EVOLUTION DES METIERS EN SANTE MENTALE
ET AGCS
                        SECTEUR MEDICO-SOCIAL
LE SECTEUR MÉDICO-SOCIAL
Le secteur qui nous intéresse ici est le Secteur Médico-Social  ». Il a pris forme entre 1942 et 1949, sous le régime de Vichy. Il a eu une mission de service public, celle de prendre en charge les enfants qu’on appelait à l’époque «  inadaptés  », ce qui voulait aussi bien dire l’enfance errante de la guerre, les délinquants, les enfants handicapés, et, plus tardivement, les enfants souffrant de pathologie mentale. Il a pris en charge également, par la suite, des adultes, du fait du vieillissement de la population qu’il avait accueillie.
A la faveur de ce nouvel agrément, il est susceptible d’accueillir, du fait de l’évolution actuelle de la psychiatrie et de la fermeture de lits d’hospitalisation, des personnes adultes souffrant de maladies mentales graves  ; celles-ci, au passage, deviennent des personnes «  handicapées  », et perdent la reconnaissance de la spécificité de leur maladie.
L’Etat confie à des associations privées une mission de service public. Il accorde les agréments, accréditations, le financement qui peut être, soit un financement venant de la protection sociale par le biais de la Sécurité Sociale, soit un financement régional par le biais des Conseils Généraux.
PRIVATISATION DES SERVICES PUBLICS,
PRIVATISATION DU SECTEUR MÉDICO-SOCIAL
AU NIVEAU MONDIAL, L’OMC et L’AGCS
OMC  : «  L’OMC travaille à la reclassification des activités humaines, ce qui permet de sortir de nombreuses activités d’un secteur proprement dit, dans le but de les libéraliser. Ainsi les repas servis dans les hôpitaux relèvent alors de la restauration, les lits d’hôpitaux relèvent de l’hôtellerie (donc du tourisme) la direction de l’hôpital de la gestion  », les dossiers des patients des «  services informatiques  »  : «  ces activités ne relèvent plus de la santé, par le biais de ces activités connexes. Et les règles de l’OMC sont alors susceptibles de s’appliquer  ». (CCCOMC 2001).
AGCS:L’Accord Général sur le Commerce des Services est un accord qui fait partie de l’Organisation Mondiale du Commerce. Cet accord rend prévisible la privatisation progressive, et à court terme, des services publics, et la marchandisation des biens publics, dont la Santé.
Il prévoit d’attribuer les mêmes subventions et les mêmes avantages, aussi bien aux services privés qu’aux services publics. Il prévoit aussi qu’un Etat ne peut favoriser un service, public ou privé, de son pays, et doit accorder les mêmes avantages à un service équivalent d’un autre pays.
La privatisation des services publics et la marchandisation des biens publics mettent donc en concurrence des services publics et des services privés, ou des services privés entre eux. Il va de soi qu’un des critères de choix, pour les payeurs, sera le critère économique du moindre coût et de la rentabilité.
ORD: Organe de Règlement des Différends. Si un service s’estime lésé par rapport aux règles de l’AGCS, il pourra faire appel à «  l’Organe de Règlement des différends  ». Il s’agit d’une instance créée par l’OMC. Elle tranchera selon les règles énoncées ci-dessus. La mise en place de l'ORD va donc mettre en péril l'existence et le fonctionnement des services publics.
Ainsi, les subventions données aux services publics de santé seront au mieux réduites à la portion congrue, entraînant à terme la privatisation de ce secteur (comme celui de l'éducation etc.).
L'OMC va jusqu'à considérer le système de Sécurité Sociale comme pouvant faire obstacle au commerce: un fournisseur de service privé pourra se plaindre auprès de l’ORD d'être affecté par les remboursements de Sécurité Sociale.
On voit ici à l’œuvre un type de judiciarisation en faveur de la marchandisation.
Les exercices professionnels correspondant aux activités humaines concernées, vont se trouver eux aussi, de ce fait, inscrits dans une logique marchande.
EVOLUTION DE LA PROTECTION SOCIALE 
Les propositions du MEDEF  Novembre 2001.
