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Forum Social Européen 2003 / Initiative santé mentale

SOCIOTHERAPIE, THERAPIE SOCIALE ET SOCIO-DEVELOPPEMENT


La sociothérapie apparaît au milieu du XXe siècle, aux Etats-Unis et en Europe. Sa progression rapide dans le traitement des maladies mentales la cantonne dans un rôle de thérapie médicale, auxiliaire de la psychothérapie. Cette réalité a fait peu à peu oublier la base sociologique et communicationnelle de la sociothérapie pour n'en conserver que son champ d'application médicale. Mais la sociothérapie est d'abord une affaire de sciences sociales avant de devenir celle des sciences médicales et paramédicales. En revenant aux bases de la sociothérapie et en l'élargissant, on constate qu'elle peut être utilisée comme moyen de développement social, au niveau du groupe et de l'individu, sans qu'elle s'adresse exclusivement aux personnes souffrant de troubles psychiques. Elle doit alors changer de nom et se nommer socio-développement. Le précurseur de la sociothérapie a été Gregory Bateson, anthropologue américain qui a initié les théories systémiques à la fin des années quarante. Une partie de son travail a ensuite été développé et appliqué, par le médecin psychiatre Don Jackson, aux thérapies mentales et a été exploité par les thérapies systémiques. Aujourd'hui, les sciences médicales et paramédicales s'approprient quasi exclusivement ces applications au point qu'elles oublient de citer les théoriciens des sciences sociales qui les ont mises à jour. Dans la pratique on constate qu'il n'existe pas une sociothérapie mais des sociothérapies pratiquées dans des lieux aussi divers que les prisons, les maisons de retraite, les instituts pour handicapés, et les hôpitaux psychiatriques. Ces sociothérapies sont d'applications variées : animations artistiques, jeux de société, partage d'appartement, ergothérapie, etc. Cette diversité de lieux et de pratiques met en lumière le flou qui entoure la sociothérapie. Quant à la définition du mot, elle est également imprécise. Selon les ouvrages, on l'assimile à une thérapie occupationnelle, à une psychothérapie de groupe, ou à un système relationnel et communicationnel. Cette pluralité de définitions cache un enjeu bien réel. Les psychologues l'intègrent dans l'univers psychothérapeutique, les psychiatres la considèrent comme une thérapie institutionnelle. Quid des sociologues ? Ne sont-ils pas pourtant scientifiquement habilités à s'exprimer sur cette thérapie sociale ? La question est d'importance puisque l'on observe aujourd'hui, lors des débats parlementaires, que les médecins et les psychologues demandent l'exclusivité de l'exercice des psychothérapies. Il est essentiel que chacun, spécialiste des sciences sociales ou non, réagisse et s'interroge à ce propos, avant que la sociothérapie ne subisse le même sort. La sociothérapie ne s'adresse pas qu'aux personnes souffrant de troubles psychiques, mais à chacun. Pour que cet élargissement soit plus visible, elle doit modifier son nom, et s'appeler socio-développement. La prise en compte de l'environnement qui nous entoure, individus et objets, est un premier pas vers une plus grande lucidité, un accroissement de la capacité d'autonomie, un développement des reliances ; reliances relationnelle, institutionnelle, existentielle. La sociologie propose des méthodes, des outils concrets qui permettent à chacun de se situer par rapport aux autres et offre ainsi une aide active, et scientifiquement valide. L'expression " homme bio-psycho-social ", entendue dans de nombreux discours médicaux, est souvent une façade surdimensionnant le bio et le psycho, au détriment du social. Il s'agit aujourd'hui de ne pas laisser déposséder les sciences sociales de leurs capacités d'intervention dans le domaine des malaises et des souffrances sociétales, par des spécialistes qui disposent des connaissances pour s'exprimer sur les plans biologique et psychologique, mais qui ne sont pas sociologues. Le socio-développement en tant que moyen d'action permettant d'améliorer les reliances, les relations de chaque personne et de chaque groupe avec son environnement, est une réponse pertinente aux malaises d'aujourd'hui.
Marie-Hélène Léon Docteur en Sociologie