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Forum Social Européen 2003 / Initiative santé mentale

Jean-Jacques LOTTIN. CEDEP 2003-04

" L'obscurantisme est de retour. Mais cette fois-ci, nous avons affaire à des gens qui se recommandent de la raison ".
Pierre BOURDIEU.

" Méfiez-vous de la vérité, elle commet toujours des erreurs ".
Romain GARY.



UNE STRATÉGIE DE CONQUÊTE " PRAGMATIQUE "
DE LA SANTÉ PUBLIQUE, SCIENTIFIQUEMENT CORRECTE


Nous assistons en France, avec un " retard " d'une dizaine d'années sur les états anglo-saxons, ( qui tient au folklore de l'exception française ), à l'invasion systé-matique, résolue, allant de soi, NATURELLE en un mot, d'une nouvelle ( vieille ) idéologie/posture, a-critique et antidialectique, bref, une doctrine de plus :

La " SCIENTIFIC EVIDENCE-BASED MEDICINE "


Cette EBM n'est pas innocente : c'est une arme de guerre contre la médecine à la française, clinique, humaniste, relationnelle, empirique, plus généralement, contre la fonction symbolique.

Pour les initiés déjà nombreux et prosélytes de cette quasi secte d'" enthou-siastes " (comme certains américains les baptisent ) qui tente de s'imposer comme un nouveau PARADIGME de la médecine, progressivement élargi à tout le champ de la santé, la vérité, c'est ce qui est PROUVÉ SCIENTIFIQUEMENT, ce qui repose sur l'épidémiologie biomédicale, et les statistiques biotechniques ici et maintenant, sur l'impérialisme des moyennes, comme pour faire mentir le vieil aphorisme d'Einstein :
" Tout ce qui peut se compter ne compte pas ; tout ce qui compte ne peut pas se compter "…

Adieu doute, incertitude, intuition, clinique fondée sur l'observation et l'expé-rience personnelle, bonjour le néo-scientisme et le positivisme relookés à la pensée de Taine, Comte, Renan ou Carrel…et vivent la technologie et l'exploration des symptômes en-soi à l'aide des guides de " bonne " pratique créés par des experts cooptés (souvent sponsorisés par les trusts pharmaceutiques ).

Comme si certains estimaient que la médecine aujourd'hui ne serait plus en pri-se avec la complexité et devrait être RECADRÉE, MODERNISÉE, protégée par des gens sérieux, aux bases scientifiques éprouvées, en un mot, des ANGLO-SAXONS compétents, porteurs universels d'une nouvelle bonne parole techno-logique un peu messianique, des champions du PRAGMATISME protestant ( la réforme permanente ), auteurs de nouvelles normes et modèles cognitifs et comportementaux en santé…

Voilà un concept à contamination rapide ( il existe déjà la " promotion de la santé scientifiquement prouvée " ( au secours, Jean-Pierre DESCHAMPS ), de la santé mentale EBM - la sérieuse British Psychological Society vient d'adhérer à cette approche- ; de la " puériculture EBM " et toutes les variantes, qu'on peut utile-ment consulter sur une multitude de sites, dont www.minerva.minervation.com/cebm, et
parmi les nombreux autres, www.cebm.net, www.ebmjjournals.com, www.jr2.ox.ac.uk/bandolier, www.cebm.utoronto.ca, www.ebmny.org et www.unc.edu/lm.ebm>, etc, très " instructifs ".
Dans leur zèle d'élèves dévoués, les québécois autrefois plus avisés, ont même traduit mot à mot ce faux ami par " médecine fondée sur des évidences "…
Et si on réapprenait l'épistémologie ?

La pratique EBM ambitionne de se fonder sur les preuves disponibles à un moment donné ( preuve aujourd'hui, erreur demain ), et témoigne de la résurgence inquiétante d'une vieillerie idéologique : le néo-positivisme ou scientisme, qui in-vente des CODES de bonne ( au sens moral ?) pratique, début d'un formatage inter-national à base américaine, délivré par des GUIDES ou RÉFÉRENTIELS élaborés par des experts : la médecine normative code-barrée, légitimée par LA science. Ces livres de recettes, concoctés par de " bons médecins " à l'usage de ceux qui ont de mauvaises pratiques, ne parlent que d'actes, d'agir ( définition même de la prag-matique ), car ils proposent bien un raccourci de la pensée. Un digest pour informati-que. Médecine, technique, marchandise, ou magie ? L'EBM participe du retour de l'obscurantisme. Dans tous les cas, LA PREUVE est le socle des arguments d'autorité, elle définit un espace de pouvoir, ici, idéologique.

Cette idéologie normative anglo-saxonne, déjà centenaire, renaît à l'Université d'-Oxford dans le courant des années 1990.
Dans son acte de (re)naissance, elle se définit ainsi :
--" depuis sept ans, la santé a commencé une nouvelle révolution (sic) : la montée des soins EBM, définie comme l'intégration des meilleures preuves valables ( il en existe de mauvaises ) issues de la recherche systématique, avec l'expertise clinique individuelle permettant de pren-dre des décisions sur les soins du patient ". Sans lui, bien sûr. Pour justifier cette invention, les universitaires anglais disent leur fascination pour l'école française de médecine positiviste du XIXème siècle, et ses paran-gons Auguste COMTE, Hyppolite TAINE et Ernest RENAN, pères indirects de l'eu-génisme à la française et des redoutables " théories " raciales qui fleuriront ( avant de s'exporter ) dans la droite catholique et conservatrice ( l'Action française ) de J.Rostand, Maurras, Alexis Carrel, P.Bourget et Barrès, avant d'exploser dans l'Allemagne nazie et dans le stalinisme, dont le maïs supérieur de Lyssenko ( pré- curseur des OGM ), avait bien déjà à voir avec l'EBM. On parlait à l'époque du " socialisme scientifique ".