«  L’organisation actuelle de la CNAM (Caisse Nationale d’Assurance Maladie), serait remplacée
Les opérateurs de soins pourraient être constitués à l’initiative des actuelles caisses de sécurité sociale, d’autres organismes d’assurance, mutuelles, institutions de prévoyance, ou sociétés anonymes.
C’est l’entreprise qui aurait à choisir, avec ses salariés, sur appel d’offres, l’opérateur de soins qu’elle jugerait le plus efficace. L’opérateur de soins négocie avec les différents fournisseurs de soins et gère les relations entre les patients et ceux-ci.
Le financement des opérateurs se ferait sous forme d’un forfait par assuré.
Les actuels opérateurs publics seront mis en concurrence avec les nouveaux opérateurs privés.
Les pouvoirs publics «  assureront une fonction majeure d’orientation et de contrôle  ; ils assureront la solidarité au travers d’un financement socialisé  ; mais ils n’auront plus un rôle de régulation quotidienne  ».
Une bonne coordination des soignants implique la mise en place des réseaux de soins, permettant la diffusion de recommandations thérapeutiques pour une pathologie une meilleure cohésion des acteurs et un partage de l’information concernant les patients.
LES ARH
Si l’on considère maintenant les instances qui distribuent les agréments, accréditations, financements du secteur sanitaire, à savoir les Agences Régionales d’Hospitalisation (qui vont devenir des Agences Régionales de Santé), on sait qu’elles mènent une politique de privatisation du secteur sanitaire public  : en accordant des accréditations, et des crédits, au secteur privé à but lucratif, elles permettent à celui-ci de développer les services les plus rentables.
Le secteur Médico-Social dépend lui aussi des ARH 
- en dépendant du SROS  : schéma régional d’organisation sanitaire
- en étant inscrit dans le plan hôpital 2007
Les autorisations d’activité des services et établissements du Médico-Social, qui ne seront valables que 5 ans, seront uniquement délivrées par les ARH.
On peut prévoir à court terme la privatisation progressive des établissements et des services du secteur Médico-Social. Ce sont déjà des services «  privés  », en ce sens qu’ils relèvent majoritairement d’une gestion par des Associations Loi 1901, à but non lucratif  ; le changement plus que probable, et déjà engagé dans certains départements, sera le transfert à des associations gestionnaires relevant d’entreprises cotant en bourse  : à l’instar de ce qui se passe pour les cliniques psychiatriques privées à but non lucratif, qui se font racheter massivement par Medidep, ou la Générale de Santé, filière de la Générale des Eaux, ex-Vivendi.
De ce fait, ce secteur sera lui aussi visé par les mesures qui consistent, pour une zone géographique donnée, à ouvrir le champ à la concurrence au sein du secteur public (secteur médico-social public, associations loi 1901 entre elles, associations à but non lucratif, assurant une mission de service publique), mais surtout entre secteur public et privé à but lucratif.
L’ARH encouragera, comme dans le secteur sanitaire, les opérations d’investissement immobilier privé des établissements. Au passage, les établissements du secteur médico-social perdent leur vocation de soins, au profit d'une mission d'hébergement, qui va les faire passer eux aussi sous la rubrique "hôtellerie, tourisme".
"Les réseaux, sous couvert de la petite formule «  travailler ensemble", sont en fait une façon de faire passer la pilule du passage à la privatisation et à la libéralisation des services et des établissements, ainsi que le passage au bénévolat. Il faudra faire réseau entre le public, le privé, et le bénévolat, appelé «  société civile  »  : c’est d’abord ça que cela veut dire. «  Le bénévolat est une affirmation politique, un pouvoir de transformation  »
DISQUALIFICATION ET DÉQUALIFICATION DES MÉTIERS DU MÉDICO-SOCIAL.
Mais aussi 
- Un moindre coût, moins de cotisations sociales
- Un changement dramatique de la conception de l’éducatif et du soin
LES RAPPORTS REMIS AUX MINISTERES
Il existe un certain nombre de rapports, qui ont été déposés auprès des Ministères de la Santé, et de la Famille et des Personnes Handicapées, depuis 2001 
- Rapport Piel Roelandt sur la Psychiatrie (qui y perd son existence, et son âme, en se transmutant en Santé Mentale), 2001
- Rapport sur l’Évolution des Métiers en Santé Mentale, avril 2002
- Rapport Berland, sur le transfert des compétences dans les professons de Santé, octobre2003
- Rapport Cléry-Melin, sur la Psychiatrie et la Santé mentale  : la Psychiatrie y retrouve son nom, mais pas son âme, tant ce rapport confirme les orientations générales du rapport Piel Roelandt, en particulier du côté de la libéralisation de la Psychiatrie, l’utilisation abusive de la «  Société Civile  », la confirmation du transfert des compétences.
