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De la santé pour les patients psychiatriques.

La santé ! Quel bien convoité, quel bonheur d’être en santé ! Sans santé : souffrances ! A quel prix la souffrance ? Mes yeux d’enfants du 19ème siècle voyaient les années 2000 comme une période de plénitude où les recherches scientifiques et l’intelligence de l’Homme auraient permis si ce n’est d’endiguer la maladie au moins de réduire ses effets et de la prendre en charge.

Prendre en charge et accompagner les patients, un projet que mes yeux d’enfants voulaient voir se réaliser. Alors, l’étrangeté de la folie et le mystère de la maladie mentale ont conduits mon chemin vers le métier d’infirmier de secteur psychiatrique. Depuis plus de 25 ans maintenant mon quotidien professionnel et aussi extra-professionnel se partage avec les patients des hôpitaux psychiatriques.

Et durant tout ce temps, les changements prononcés par les divers gouvernements ne m’ont montré que raidissements et dégradation des soins que moi, infirmier de tous ces patients je souhaite voir et prodiguer.

La santé ? La santé cela a un coût ! On ne cesse de nous le dire.. Je ne l’entends pas de cet effet. Oui la santé a un coût ! Tout comme l’éducation. Et nous citoyen français de l’an 2000, détenteur jusqu’ici d’un des meilleurs systèmes d’assurance maladie du monde, système mis à mal au quotidien par les propos étatiques, quel prix sommes-nous prêt à mettre dans la santé ?

Non la santé n’a pas de prix ! Aussi aujourd’hui je finis par avoir honte ! Honte de cet hôpital entreprise publique qui ne cesse de fonctionner aux chiffres ! Honte d’être sans cesse confronté à des organisations technocratiques qui ne cherchent que planification économique à visée restrictive, rationalisante. Effet de mode et engrenage qui me font peur !

Je me suis éloigné du soin direct au patient en psychiatrie, en devenant cadre sup de santé. Ah oui ! Quel cadre ! Quelle santé ! Quelle psychiatrie ? On voudrait aujourd’hui lui couper les vivre et l’appeler santé mentale. On voudrait aujourd’hui continuer à lui changer le cadre, faire du public du privé, de la psychiatrie somatique et oublier, que dis-je enterrer, tous ces changements positifs depuis Pussin puis l’après-guerre, depuis l’ouverture des asiles et l’installation dans la cité, depuis la psychanalyse et les institutionnels…

Ceux qui nous parlent et nous dirigent aujourd’hui, ne connaissent rien du poids de notre histoire, du renfermement et des violences sociales et asilaires.

Pourtant, ils disent savoir mieux que tous la nécessité de l’enfermement. La maladie mentale serait potentiellement dangereuse ? Nous savons bien que les patients dont nous nous occupons sont les premières victimes de leurs souffrances et de la différence sociale à leur égard.

Pourtant, les rigueurs économiques ne visent qu’à réduire les effectifs de professionnels en psychiatrie qui prennent en charge les patients et leurs souffrances. Le premier « outil » du soin en psychiatrie est l’humain. C’est avec soi que l’on soigne ! Et des « sois » (disant), j’en vois de moins en moins dans les services. Outre les difficultés de recrutements infirmiers, les problèmes de compétences suite à la disparition de la formation d’infirmier de secteur psychiatrique, les nouvelles charges inhérentes aux fonctions soignantes, la qualité et son ambassadrice certification, les nouvelles technologies de communication et maintenant les indicateurs de pseudo activités pour répondre aux exigences économiques viennent mettre à mal la disponibilité des infirmiers.

J’ai honte de laisser les soignants en souffrance en effectif à trois en service pour 20 patients qui demanderaient pour des soins de qualité d’être six ! L’un tenant la patate chaude (le téléphone qui mobilise un soignant au fil de la journée), l’autre assurant les accompagnements extérieurs, le troisième les entretiens avec le médecin psychiatre. Qui alors reste disponible pour les autres patients ? Que dire de l’extra-hospitalier ? Là aussi les effectifs sont bien insuffisants pour les patients à rencontrer. Dedans, dehors, les infirmières de psychiatrie, dévouées ne se plaignent pas ? Soumises et habituées ! Mais quittant le navire rapidement épuisées.  Je me plains pour elles ! Au nom des patients souffrant de troubles mentaux et pour la qualité des soins à leur apporter, j’exige des soignants en nombre !

 

Des soignants, des soignants, des soignants !

 

                                                               Eliguane, le 25 Février 2009