte et impliquer constamment dans notre activité thérapeutique. Malgré notre ancienneté dans le travail de secteur nous n'avons pas d'outils pour apprécier les caractéristiques de ce milieu : le secteur. JC Rouchy a proposé la notion de 'groupe d'appartenance' et distingué le primaire et le secondaire ; le groupe d'appartenance primaire étant constitué du halo familial, càd la famille présente et les personnes proches selon la culture de cette personne, où fonctionnent essentiellement les processus d'identification et où le sujet constitue son identité, construit sa personnalité ; le secondaire où interviennent les personnes du tissu social environnant y compris les personnes membres des différentes institutions sociales.
Le groupe d'appui
Rappel historique : en 1986 nous avions à l'hôpital deux pavillons hospitaliers et une quarantaine de patients hospitalisés, un pavillon dit 'actif' et l'autre dit 'au long cours' avec une douzaine de patients dont la vie semblait arrêtée dans cet espace artificiel et immobile que peut être l'hôpital, nous étions revenus dans ce pavillon à l'asile. Nous avons proposé de créer en ville un foyer, où nous pensions que le poids de la proximité de la ville serait par lui même suffisamment mobilisateur pour faire évoluer les patients. Nous avons fermé ce pavillon et ouvert un foyer de 11 places. Après quelques années nous nous sommes heurtés au désir des soignants d'y être plus à l'aise et de demander la présence de deux infirmiers la nuit, alors que les patients présents étaient par définition des patients n'ayant besoin d'aucun soin la nuit, sauf urgence, exceptionnelle. Nous avons refusé d'augmenter les soignants. Ce fut l'occasion d'un grave conflit entre soignants. Plus tard par contre nous avons augmenté la capacité du foyer à 18 pour permettre à l'équipe du secteur 11 de se préparer à venir avec nous au futur CPBB et diminuer le nombre de leurs patients hospitalisés. Enfin un an avant l'ouverture du CPBB nous avons compris que la présence des infirmiers dans les CMP était trop précaire, 3 pour suivre les centaines de patients de la file active, et parmi eux des dizaines étaient à peu près dans le même état psychique que les 8 patients de notre secteur présents qui 'bloquaient' 6 infirmiers de notre équipe. Nous avons alors décidé la fermeture du foyer, ce qui permettait de renforcer les deux équipes les plus précaires : les CMP et l'équipe de Crise avec chacune 3 infirmiers. La décision était prise aussi de trouver un mode de fonctionnement plus adapté aux troubles des patients en ville dans leur vie quotidienne : trois groupes ont été décidés en nous inspirant du livre de Sassolas " la psychose à rebrousse poil". notre question vendredi : que sont devenus ces groupes ? où en sommes nous et quelle orientation prendre ?
Après avoir accueilli JC Rouchy, François Samson a présenté les intervenants (les 6 infirmiers des deux CMP, avec Hélène Lebrun qui prépare les repas à La Colombière et Gilbert Petitit, cadre infirmier). Puis G Petitit a dressé le projet du " groupe d'appui " : proposer à partir de l'espace de l'ancien foyer de La Colombière un temps 'repas' à l'intention d'un certain nombre de patients, les uns antérieurement séjournant au foyer, les autres ayant les mêmes troubles et les mêmes besoins (essentiellement des psychotiques) ; à partir de là établir pour ces patients (et d'autres ?) un appui à la vie quotidienne, pour différents aspects de leur vie (médicaments, hygiène, tenue de leur logement). Ce groupe, depuis la proposition de Samson du 13 oct. 1999, devait recevoir 15 patients psychotiques chroniques.