Nous voilà bien loin de notre médecine expérimentale.

Cette vieille soupe -qu'on aurait dû oublier- est exportée d'Oxford vers la colonie canadienne, où elle se développe dans les universités de Toronto et à Laval ; puis en Australie (Sydney). Elle explose littéralement aux USA, sa terre d'élection. Très vite, elle y trouve son premier champ d'application dans la PSYCHIATRIE, cette médecine clinique intellectuelle, où elle conforte les neurosciences, la biologisation des syndromes, et leur classement en fonction des molécules disponibles sur le marché, aux EFFETS PROUVÉS par les labos eux-mêmes, seuls juges et partie : cette sacrée DSM IV, aux dépens de la psychodynamique.

Doit-on vraiment dire que des protocoles STANDARDISÉS de soins en santé mentale à l'intention de groupes HOMOGÈNES de patients, sont un acte de pure folie…l'EBM est un tueur de clinique.
Au lendemain de l'affaire d'euthanasie de Berck-sur-Mer, le ministre MATTEI a proposé de réaliser des " guides de bonnes pratiques " pour formater l'attitude des médecins, alors qu'il n'existe pas de situation aussi singulière à chaque fois.

J'ouvre le pari que d'ici peu, d'augustes experts, clones de l'air du temps, lan-ceront des séminaires de formation financés par Merck ou Schering sur :
LA PSYCHANALYSE FONDÉE SUR DES PREUVES…

" La connaissance de la pensée de Lacan ( sur les sciences sociales ) est une indispensable préparation pour aborder ce qui fait retour dans la crise de la psycha-nalyse aujourd'hui, confrontée à une conception SCIENTIFIQUE DÉSYMBOLISAN-TE, et à des visions normatives ". ( J.P.MARTIN. revue Mouvements N° 23 ).

Jacques RUFO, en juin 2003, sur Antenne2, disait tranquillement :
" je suis pédopsychiatre, psychanalyste, PAS SCIENTIFIQUE. Je suis un homme de langage et de parole ".
Ailleurs, cette idéologie s'empare de deux sphères en perte de références : l'Amérique latine, particulièrement l'Argentine, et les pays émergents de l'Est, où elle circule dans les valises d'échantillons de non-pensée gracieusement distribués par la fondation SOROS, et concoctés par la Tropical (sic) school of medicine de Londres.
Dernières recrues candides de cette néo-secte mondiale, le Japon et Taiwan, bien sûr. Et la France ( pour une fois moins " en retard ") depuis 2000…

le nouveau catéchisme cognitiviste : une pensée opératoire désymbolisante, et son nouveau vatican : OXFORD

Aujourd'hui, le NHS (National Health Service britannique) a fait de l'EBM sa doctrine OFFICIELLE, autour d'un EBM-Center à OXFORD, son nouveau vatican, équivalent de notre ex-école de Rennes.
Il fabrique une collection de zoutils ( leur avantage, c'est qu'ils permettent de ne plus PENSER ), publie sa bible : " LE LIVRE DE L'EBM " sous-titré " comment pratiquer l'EBM " ( on aurait attendu plutôt " pourquoi "…) dont la ringarde publicité d'anthologie proclame textuellement :

--" Oxford -avec Muir Gray ( l'auteur ) en tant que sa lumière nous guidant- offre encore une fois une rencontre métaphorique pour les idées, l'inspiration et le grand enseignement. Un peu comme lorsque Laurent Blanc embrasse le crâne rasé de Fabien Barthez (sic) avant chaque match de la glorieuse équipe française championne du monde, embrassez vous aussi la couverture du livre guide d'Oxford avant de l'ouvrir. Vous allez rencontrer un grand esprit de vérité "… Ce délire qui se veut drôle, est très peu scientifique. Les mots clés en sont inquié-tants : esprit, guide, phare, inspiration, grand enseignement voguent entre franc-maçonnerie, maoïsme et ésotérisme. Quant à la fréquence du GUIDE et de sa lumière, Duce, Conducator, Führer…

NB : cela m'évoque l'ouverture OFFICIELLE le 17 septembre 2003, du siège de l'Eglise de scientologie auprès de la Commission européenne à Bruxelles ? ou la campagne de " communication " de RAEL (sic) autour de son clone humain.

Oxford fabrique aussi l'" EBM-Journal ", membre du groupe " British Medical Journal ", autre bible mondiale de nos zélotes.
Enfin, elle publie un " Glossaire des termes EBM " empruntant totalement au voca-bulaire de l'économie néolibérale, dont elle est le versant médical revendiqué : il s'agit bien d'une doctrine issue de la droite, et des think tanks conservateurs.