La lecture comparée, ou plutôt «  empilée  » (comme des cartes qu’on superposerait, chacune ne comportant que certains éléments de la géographie étudiée), fait apparaître une évolution des métiers de la Psychiatrie et du Secteur Médico-Social. Cette évolution est déjà perceptible, engagée, dans les deux secteurs. Je traiterai aujourd’hui de ce qu’il en est dans le secteur Médico-Social.
Cette évolution consiste en une cascade de transferts de compétences d’un métier à un autre, de Psychiatre jusqu’à à AMP (aide médico-psychologique), en passant par tous les intermédiaires. Elle s’appuie la plupart du temps sur une disqualification de la profession ou de l’exercice transféré, une déqualification du nouvel exercice, aussi bien du fait des nouvelles formations mises en place, rapides, et moins coûteuses, que du côté de l’exercice lui-même, qui est soit totalement transformé par un tour de passe-passe (le travail des éducateurs, par exemple, est transféré aux moniteurs éducateurs, qui au passage deviennent des «  hébergeants  », des hôteliers, et l’éducatif disparaît sans qu’on le dise), soit grandement réduit à un exercice de moindre qualité (une fonction des psychologues est transférée aux travailleurs sociaux et médecins généralistes qui recevront une formation courte, par l’université, au «  conseil psychologique  »).
A chaque fois, cela permet de rémunérer à moindre coût, et donc de diminuer les cotisations sociales, tant patronales que salariales.
TRANSFERT DE COMPETENCES EN CASCADES 
Dans le rapport «  Evolution des Métiers en Santé Mentale  », les premiers métiers cités sont……
Les bénévoles et les associations  !….
Il y a transfert de l’accueil, du conseil et de l’orientation des patients et de leurs familles, à des associations de bénévoles et à des associations d’usagers  : «  Il est essentiel d’intégrer ces associations comme véritables partenaires des professionnels spécialisés en santé mentale, publics ou libéraux permettant de favoriser l’accès des personnes malades à des prises en charge adaptées  ». Cela s’appelle «  Intervenir dans le registre de la solidarité  ».
Cela revient en fait à faire faire le travail par des personnes non rémunérées.
Au nom de cette nouvelle solidarité, on demandera aux bénévoles, représentants de la «  société civile  », de faire partie des réseaux, de rendre des comptes. Ils auront même à faire valoir leur avis sur l’orientation de tel ou tel patient, auprès des Commissions Départementales de l’Education Spéciale (CDES)  c’est prévu dans un logiciel qui servira à renseigner ces commissions. On voit le passage, dans ce secteur comme dans le secteur sanitaire, à l’informatisation des dossiers, et la nécessité de poser la question de la confidentialité. De plus, nous avons appris lors de la présentation de ce logiciel, au cours d’une journée d’étude, que les projets d’intégration ne seraient plus un accord passé entre l’école et un service d’aide à l’intégration, mais un projet global prenant en compte tous les aspects de l’intégration. On devrait s’en réjouir. Mais, si l’on réfléchit un peu, on se demande qui va établir ce projet et passer accord… Avec qui  Quels services    Et si c’était les opérateurs de soin qui proposaient les services des entreprises avec lesquelles ils travailleraient? 
Les bénévoles pourront assurer des services de «  téléphonie sociale, œuvrant dans le champ de l’aide aux situations de mal-être et/ou de prévention du suicide. Et tout ça pour pas un rond  C’est mépriser la qualité de ce travail difficile, c’est, au passage, le faire passer pour un problème social, et évacuer la dimension psychique qui doit être prise en compte dès ce premier temps de l’écoute.
La «  société civile  », peut comprendre aussi les voisins qui aideront à la prise en charge de la personne «  handicapée  »  : ils seront amenés eux aussi à faire part de leurs remarques sur le logiciel des CDES.