Ensuite les 6 infirmiers ont à tour de rôle décrit des situations précises de 'suivi' de patients confrontés à ces difficultés quotidiennes, certains faisant partie de ce groupe, d'autres non. En leur nom, Daniel Pezigot, a énuméré la diversité des interventions qu'il était amené à faire depuis des années pour de nombreux patients psychotiques et vivant en ville (depuis une très grande diversité d'accompagnements auprès de tous les types d'acteurs sociaux jusqu'à des actions de plombiers, serruriers, menuisiers…, d'aide à la gestion quotidienne , ..) nous en avions le vertige, chacune de ces interventions étant clairement placée comme des actes venant consolider l'effort de chaque patient à poursuivre son insertion sociale tout en continuant par ailleurs ses soins avec son thérapeute.
Il était très important que toute l'équipe se rende compte de la complexité du travail des infirmiers auprès de ces patients dans leur vie quotidienne et qu'elle puisse en apprécier l'importance et l'intérêt. Un bon nombre de patients ne survivent en ville que grâce à ces efforts constants.
Par contre la description du groupe d'appui et des suivis individuels ont mis en évidence qu'il était impossible de parler de groupe, alors que la vie quotidienne de plusieurs d'entre eux était en relation étroite avec les soignants intervenant dans ce groupe.
JC Rouchy a confirmé qu'il lui était difficile de discuter : à son avis il n'y avait pas de 'groupe'. Dans le même temps il a souligné que le niveau d'intervention des infirmiers correspondait à la description que lui même faisait de ce qui peut se passer dans un groupe d'appartenance primaire : participer à la fonction maternelle et paternelle de constitution du sujet, à son travail de construction de son identité à ceci près …qu'il ne voyait pas ici de groupe ! Nous étions, disait il, dans des groupes flous d'appartenance secondaire ce dont il est difficile de saisir les conséquences. Il admirait la capacité des infirmiers à ce travail de soutien considérable, mais pensait que leur efficacité était limitée par le flou du groupe d'appui tel qu'il était présenté. Il a insisté sur l'importance de tout ce qui pouvait jouer rôle d'historicité dans l'accueil du récit que nous font les patients de leur vie et l'association possible avec des expériences de vie partagées avec eux.
Que pouvons nous conclure de cette rencontre ? - d'abord le travail remarquable réalisé par les infirmiers dans la vie quotidienne des patients, - ensuite l'intérêt du groupe d'appui portant sur des moments collectifs de la vie des patients (repas, tenue de leurs logements collectifs, échanges autour des prises de médicaments).
Par contre nous devons bien accepter que malgré l'investissement des membres de l'équipe qui se sont engagés sur ce groupe d'appui, ce groupe n'existe pas comme 'groupe'. Un groupe ne peut, comme je le croyais naïvement, avoir des effets du fait même que l'on dit qu'il y a groupe, comme Molière faisait découvrir au bourgeois gentilhomme qu'il 'faisait de la prose'. Un groupe n'a des effets thérapeutiques que si on lui donne un but précis à soutenir par une élaboration thérapeutique, ce qu'il faut donc auparavant définir ; ensuite on doit lui donner un cadre dont le minimum est de préciser quels soignants font partie du groupe ?, quels sont les rôles ?, quels outils on se donne ?, quels moments de rencontre sont prévus pour mener à bien l'élaboration nécessaire aux effets thérapeutiques?, c'est ensuite préciser quels patients y entrent ?, combien et pour quelle durée ?
L'imprécision actuelle dont j'accepte une part de responsabilité est une erreur qui doit être réparée, une fois que nous avons constaté ensemble la viabilité du projet et ses effets possibles. Par contre, continuer à travailler comme maintenant, c'est se limiter à proposer " une activité " occupationnelle sans qu'il se produise un vrai travail de groupe, c'est s'exposer à la lassitude des soignants et des patients en les laissant vivre sans perspective d'évolution ; ce serait une 'activité d'accompagnement' sans autre but. Dans le même temps nous percevons pourtant qu'un groupe pourrait ici jouer un rôle proche du 'groupe d'appartenance primaire' pour des psychotiques n'ayant pu profiter eux mêmes de cette expérience, et y faisant l'acquisition de cette part d'identité qu'ils se refusent encore. (c'est là une hypothèse personnelle).