Page 15 du site :
" L'EBM est un MARCHÉ ÉMERGENT ( grâce à internet ) sur lequel nous allons lancer des PRODUITS d'information éducationnelle réalisés par des experts in-dépendants, car bien payés (sic), parce que nous n'avons pas d'autre intérêt que celui de LA vérité "…

( A quand les premières guerres de religion ?)
Et Page 16 :
" La question n'est plus de savoir s'il faut l'EBM, mais pourquoi il existe ENCORE des praticiens qui ne l'utilisent pas. L'EBM est un nouveau territoire "…

Peut-on appeler cela autrement que terrorisme ?
Enfin, le dernier né des publications est l'intraduisible ( car sans génitif ) " EVIDEN-CE-BASED PATIENT CHOICE ", où l'on peut comprendre qu'il serait un manuel à l'usage des patients qui ont " choisi " l'EBM ? qui affirme sans rire qu'elle va devenir LA NORME mondiale. Ce n'est pas nous qui l'inventons.
Tous ces mots sont dits crûment, sans aucun recul quant à leur symbolique : ce langage " naïf " est bien totalitaire. Il dit la mort de la dialectique et de la pensée contradictoire par un volontarisme un peu infantile. Nous sommes les deux pieds dans le binaire basique. A bas le tiers, et vive le simplisme réductionniste. Régression scientiste, pensée rétrograde.

Aux 6èmes journées annuelles de santé publique du Québec (18/21-11-2002), sponsorisées par quatre laboratoires US, un séminaire s'intitulait : " les médecins spécialisés en santé communautaire se penchent sur l'intérêt des preuves scientifiques dans le processus de prise de déci-sion… en santé mentale ".

Chimère, avatar ou oxymore ce jargon ? Une triste dérive sémantique de nos cousins devenus hélas trop vite, de bons américains.

LES GRANDS LABOS FINANCENT LES THINK TANKS DE L'EBM.

Les supports conceptuels de cette pseudoscience et vrai scientisme sans conscience, sont issus des think tanks des universités anglo-saxonnes, financés par les géants pharmaceutiques, qui contrôlent la production mondiale de molécules, ET DONC DE PENSÉE universitaire, et participent, par la vente même des médica-ments et la formation des chercheurs, à la diffusion de cette idéologie pragmatique libérale.

De façon transparente, le centre oxfordien de référence de la pensée-EBM ( comme on disait " la pensée-Mao ") est financé par Astra-Zeneca, géant des anes-thésiques (de la pensée ?), né en Suède, dirigé à Londres et implanté aux USA, symbole trop parfait du capitalisme anglo-saxon, et aussi, second mondial des OGM. Au fait, pourquoi le jury du Nobel de médecine, issu de l'Institut Karolynska de Stockholm, n'attribue-t-il ses prix - en gros - qu'à des chercheurs anglo-saxons ? Le hasard, bien sûr.
L'autre généreux mécène est MSD, évoqué plus loin.

" La Conférence internationale francophone de Montréal (15/18-9-02) sur le contrôle du tabac ", a prouvé avec clarté que toutes les universités canado-américaines sont AUSSI financées par les majors du tabac.
Pour 2001, chaque université de l'Ontario a reçu deux millions de dollars de Philipp Morris, moyennant la présence dans les Conseils d'université, de facto PRIVATISÉS, de cadres du tabac qui participent sans état d'âme à l'orientation de la recherche… en particulier dans les facultés de MÉDECINE.

En retour, R.Pritchard, recteur de l'université de Toronto siège au CA d'IMASCO, la holding qui chapeaute 'Imperial tobacco'. Voilà le triomphe du prag-matisme protestant sans principe, dans sa variante " l'argent n'a pas d'odeur ", ou une preuve scientifique de la chute des barrières éthiques dans le néoconservatisme qui règne là-bas, et qui inspire la LOI DE SANTÉ PUBLIQUE Mattéi-Dab-Abenhaïm.

Rappelons que le " modèle canadien ", qui plait tant, est le seul au monde dé-veloppé à n'avoir pas banni l'amiante, au prétexte que ses effets cancérogènes ne sont pas PROUVÉS ( relation de cause à effet ).
NB :On peut constater avec tristesse, la déliquescence du système de santé québé-cois dans le formidable film de D. ARCAND " Les invasions barbares " qui métapho-rise la lutte du Québec et de ses traditions, contre le nouveau modèle dominant : le " socialiste latin, voluptueux et empirique, contre l'austère capitaliste protestant "…

Les laboratoires envahissent NATURELLEMENT ( ils sont sans alternative ) les congrès médicaux mondiaux. Faut-il regretter que les états généraux de la psy-chiatrie française aient ainsi été mécénés ?
Que la vénérable EUPHA (European public health association) dont j'ai assuré en 2000 la présidence de son conseil scientifique ( quelle leçon !), est désormais la propriété partagée de Merck-Sharp & Dohme, et de la " Open Society Institute of the Soros Foundation of the US ".

Et que toutes les revues internationales n'existent désormais que par la grâce du " lobbydeslabos ", sans contradiction possible dans cet univers fermé qui se co-opte et où l'expertise indépendante est un fantasme ( n'est-ce pas, hélas, la re-vue PRESCRIRE ? ).

COMMENT SE FAIT-IL QUE CERTAINS FRANCAIS SOIENT FASCINÉS PAR CE MODÈLE QUI MÈNE LA SANTÉ PUBLIQUE DES USA, DU CANADA ET DE LA GRANDE BRETAGNE À LA FAILLITE ?



LA RÉGRESSION EBM TRADUIT- ELLE UNE DÉFENSIVE ?


Une perte de certitudes : on croyait les infections vaincues, les épidémies ju-gulées, la technologie interventionnelle maîtresse des pathologies.
Et puis vint le SIDA, le retour de la tuberculose, le paludisme menaçant même l'Occi-dent, les infections tropicales à la conquête des USA ( fièvre du West Nile ).
Ensuite, cette paranoïa judiciarisante qui fait procès de tout " échec " médical :
Zéro défaut, bébé parfait, juste à temps, garanties de plein succès IMMÉDIAT, l'obliga-tion de résultat remplaçant celle de moyens, castrent le meilleur des internes en mé-decine, quand l'avocat guette à la sortie de la salle d'opération ou d'accouchement.