Je peux même témoigner que l’on envisage, avec le plus grand sérieux, de demander à des associations de prendre en charge financièrement la formation spécialisée de professionnels du handicap, et de vendre par la suite, sous forme de prestations de services, le travail de ces professionnels. On encourage donc les bénévoles à devenir des marchands de soin, et l’Etat se démet de sa responsabilité. C’est l’ouverture à une concurrence marchande.
Cas particulier des médiateurs
Exemple    dans le cadre de la Loi 2002-2, des médiateurs seront requis, pour intervenir dans le cas d’un litige entre l’usager, sa famille, et le service avec lequel il a passé accord, dans un premier temps, avant le recours en justice Ces médiateurs seront désignés pour trois ans par le Préfet et le Président du Conseil Général  ; ils devront présenter «  des garanties de moralité, de neutralité et d’indépendance  ».
On judiciarise, au passage, par l’intermédiaire du «  contrat de séjour  », ou du «  contrat individuel de prise en charge  ».
Le psychiatre devient expert
Du fait du numerus clausus qui a touché la profession, beaucoup d’établissements n’ont plus de psychiatre, et ce sera le cas pour tous les autres dans un délai très court.
Le psychiatre devient alors un expert 
- Pour les psychothérapies, il effectue le diagnostic, pose les indications, et participe aux évaluations de l’efficacité du soin.
- En ce qui concerne les traitements, il est le premier prescripteur, charge au généraliste, à qui est déléguée la compétence, de renouveler l’ordonnance, avec supervision par le psychiatre.
Le médecin psychiatre est donc l’expert des médecins généralistes et des psychologues.
Il est coordonnateur de soin, on peut travailler avec lui par téléphone….
De psychiatre à généraliste
Le psychiatre, comme nous venons de l’indiquer, devient expert, et est l’initiateur du traitement. Il en confie le renouvellement, et le suivi au médecin généraliste. On peut imaginer que dans certains services du Médico-social, cette tâche sera confiée au pédiatre, voire aux infirmiers dont certains textes affirment qu’ils seront prescripteurs.
Là encore, il s’agit autant de dénoncer une moindre qualification qu’un coût inférieur, avec baisse des cotisations sociales.
De psychiatre à psychologue
Le rapport Berland fait état d’un transfert de compétence de psychiatre à psychologue: «  Il est nécessaire d’envisager la part de l’activité assurée par les psychiatres qui doit être confiée en toute collaboration à des «  psychologues praticiens  » formés à la fois par les Facultés de Psychologie et les Facultés de Médecine pour construire ce nouveau métier  ».
La profession de psychologue est médicalisée en ce qui concerne le secteur sanitaire, il est à parier qu’elle le sera également dans le secteur Médico-Social
On assiste à l’effondrement de l’exercice du métier de psychologue clinicien 
Cet exercice va se réduire à l’exercice de la psychothérapie, avec formation produite, validée par l’Université, ce qui n’est pas sans poser les questions que nous savons, et avec une préférence pour l’installation en libéral, avec cependant les mêmes obligations que les salariés (participation aux réseaux, comptes-rendus et évaluations, bilans auprès des CDES, formations obligatoires, évaluations des pratiques et de l’efficacité des traitements). Il s’agit là d’un recul important par rapport à la protection sociale. On peut imaginer à terme, comme aux Etats-unis, que la majorité des professionnels seront dans le secteur libéral, soumis aux lois de la concurrence, et du marché de l’emploi (et donc du chômage et de la précarité).
Le secteur libéral y perdra l’avantage de son indépendance, qui lui permettait le respect de la confidentialité, de l’éthique.
On assiste à une disqualification du travail du psychologue clinicien avec les équipes, du travail de soin partagé.
Les psychologues cliniciens vont disparaître des établissements du médico-social  ; ce seront les infirmiers de la Psychiatrie qui vont devenir les «  experts  » et apporter de l’aide aux éducateurs.
Dans le cadre de la politique d’intégration acharnée, les psychologues cliniciens travailleront au sein d’équipes mobiles  : ils auront pour mission la supervision et la formation de «  la société civile  » (associations, bénévoles), des professionnels ayant reçu transfert de compétence, comme les enseignants accueillant les «  handicapés  » (dont les enfants souffrant de pathologies mentales appelées désormais «  handicapés  », comme leurs aînés).
