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L’HOSPITALISATION PSYCHIATRIQUE EN REDUCTION,
UNE TENDANCE A DOUBLE TRANCHANT.

                                               

                                                               

Bernard Odier, psychiatre



Cent mille lits de psychiatrie ont été fermés en vingt ans en France sans mise en place correspondante d’alternatives à l’hospitalisation. Est-ce un progrès 
Les effets du rationnement de l’hospitalisation psychiatrique et de l’offre de soins psychiatriques ( y compris dans le secteur libéral) sont capillaires, silencieux, font peu de vagues. La politique d’abandon actuel se traduit par une «casse  » presque invisible, les dégâts s’accumulant dans ce qu’Emmanuel Todd appelle les «angles morts  » de la société ( le désemploi, la solitude, la rue, la prison, voire le cimetière,…). De même que les accidents domestiques ou de transport ne sont pas pris en compte comme des violences, le crime violent et immotivé quand il survient n’est pas mis spontanément en rapport avec une carence de l’offre de soins psychiatriques. Est-ce qu’aujourd’hui il faut continuer à demander la réduction de l’hospitalisation psychiatrique  ?
A l’étranger
Aux U.S.A., 350.000 lits ont été fermés dans les années 70        . Par contre le nombre de places dans les prisons et les maisons de retraite, qui accueillent beaucoup de personnes sous neuroleptiques, a beaucoup augmenté. Les psychiatres américains parlent de «transinstitutionnalisation  ». Ils dénoncent l’absence d’une couverture sociale suffisante pour pouvoir assurer des soins suffisants au plus grand nombre des malades mentaux, et la situation d’abandon dans laquelle sont les «homeless  »( malades vivant à la rue).
En Italie, dans certaines régions, la fermeture des hôpitaux s’est accompagné de la création de formes alternatives de prise en charge, autant sociales, médico-sociales, que psychiatriques. Mais cette «sinstitutionnalisation  », largement dépendante de la couleur politique du pouvoir régional, n’est pas une réussite partout.
La situation française ressemble à ces deux modèles. Les moyens de traiter les malades deviennent insuffisants (de moins en moins d’infirmiers et de psychiatres), la réforme envisagée de la Sécurité sociale les menace en tout premier lieu, et il n’y a pas d’égalité dans l’accès aux soins, les possibilités d’hospitalisation et les alternatives à l’hospitalisation étant inégalement répartis sur le territoire national.
Un problème technique et politique
C’est difficile de faire fonctionner correctement un service d’hospitalisation. C’est si difficile que la tentation existe de supprimer les problèmes qui se posent dans les services en supprimant les services. En Angleterre, il n’y a plus beaucoup de lits d’hospitalisation psychiatrique, et les psychiatres déplorent que l’hospitalisation psychiatrique reste de qualité médiocre. Cherchez l’erreur.
Malheureusement le mot d’ordre avant-gardiste des années quatre-vingt        demandant la suppression des hôpitaux psychiatriques s’est retourné contre la psychiatrie, et plus grave encore, contre les malades. Ce qui était un discours progressiste dans un certain contexte politique et social devient une position obscurantiste et facile à récupérer dans le contexte politique et économique libéral.
Une révision déchirante de stratégie s’impose aujourd’hui pour ceux qui veulent continuer à faire progresser la situation faite aux personnes souffrant de troubles mentaux. Dans un contexte de déclin des valeurs de solidarité, elles doivent bénéficier de nouveau d’une attention et d’une assistance spécifique.