Peut-être aussi un réel appauvrissement de la clinique chez la jeune généra-tion biberonnée aux sciences dures, pas aux sciences humaines et sociales, plus confiante dans les machineries hard que dans l'intuition soft ? L'EBM comme une sorte de " PRINCIPE DE PRÉCAUTION " à l'envers, mais hyperdogmatique, en quête désespérée de rationalité, de positivisme, de " factuel ".

Et de PRAGMATISME, mot-valise des sans-principes qui aiment les racourcis de pensée vers l'efficacité dans l'équité : " Le pire, disait Raffarin en copiant Bush serait de ne pas agir "…Et si on réfléchissait avant ?
Et puis, tous ces patients qui ouvrent la bouche, émettent des compétences profanes, font de la démocratie sanitaire participative, et mettent ( un peu ) en doute la toute-puissance médicale par leur désir de coproduire leur santé. Alors oui, il y a sûrement l'angoisse du soignant face au " nouveau " malade. Et le retour à des méthodes prouvées, qui protègeraient contre tout recours.
Mais aussi un air du temps où les sectes et religions, surtout évangélistes, gagnent du terrain, où les pratiques magiques se développent, où l'irrationnel et le fantastique, le virtuel et l'ethnique remplissent les vides existentiels du sens.
On peut en juger par l'étonnant livre d'échanges entre R.DEBRAY et J. BRICMONT, " A l'ombre des Lumières " ( Éd. O. Jacob 2003 ) dans lequel Bricmont, protagoniste de " l'Affaire Sokal " où il traînait dans la boue rien moins que Lacan, Derrida, Foucault, Serres, Baudrillard et Deleuze ( l' " exception française ") pour imposture scientifique, affirme sans rire, en professant un scientisme d'un autre âge, et en moderne Erostrate, que " l'homme ne peut être connu que par des moyens scientifiques, ceux des sciences dures… ". De ce fait, l'EBM est bien une croyance. Une véritable obsession. Mais elle est stérile. L'homme n'est pas réductible à la science. On le sait depuis longtemps.

Que restera-il des pratiques soignantes non EBM ?

Que faire quand les preuves des méfaits du tabac ( il TUE, c'est prouvé ) n'empêchent pas les médecins eux-mêmes de fumer ?
--" Rien n'interdit de penser que la prédiction d'un économiste de la santé qui annonce la DISPARITION du médecin libéral et son REMPLACEMENT PAR UN INGÉNIEUR qui se définira pas sa TECHNOLOGIE et non par une relation privilé-giée avec ses semblables, se vérifie "

(" Avertissement aux malades, aux médecins et aux élus ". Le Cherche Midi édit.
Paris 2002. Pr B.DEBRÉ- P.EVEN ).

Et dans sa quête désespérée de faire quelques sous d'économie, le ministère vient de réduire le taux de remboursement de l'homéopathie, cette thérapie non médica-lement prouvée, issue disait-on, d'une " métaphysique allemande "…et si peu iatro-gène. Décision imbécile, car elle va reporter vers l'allopathique.

En réalité, plutôt que de preuve scientifique, c'est bien d'aliénation à une technologie toute puissante, une technostructure, dont il est ici question.
Car LA science a bon dos : la médecine rencontre l'industrie, se laisse séduire par la finance et les laboratoires-monde, seuls maîtres réels du jeu aujourd'hui.
Et ne rejette pas les trublions hyperadaptés au libéralisme, la secte scientiste RAEL, dont la pub en 2000 disait : " mangez des OGM, c'est bon pour la santé " ( et pour Monsanto )… ou la fumeuse EGLISE DE SCIENTOLOGIE, quintessence à peine forcée de l'EBM...
Ce n'est pas scientifiquement, mais technologiquement prouvé : notre siècle CONFOND la science, et son application : la technologie. Volontairement. EN VUE DE DÉVALORISER LA SCIENCE, QUI DOUTE TOUJOURS, et freine l'action, donc les profits ?

Le site EBM dans son préambule avoue avec candeur " NE POSER DE QUESTIONS QUE S'IL EXISTE DES RÉPONSES ". Nous, sommes donc bien dans la croyance, au nom de la science, un méli-mélo ridicule et " inefficace ". Il s'agit de cette forme du pragmatisme qui fait dire à Francis MER, notre ministre des finances : " Nous ne sommes pas des idéologues, mais des pragmatiques "…Nous ne faisons pas de politique nous. Nous agissons. Nouveau discours de la droite.

Que devient le doute scientifique (et clinique). Cherche-t-on la fin de l'irrempla-çable richesse du singulier du patient, qui certes met aussi en échec, mais qu'aucune statistique, si opératoire fût-elle, aucun guide de bonne pratique ne guérira jamais. Le malade ne sera plus une personne, mais un VARIANT STATISTIQUE ( voire un biais ) qu'il faudra RAMENER À LA MOYENNE. Où sera le symbolique ? Toute cette négation provient d'un système qui se proclame HYPER-INDIVIDUALISTE, mais où la personne libre disparaît. C'est l'ANAES ( Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, qui est chargée en France de ce formatage ).