De psychologue vers - travailleurs sociaux
- médecins généralistes
Les assistants sociaux, éducateurs pourront recevoir, par l’Université, une formation courte au «  conseil psychologique  ».
Les médecins généralistes auront également le droit de faire du conseil psychologique.
C’est une disqualification du travail du psychologue, et une déqualification des nouveaux professionnels.
Effondrement du métier d’éducateur
Devenant un conseiller psychologique, il doit abandonner sa spécificité du travail à partir du groupe, qui comprenait tout aussi bien la socialisation, l’exercice de la solidarité, le travail de soin partagé.
Au passage, on observe la mise en place d’un soin à deux vitesses  : psychothérapie et conseil psychologique.
De psychologue et psychiatre vers les infirmiers
Les infirmiers de la Psychiatrie assureront une mission d’»  aide aux aidants  », comme on dit, auprès des nouveaux faisant fonction d’  éducateurs, les moniteurs éducateurs, qui accueilleront les patients dans des établissements.
Les infirmiers sont décrits comme des experts, ce qui dénature cette fonction d’accompagnement des équipes autrefois dévolue aux psychologues et aux psychiatres (accompagner les équipes, les soutenir, leur permettre de réfléchir et de s’inscrire dans le processus de soin partagé, c’était le lot quotidien du travail d’équipe).
D’éducateurs vers moniteurs éducateurs
Les éducateurs disparaissent du champ de l’embauche dans les services et établissements du Médico-Social. Ils sont remplacés par des moniteurs éducateurs. Au passage le travail éducatif se rétrécit à une mission d’hébergement, d’hôtellerie.
Le travail en groupe, se limite à des activités occupationnelles, comme autrefois, et c’est un véritable recul
Evolution du métier d’aide médico-psychologique
De même que les aides-soignants, ils deviennent des «  gestionnaires de la vie communautaire  »,
-        par «  leur présence et intervention dans des activités collectives, telles que celles qui sont organisées par les infirmiers, les ergothérapeutes notamment  », et les moniteurs éducateurs, remplaçant les éducateurs, probablement, même si le texte ne le mentionne pas encore
-        et dans les «  lieux interstitiels de soin  » (couloirs, salle de repas collectifs).
Les couloirs et les salles de repas, lieux de passage, de circulation, d’échanges, d’imprévu de la rencontre, deviennent des lieux de travail «  spécialisé  »  !… Une nouvelle fonction de «  surveillance  »  ?
Des enseignants spécialisés vers les auxiliaires de vie scolaire et d’intégration, et vers les enseignants accueillant les jeunes handicapés.
Ils devront assurer (et c’est déjà commencé), des formations rapides auprès des auxiliaires de vie scolaire et d’intégration, et bientôt auprès de leurs collègues enseignants, qui accueilleront, dans le cadre des projets d’intégration, des enfants handicapés  : quelques heures pour chaque handicap, par exemple trois heures pour la langue des signes pour des AVS accueillant des sourds  : il faut trois ans de formation à temps plein pour être compétent dans cette langue  !….
Auxiliaires de vie scolaire
Ils s’appelleront désormais Auxiliaires de la Vie Scolaire et de l’Intégration. Ils auront à effectuer une partie du travail qu’effectuaient les enseignants spécialisés, et les éducateurs spécialisés. Bien sûr, là aussi, le coût sera moindre…
Ergothérapeutes
Ils ont fait valoir, il y a déjà nombre d'années, une pratique de soin et non de réadaptation à l'emploi, les voilà ramenés à des projets bien éloignés du soin, à savoir réinsérer le patient dans la logique de l'économie libérale: "L'intervention des ergothérapeutes permet d'évaluer la situation de patients stabilisés dans le cadre d'un projet de réadaptation et réinsertion, notamment par l'observation de leur capacité à se concentrer sur une activité ou un travail."
On ne peut s'empêcher de rapprocher ceci d'une des nouvelles fonctions des psychologues, rémunérés par les assurances des entreprises, pour "soigner" des personnes souffrant d'absentéisme !..., afin de les réinsérer dans le dispositif économique de l'entreprise au plus vite (cf. article dans le journal du SNP).
