La psychiatrie, comme toutes les disciplines médicales, comme toute démarche scientifique, est traversée par de nombreuses théories résultant de la recherche et de l'expérience. L'apport de la psychopharmacologie au cours des cinquante dernières années est incontestable et a permis de modifier considérablement la prise en charge des malades mentaux. Cependant aujourd'hui il nous paraît nécessaire et légitime de nous interroger sur les effets de la logique commerciale des laboratoires pharmaceutiques sur ce champ de pratiques, d'un point de vue médical, mais aussi économique, idéologique, éthique et donc plus globalement politique.

Dans notre pays en particulier la consommation (et plus encore la prescription) de médicaments psychotropes s'est considérablement développée et a atteint des records par rapport à des pays comparables. Ces produits sont le plus habituellement prescrits par des médecins non spécialisés et correspondent à une forte attente du public. Le souhait d'un résultat rapide essentiellement symptomatique, ne mettant pas en question l'origine de la souffrance psychique, trouve sa correspondance dans la stratégie commerciale des laboratoires distribuant ce que l'un d'entre eux a pu dénommer " la pilule du bonheur "

Pour soutenir cette logique, des efforts considérables sont mis en œuvre pour promouvoir une nouvelle conceptualisation des troubles psychiatriques, avec une nouvelle classification (D.S.M.IV nord-américaine) basée sur un catalogue de symptômes et excluant toute hypothèse psychopathologique, recherchant derrière le symptôme le " sens " de celui-ci. On voit alors un éminent professeur de psychiatrie proclamer : " la dépression c'est la maladie que soignent les antidépresseurs " …

De nombreux exemples montrent comment la logique du développement du néo-libéralisme mondialisé, dans sa course au profit comme dans son hégémonisme culturel, intervient , derrière une façade scientiste, au mépris des usagers.