Edgar MORIN (L'identité humaine. Seuil 2002) :
--" Le scientisme chasse le mot créativité, l'inconscient, l'imaginaire, l'âme, tue l'esprit d'hypothèse, glorifie le FACTUEL, ARRÊTE LA PENSÉE et l'acceptation de la réfutabilité. L'absence de preuves n'est pas la preuve de l'absence : en paléontolo-gie, TOUT REPOSE SUR L'ABSENCE DE PREUVES. L'originalité humaine, c'est le mythe, la magie, le symbole que les scientistes dénoncent comme irrationnel. La certitude de connaître la vérité est loin d'être garante contre l'erreur. Au contraire, elle tue la dialectique ".

ET QUELLE EST LA PREUVE DE LA PREUVE ?
Ou comment une guerre en Irak met à mal cette idéologie


Pendant quinze siècles, le christianisme a multiplié les preuves de l'existence de dieu, sans parvenir à y faire CROIRE les impies. Jusqu'aux preuves par l'absurde.
D'autres s'échinaient à prouver la supériorité de la race blanche.
Puis vînt BUSH : il détenait les preuves prouvées, évidentes, irréfutables de l'existence des armes de destruction massives de Saddam. Il le somma même ( in-versant glorieusement la vieille règle de l'habeas corpus ) de fournir la preuve qu'il n'en avait pas. Comment fait-on la preuve du rien ?
Le niveau de délire qu'atteînt cette joute devrait définitivement invalider cette métho-de d'intimidation. Mais les adeptes du modèle sont tétanisés…
Combien de centaines de condamnés à mort aux USA ont été exécutés, avant que soit établie LA PREUVE de leur innocence ?

HYPOTHÈSE : l'idéologie par la preuve est un avatar du moderne anti-intellectualis-me, cette anti-complexité. On simplifie, on réduit, on rabaisse la pensée.

PREMIER CHAMP d'APPLICATION de l'EBM en FRANCE, la CANCÉROLOGIE

Grâce aux protocoles issus de concertation d'équipes et d'expérimentations positives. Mais qu'en est-il quand on fait pression sur les médecins d'oncopédiatrie d'Avicenne, jusqu'à les menacer de la fermeture de leur service, dès lors qu'ils consi-dèrent que les traitements INDIVIDUALISÉS sont plus efficaces ?

Extraits d'une lettre parue dans Le Monde du 21-12-02, sous le titre : " Pour une vision globale de la cancérologie " :

--" Nous trouvons artificielle l'opposition entre une médecine hyper technique, scientifique, basée sur l'application froide et rigide de protocoles standardisés, entiè-rement tournée vers l'essai thérapeutique, en oubliant la dimension humaine…

et par contraste, une médecine de proximité humaine et chaleureuse qui, prendrait en charge les réels besoins des patients… Il est crucial pour l'avenir de la cancérolo-gie, et pour que les malades puissent bénéficier d'innovations validées et diffusées d'une façon scientifiquement rationnelle (sic), de démontrer… que ces deux méde-cines ne s'opposent pas. Au contraire, l'intégration de la méthodologie scientifique est nécessaire à une médecine réellement humaine, c'est-à-dire respectueuse des malades, et équitable. Les centres anticancéreux ayant intégré la recherche dans leur pratique de soins, connaissent l'importance de la formulation d'hypothèses, de l'évaluation, de la prise en compte d'une médecine fondée sur les preuves scientifiques ".

Or, comme l'affirme W.DAB, le nouveau DGS ( Le Quotidien du Médecin- 26-9-03 ) : " C'est le plan cancer ( emblématique ) qui joue le rôle de modèle pour la santé publique "…

Autre avatar extrait du Quotidien du M. du 8-11-02, sous le titre dénégatoire : " l'attitude face au cancer n'a pas d'influence sur le pronostic ".

--" A une personne touchée par le cancer, on conseille souvent de se battre, d'avoir une attitude positive. Sans doute est-ce utile d'un point de vue psychologique (sic), et tout simplement, parce que "l'espoir fait vivre ". Mais selon la méta-analyse des épidémiologistes britanniques et canadiens, IL N'Y A AUCUNE PREUVE TANGI-BLE d'un lien entre l'attitude face à la maladie et la survenue de récidive ( Brit. Med. Journ. 9-11- ). Bell, Hunter & Petticrew ( Kingston-Ontari o) se sont penchés sur 37 études (sic) qui analysent l'influence de diverses attitudes psychologiques (esprit de combat, désespoir, déni ou évitement, stoïcisme, fatalisme, etc ) et ils n'ont trouvé AUCUNE PREUVE CONVAINCANTE que l'un ou l'autre joue un rôle important. … Les personnes atteintes d'un cancer ne DOIVENT PAS SE SENTIR OBLIGÉES D'ADOPTER UNE FACON PARTICULIÈRE DE RÉAGIR DANS L'ESPOIR D'AMÉ-LIORER LEUR SURVIE… " Les imbéciles…

Ce texte est criminel : patients, baissez les bras, résignez-vous. Nous avons franchi les limites d'un anti-humanisme radical. Alors que chaque cas est une figure unique de la souffrance d'une personne, avec une dimension psychosomatique et affective évidente, l'EBM casse la relation du colloque singulier, et réifie le sujet dont on confisque l'histoire par un PACKAGE de ré-férentiels prouvés, chargés de le conduire vers la guérison sans son aide. Comme si se levait le rêve fou de guérir la maladie sans impliquer le patient : mais la santé est toujours une coproduction.

Il paraît que la France est entrée en déclin. La non-pensée EBM va l'accélérer…
En renforçant la montée des ténèbres. Ce stérile scientifiquement correct est certes un intéressant anxiolytique pour les soignants, mais quel soi-niant pour le patient.