A QUOI VONT RESSEMBLER LES ETABLISSEMENTS ET SERVICES DU SECTEUR MEDICO-SOCIAL?
Les établissements n’accueilleront plus que des enfants, des jeunes, ou des adultes, souffrant de pathologies mentales graves, déficitaires, ou de déficiences intellectuelles. La gestion en sera confiée, de plus en plus, à des entreprises cotant en bourse, avec notion de rentabilité. Les établissements seront mis en concurrence (voir la Loi 2002-2), et les prestations pourront varier de qualité et donc de coût. Si on tient compte de l’évolution de la protection sociale, de l’arrivée, sur ce qui devient un marché, des assurances privées, et probablement des opérateurs de soin, on voit se dessiner un tableau apocalyptique, avec une perte de qualité des soins, et des inégalités flagrantes d’accès à ces soins.
Les salariés de ces entreprises seront au mieux des moniteurs éducateurs, remplaçant les éducateurs; ils assureront une fonction d’hôtellerie, et proposeront des activités occupationnelles. Des aides médico-psychologiques pourraient les aider dans cette tâche, également en s’occupant des couloirs et des salles de repas  : gestion des «  espaces interstitiels de soin  » (voir ci-dessus), et fonction de surveillance sans doute.
On ne voit pas pourquoi cette fonction d’hôtellerie ne serait pas confiée à des hôteliers  C’est déjà le cas dans certaines situations d’accueil de familles….
Tous ces professionnels, au regard de l’AGCS, relèveront du secteur «  hôtellerie-tourisme  », et non plus du soin.
Ces équipes seront aidées par les experts que seront devenus les infirmiers de la psychiatrie, qui se déplaceront en «  équipes mobiles  ».
Il n’est plus fait mention du travail éducatif de socialisation et de participation aux soins, ni d’attention à la vie communautaire comme élément de travail.
Les autres services (professionnels spécialisés selon les handicaps) pourront être assurés par des prestations de services, proposées par des associations, ou par des entreprises  ; les professionnels y auront un statut de pseudo salarié, mais en fait de libéral, avec tous les inconvénients attenants, et sans les avantages (voir le projet, pour le moment retiré, du groupe «  Accord  »).
Les soins psy sont réduits aux seules psychothérapies qui deviennent des techniques, dont l’indication et l’évaluation est confiée aux experts psychiatres, et ne sont plus le fruit d’une rencontre. Ces soins sont externalisés, et se feront dans les CMP au mieux, en libéral chez les psychologues ou les généralistes (et les éducateurs pour le conseil psychologique  ?), ou proposés par des entreprises (projet du groupe «  Accord  », aujourd’hui retiré  ; mais demain  ?).
Evolution des services d’aide à l’intégration  : celle-ci étant amorcée grâce à la Loi 2002-2, elle est assez lisible 
Les nouveaux professionnels spécialisés seront les Auxiliaires de la Vie Scolaire et de l’Intégration, remplaçant, avec une formation plus que sommaire, les enseignants spécialisés, les éducateurs spécialisés.
Il sera demandé aux professionnels spécialisés, éducateurs, enseignants, psychologues, rééducateurs, de former et superviser ces nouveaux professionnels. Certains professionnels de ces équipes mobiles appartiendront à des services qui auront été rachetés par des entreprises qui cotent en bourse, ou à des associations prestataires de service. Dans les deux cas, que le professionnel soit salarié d’une entreprise, ou vacataire dans une association, le statut social sera précaire.
Là aussi, on assiste à l’abandon de ce que nous connaissons bien dans nos services  : le groupe comme outil de socialisation et de soin. Il ne sera plus considéré comme outil de travail, et seules les associations d’usagers permettront ces rencontres entre pairs.
Les enfants présentant de grandes difficultés psychiques, par exemple de l’ordre d’une névrose invalidante, sans troubles psychotiques ou autistiques, seront considérés, au regard des projets d’intégration, comme les enfants ne présentant pas ces difficultés  ; ils seront intégrés sans précaution,, et on se privera de cet outil du groupe, si précieux. Il est à parier que certains de ces enfants se retrouveront rapidement dans des établissements non spécialisés dans leur handicap, type Institut de Rééducation, Institut Médico-Educatif.