Cette option est à décider, car elle entraîne des conséquences sur les répartitions des temps de travail de chacun. Ne pas prendre cette décision c'est laisser sur les épaules des infirmiers des responsabilités sans limite, risquer leur épuisement, et surtout, ne pas vouloir aller plus loin dans le traitement des patients alors que nous savons que c'est possible, ce qui est une responsabilité encore plus lourde.
Ce constat ne se limite pas là : d'une part je dois convenir que vouloir mieux comprendre les groupes du tissu social du secteur doit nous inviter à approfondir la remarque de JC Rouchy et ses deux groupes d'appartenance, qui se succèdent dans la vie du sujet ; d'autre part cela nous amène à penser qu'il ne suffit pas de dire que plusieurs personnes, fussent elles soignantes, travaillent ensemble pour que cela fasse un groupe thérapeutique !
Je pense que nous devons alors oser nous poser la question qui serait de savoir : quand un groupe n'a pas accès à la dimension thérapeutique du fait de l'insuffisance de rigueur de ses membres quelle est son efficacité et quel est son résultat ? ceci rejoint l'une des critiques que l'on faisait à l'asile (notre réalité en est elle parfois si loin ?) c'était de constater que par 'générosité' des patients étaient reçus, mais qu'il était impossible d'élaborer pour eux un projet collectif. La question est de savoir si un groupe sans projet thérapeutique n'est pas en fait " anti-thérapeutique " ?
En janvier le séminaire sera remplacé par le conseil de service : le 12 janvier.
Prochaines réunions du séminaire
Le projet de planning de cette année est le suivant
2 février : le groupe d'Accueil-Crise et le groupe des Gitans (du secteur, et en France)
2 mars : le groupe de la permanence Ado et les Ado du secteur
6 avril : le groupe de Camille Claudel et les groupes de personnes âgées
4 mai : le groupe des packs (enveloppements humides) et l'équipe de secteur
1er juin : le groupe d'Interactivité et les groupes des acteurs sociaux du secteur
6 juillet : nos premières conclusions autour ce séminaire sur des groupes… et nos projets
JC Rouchy dont l'équipe a beaucoup apprécié la pertinence, la prudence et la richesse de ses propos, a laissé entendre, à plusieurs d'entre nous le sollicitant, qu'il pourrait revenir à 1 ou 2 séances.
Rappel pour la semaine à venir
" Les nouveaux " du secteur 14 : ils sont une dizaine cette année !
ce qui fait 10% de renouvellement de l'équipe par an…et comme nous n'avons pas fait de manifestation interne pour accueillir les nouveaux depuis 3 ans, cela veut dire qu'un tiers de l'équipe actuelle ne connaît pas bien l'histoire du secteur ni de son équipe, cela représente un risque pour la continuité ! nous faisons une première rencontre ce lundi 13 novembre à 9h30, nous déciderons ensemble ce qui leur permettrait de bien connaître la totalité de l'équipe de secteur de différentes façons en janvier (présentations, stages,…)
.
: Le maire des pavillons s/s bois nous rend visite vendredi prochain 17 novembre à 10 h
au CPBB : il nous présentera sa ville, son histoire ses habitants. Monsieur Lamoureux, qui le connaît a prévu de venir et d'améliorer notre ordinaire. Nous espérons notre Directeur…et votre présence. C'est une nouvelle opportunité pour mieux connaître notre secteur
mardi 14 nov : - 1: -9h30, réunion mensuelle d'Accueil-Crise, le-soir : réunion médicale
vendredi 1er Décembre : Séance inaugurale du nouveau conseil de service .et,
Présentation par Patrick Chaltiel, futur chef de service intérimaire du secteur 14, du Projet de Secteur quinquennal pour le secteur 14. Débat général avec toute l'équipe.
Guy Baillon