DANS LES MÉDIAS, LA CHIMÈRE PROGRESSE
Un petit sottisier récent témoigne :
--Le nouveau slogan de MSD ( Merck-Sharpe & Dohme) : " le laboratoire de la médecine fondée sur LES preuves ".

--L'agence de l'Union européenne sur les drogues, se félicite en 2001 que les états membres prennent de " plus en plus les analyses et preuves scientifiques comme base de leur décision ".

--La seconde conférence internationale de Copenhague sur la sécurité alimentaire veut promouvoir " une alimentation fondée sur les preuves scientifiques ".

--Atelier du colloque EUPHA 2000 de Paris : " une politique nutritionnelle basée sur l'analyse des données scientifiques peut-elle réduire les inégalités en santé ? "

--selon L. ABENHAÏM, ex-DGS, et champion de l'introduction de l'EBM en France : " C'est la démonstration scientifique de l'effet bénéfique qui fonde la légitimité de l'action de santé publique ".
( QUELLE EST LA PREUVE SCIENTIFIQUE DU BONHEUR ? )

--l'ex-conseillère de CLINTON à la présidence, L.SIMPSON : " on estime actuel-lement que seulement 10 à 20% des activités et décisons médicales sont EFFEC-TIVEMENT fondées sur des preuves "… --Un rapport de l'IGAS de décembre 2000 réclame une " évaluation scientifique des effets du thermalisme ". ( et de l'homéopathie, de la psychanalyse, de l'acupuncture, de l'amour ?)

--Paris, juin 2001 : la 17ème Conférence mondiale de l'Union internationale d'éduca-tion pour la santé ( devenue un laboratoire EBM ), en association avec les centres américains de contrôle des maladies (CDC) et la Commission européenne, " veut mettre en évidence et PROPAGER l'efficacité de la promotion de la santé fondée sur des preuves "…

--Avec les-mêmes, l'INPES organise à Paris le 4-12-03 sa première manifestation internationale sur " Efficacité de la promotion de la santé ". L'EBM y entre par la grande porte, avec des experts US, canadiens, australien, et W.DAB.

--Petite PUB parue dans le Quotidien du M. sur le manuel d'Oxford, qui fait réfléchir : " L'intérêt d'une EBM n'est plus à démontrer. Nul doute (sic) que ce livre sera particulièrement utile à tous… il propose une compilation des meilleures preuves disponibles sur le marché… les principaux messages clés… "
Un " best-off " qui endosse tous les truismes du charlatanisme scientiste. Même pas besoin d'être polémique, puisque la candeur parle ici au premier degré : ne comptez pas sur nous pour prouver la preuve.

--Sur le site dans une conférence de J.KAY (Actualité-santé-psychiatrie) : " L'enseignement de la psychothérapie dans les programmes de formation a été limité de façon croissante. Pour les praticiens, en l'absence d'EVI-DENCE (sic) SCIENTIFIQUE les organisations du Managed care ont pressé beau-coup de psychiatres à embrasser un modèle CLIVÉ de traitement, dans lequel il est relégué à une fonction de gestion de médicaments ".
--Discours de François EWALD au 1OOème anniversaire de la loi de santé publique :
" En république (sic), nous avons besoin d'énoncés scientifiquement prouvés. C'est une condition de la démocratie sanitaire. Les usagers peuvent tout demander, mais NOUS (les experts ) ne pouvons agir que sur des preuves opposables ".

--Trouvé sur www.caducee.net/referentiels/guide-de-bonne-pratique.asp : sur les evidence-based guidelines, " cette démarche propose de CHANGER LES COMPORTEMENTSdes praticiens, en leur proposant DE SE FIER à des guides élaborés par des instances scientifiquement reconnues ". Bel aveu de manipulation…

--Le Monde du 11-1-03 : " Le tribunal administratif de Nice a annulé les arrêtés de 17 communes interdisant l'installation d'antennes-relais de téléphonie mobile : aucune preuve scientifique ne peut à ce jour ( et demain ?) mettre en évidence des effets biologiques (sic) impliquant un risque sanitaire pour les populations ".

--enfin, le baron Seillière ( Le monde du 9-9-03 ) crache le morceau sous le titre : " comment va la France : LE NOUVEAU POSITIVISME " : … " partout se fait sentir un souffle, un nouveau positivisme. Partout, l'entreprise est au cœur de l'analyse. Qu'il s'agisse de la relation entre la science et le progrès… La France se transforme et entre enfin DANS LA RÉFORME. Elle doit être accélérée. Libéralisme et positivis-me, les schémas sont à reconstruire. Voilà le nouveau po… Etc "

L'EBM est comme les OGM ( ou Halloween ), un virus épidémique très contami-nant et irréversible, qui anesthésie, grâce à l'argument d'autorité " c'est scientifique ", toute PRÉCAUTION. Ca ne sert à rien, mais on ne peut pas s'en passer. ( " La révolution nécrotechnologique : la guerre au vivant, OGM et autres mystifica-tions scientifiques ". J.P.BERLAND. Agone édit. 2001 ).
Tous deux sont de parfaites illustrations de ce néoscientisme. Qui sera le Jacques TESTARD de l'EBM, qui dira NON : " elle doit faire ses preuves " ?

LA PUB S'Y MET, RIDICULISANT LE CONCEPT


--" Gayelord Hauser : Programme hyperprotéiné prouvé scientifiquement : 96 % d'efficacité minceur, par une étude clinique menée sur… 29 femmes "…

" Une fois de plus, G.H. nous " prouve " qu'il sait révéler la beauté des femmes ".

--" SIGNAL : si un dentifrice ne vous prouve pas son efficacité, changez-en. Signal, une efficacité prouvée ".

--" Fruit d'Or pro-active réduit significativement votre cholestérol. C'est scientifique-ment prouvé ".

--" DERCOS de Vichy : 1er shampooing à l'efficacité prouvée sous " contrôle " (sic) dermatologique ".

--" Vichy : baume externe amincissant, traitement de 28 jours. Résultats visibles prouvés sous " contrôle " médical ".

--" ISOPTINE d'Abbott : au delà de l'expérience, de plus en plus de preuves ". Etc. Avec une touchante unanimité, à peu près toutes les pubs pour alicaments ou pro-duits propharmaceutiques et cosmétiques, ont recours au magique " c'est prouvé ".
Ce qui évite de le faire.

PIRE QUE DES SOTTISES, DE LA MAUVAISE FOI


Dans Le Monde du 9-7-03, une lettre candide de John Holmes, ambassadeur britan-nique à Paris, qui reproche au journal de ne pas disposer des preuves prouvant que Blair avait menti sur l'existence de preuves prouvant la culpabilité irakienne.

Bush, en juillet 2003, exhorte les européens d'accepter les OGM : " vous devez prouver scientifiquement que les OGM présentent un risque pour demain, vos craintes sont infondées, sinon les pays pauvres vous accuseront de les affamer ".

Le professeur E.E. Baulieu, président de l'Académie des sciences ( Le Monde du 27-9-03 ) : " José Bové détruit les preuves des effets des OGM avant même qu'on ait procédé à l'expérience ". Comment peut-on avoir des preuves AVANT ?

Nicolas BAVEREZ, chantre du " déclin français " s'emmêle les pinceaux quand il plaide : " Le temps libre, c'est l'alcoolisme, le développement de la violence, la délin-quance. Des faits malheureusement prouvés par des études "… Ce sont bien les études qui doivent être prouvées par les faits, non l'inverse.
A trop vouloir prouver…

LE CAS PARTICULIER DE LA REVUE 'PRESCRIRE',

La revue 'PRESCRIRE' est unanimement appréciée des praticiens du terrain. Elle est seule, et bénéficie d'une cote liée à sa proclamation d'indépendance. Qu'en est-il réellement ? lisons attentivement sa lettre d'abonnement : " grâce à son indé-pendance financière et INTELLECTUELLE totale, Prescrire a la MAÎTRISE de ce qu'elle publie. Aucun sponsor n'intervient dans ses choix. Rubrique " stratégies " : rassembler les données les plus solides de l'évaluation internationale, permettant des stratégies diagnostiques et thérapeutiques FONDÉES SUR LES NIVEAUX DE PREUVES… La rédaction suit une démarche pragmatique. "
Certes, mais 80% de la littérature mondiale est anglo-saxonne, et près de 95% est financée directement par l'industrie pharmaceutique. Où est l'indépendance ? Dans le traitement de l'information, pas dans son contenu. Et qu'est-ce qu'un NIVEAU ?

Et celui de la SOCIÉTÉ FRANCAISE DE SANTÉ PUBLIQUE, à son tour…

Qui a allègrement suivi le mouvement général de contamination en intégrant le concept en catimini dans un texte issu de son CA, mais sans discussion entre ses membres, dont certains sont certes des EBM-fans convaincus, par manque peut-être de pensée personnelle, et par peur panique de " politiser " le débat autour de la san-té publique ? Il s'agit pour son vice-président depuis 1991, d'un cas de divorce pour clause de conscience…La SFSP, hésitant entre son identité de société savante et celle de lobby des acteurs, a aussi fait " preuve " de tendresse pour la Loi Mattéi, sans doute parce que le nouveau DGS, ex-vice président de la société, est désor-mais son principal financeur, ce qui fait perdre toute indépendance d'expression.
EBM et ramadan au Maroc

On a beau être scientifique, on est surtout adaptatif-pragmatique : l'Associa-tion marocaine Hassan II a pris l'initiative d'édicter les bonnes pratiques médicales pendant le ramadan, à partir d'une conférence de consensus entre imams et méde-cins, sous la parrainage du laboratoire Ardix-Therval…ou comment foi et médecine composent en fonction du réel local : vérité ici, erreur là-bas, et toujours ce relativisme qui corrige le dogmatisme initial de l'EBM.

Les premiers sursauts contre cette hégémonie dans Le Quotidien du Médecin le 7/11/02, sous le titre " La science délaissée " : " En cinq ans, le nombre de recrues des filières scientifiques après le bac a baissé de 5%. La désaffection à l'égard des sciences, qualifiée de préoccupante par le ministre, a de nombreuses raisons : perte de prestige, enseignement trop disci-plinaire, perte de confiance dans le progrès ? " Peut-être les délires néoscientistes finissent-ils par décourager ?

Et se prolongent avec le docteur Lacau de saint-Guily, chef du service ORL- CHU Tenon. ( Le Monde du 14-9-02 ) : --" L'attraction pour le concept d'EBM est très séduisante pour nous tous… Il y a l'EBM, et une médecine qui n'a pas cette validité scientifique, une médecine à l'ancienne, de savoir-faire, d'impressions, d'expérience, au pire de rebouteux, au mieux d'experts. Dans une société moderne, l'EBM a vocation à remplacer l'autre TOTALEMENT. Le problème, c'est qu'une PART TRÈS MAJORITAIRE des prati-ques ne repose pas sur des certitudes. Elles SERVENT NÉANMOINS À SOIGNER … ET ASSEZ SOUVENT, À GUÉRIR… "

Enfin, une révolte de généralistes
Le Quotidien du M. du 23-10 donne la parole à de nombreux généralistes français qui évoquent leur début de résistance à la pensée-informatisée, normative et EBM.
En vrac : " le danger, c'est une médecine standardisée et aseptisée ". " On ne peut pas mettre l'histoire des gens dans un ordinateur ". " Les bilans automati-ques, cela endort l'intelligence du médecin ". " Pourquoi s'embarrasser d'un outil qui n'améliorerait pas ma pratique médicale ". " Le danger d'une médecine presse-bouton où le renouvellement de l'ordonnance est automatique ". " Pour la qualité médicale avant la robotisation ". " Il y a une pensée unique. On a tendance à oublier le médecin, à se conformer à ce schéma. C'est un peu inhumain ". " Je me rends compte que les gens perdent de plus en plus la convivialité d'une réelle communica-tion humaine, et c'est désolant ". Etc.

ÉCLAIRCIE AMÉRICAINE AU MILIEU DES TÉNÈBRES

Le 6 octobre 2OO3, un article du Quotidien du Médecin titre : " Une étude américaine redécouvre les vertus de l'examen clinique "

( Cent ans après, il était temps…)
--" The Lancet du 4-1O-2003, réhabilite l'examen clinique du malade fait par les mains du médecin. Une démonstration redevenue nécessaire à l'heure de la technicisation des outils diagnostiques… La définition de la médecine fondée sur des preuves a été récemment revue pour faire une place plus importante à la compé-tence clinique, qui est l'habilité essentielle permettant d'intégrer, pour la prise de dé-cision, les observations cliniques et les souhaits du malade. C'est seulement un dé-but. Les " enthousiastes " de l'EBM mettent moins l'accent sur l'examen clinique que sur les développements de l'informatique. Alors qu'il s'agit de faire POUR L'INTERET DU PATIENT, plus de pratique de la médecine que de pratique des preuves "… C'est un américain qui nous dit cela, le Dr Brendan REILLY du Cook County Hospital de Chicago.

CONCLUSION :

Le paradoxe de l'EBM, telle que sacralisée chez nous, c'est qu'elle contient indiscutablement de bons outils : les conférences de consensus, la méta-analyse, certains guides de pratiques, l'épidémiologie quand elle consent à être aussi quali-tative, et accepte un contre regard des sciences sociales et humaines. Mais nous ne maîtrisons sa sémantique, quand on constate effaré, le bredouillage approximatif que les français utilisent pour en parler, à coup d'euphémismes, ou de litotes honteuses ( médecine " factuelle "- évidences…) très éloignés des sciences exactes. Quant à l'absence totale de toute référence à l'éthique, elle devrait nous alerter. Mais le package idéologique dont elle est enrobée, et que certains refusent de voir, constitue un repoussoir, car il dénote une volonté de globalisation de toutes les dimensions de la santé, proche du totalitarisme. L'EBM est le moteur de la mondialisation en santé, si justement dénoncée par J.P.DESCHAMPS dans Santé Publique N°3- sept 2003. C'est aussi la mort program-mée de la promotion de la santé et de la démocratie sanitaire. Il est donc important pour les acteurs français de faire l'effort d'aller aux sources de ce nouvel obscurantisme, pour mieux en percevoir les enjeux, et juger par eux-mêmes si nous en avons vraiment besoin. Quand la pseudo modernité s'irrigue au vieux positivisme français, réécrit par les protestants d'Oxford, il y a problème…et risque grave pour la liberté, constitué par cette pensée opératoire si éloignée de la relation avec le patient.
Les pays qui pratiquent cette doctrine ont tous un état de santé publique plus mau-vais que le nôtre : pourquoi faudrait-il les imiter ? Parce qu'ils sont anglo-saxons, efficaces, pragmatiques, rentables, intrinsèquement supérieurs ?
Notre culture clinique a fait ses preuves. Pourquoi en importer une qui ne les fait pas ? Parce que s'exerce une DOMINATION idéologique insurmontable ?
Aurions-nous les médecins que nous méritons ? Hier, les Milliez, Bernard, Debré, Minkowski, Schwartzenberg, ou Koupernik, hommes de l'art et humanistes engagés ; aujourd'hui des MDEBM, rustiques applicateurs de recettes-guidelines. Après les artistes, les scientistes ?
Seraient-ce les " fameuses contraintes économiques " jamais explicitées ?
Est-ce le hasard si les chevaux de Troie français de l'EBM ont tous reçu une forma-tion anglo-saxonne, et que la plupart sont des chercheurs ou des médecins de santé publique sans patients ? Qu'en pensent les généralistes qu'on aimerait formater en GROUPE HOMOGÈNE DE SOIGNANTS ?
La plupart n'ont pas aimé Bush et ses " preuves " contre l'Irak : pourquoi aiment-ils ses preuves en santé publique ? C'est la même LOGIQUE de refus de l'histoire et de la complexité humaine.
Pas plus que d'OGM, de ketchup ou d'Halloween, nous n'avons BESOIN d'EBM, ou alors, prouvez-le ! Sommes-nous des enfants dépendants d'un modèle binaire, simplificateur, désymbolisant, prêt à mâcher pour ordinateur, qui prêche le " il faut " en place de la dialectique adulte ?
En réalité, la PREUVE SCIENTIFIQUE N'EXISTE PAS hors de l'ici et mainte-nant, elle est donc TOUJOURS RELATIVE. En faire une doctrine est une IMPOSTURE. Mais il n'est pas encore trop tard.


" AUX PREUVES, PRÉFÉRER LES TRACES. " René CHAR.