Des collègues Italiens, enseignants spécialisés dans le domaine de la déficience visuelle, témoignaient très récemment, lors d’un congrès, de l’échec de cette politique d’intégration forcenée qui a caractérisé l’Italie.
LA LOI 2002-2
La nouvelle Loi qui régit, depuis début 2002, le secteur médico-social, est une nouvelle version du rapport du public et du privé (nouvelle par rapport à celle mise en place à la création du secteur médico-social, et à celles qui se sont développées à la Libération puis par la suite, en particulier avec les Lois de 1975).
Elle fait apparaître, si on la lit en la rapprochant des textes pris en compte précédemment, une logique marchande.
En demandant aux différents établissements et services de se présenter comme offrant, sous forme contractuelle, dont la judiciarisation est déjà prévue en cas de litige, des prestations de services, la Loi 2002-2 les inscrit dans une logique marchande et concurrentielle. Elle les livre, dans le cadre du plan hôpital 2007, de la politique de réseau public-privé, des ARH, et des opérateurs de soin, à la reprise possible, par des associations prestataires de services, ou par des entreprises cotant en bourse, et visant la rentabilité. Elle inscrit les métiers du secteur Médico-Social dans la précarité d’un exercice de prestataires de service, ou de salariés d’une entreprise intéressée au profit.
Cette mise en concurrence selon les lois du marché ressemble fort aux règles de l’AGCS (mise en concurrence d’établissements ou services privés à but non lucratifs, et établissements ou services privés à but lucratif).
On sait également que la réforme de la Sécurité sociale, et la prise en charge des frais de soins et de santé souhaitée par notre gouvernement, fera une place de choix aux assurances privées, et probablement aux opérateurs de soin. De ce fait, l’obligation faite aux établissements et services du médico-social de faire valoir des prestations de service, et la possibilité pour celui qu’on appelle «  l’usager  » et sa famille de choisir le service correspondant à ses souhaits, fait lire ce qu’on voudrait nous faire prendre pour le respect des droits de la personne, comme une transaction marchande, une logique de l’offre et de la demande qui est une logique marchande. Le choix des financeurs, dont les assurances, sera celui du moindre coût, ou alors il faudra payer le prix fort.
La loi 2002-2 prévoit, pour chaque établissement ou service
Un Conseil de la vie sociale 
Il a pour objectif d’associer les personnes bénéficiaires des prestations au fonctionnement de l’établissement ou du service.
Il n’est pas fait mention de la vertu de soin de ce genre d’instance, soin passant par un collectif, de patients et de soignants.
Un Règlement de fonctionnement  :
Il définit les droits de la personne accueillie et les obligations et devoirs nécessaires au respect des règles de vie collective au sein de l’établissement ou du service.
Il zappe là aussi la vertu d’aide et de solidarité qu’on serait en droit d’attendre d’un règlement de vie collective.
La gestion de la vie communautaire n’implique plus aucune solidarité 
Des évaluations  : elles seront confiées à des entreprises privées qui se soumettront aux «  règles de bonnes pratiques  » ratifiées ou proposées par une commission de l’État.
Une judiciarisation: 
Toute personne prise en charge par un établissement ou un service social ou médico-social, ou son représentant légal, peut faire appel, en vue de l’aider à faire valoir ses droits, à une personne qualifiée, qu’elle choisit sur une liste établie conjointement par le représentant de l’Etat dans le département, et par le président du Conseil Général, après avis de la commission départementale consultative (la commission départementale consultative est composée «  de représentants des collectivités territoriales, des professions sanitaires et sociales, des institutions sociales et médico-sociales et des personnes accueillies par ces institutions ou susceptibles de l’être  »).
La personne qualifiée rend compte de ses interventions aux autorités chargées du contrôle des établissements ou services concernés, à l’intéressé ou à son représentant légal dans des conditions fixées par décret en conseil d’Etat.
On sait aujourd’hui que ces personnes «  qualifiées  » seront des bénévoles. On ignore si elles seront élues, désignées, par qui. On sait également que parmi les autorités compétentes auxquelles elles rendront des comptes, il y aura non seulement le Préfet et le Conseil Général, mais aussi les autorités judiciaires.
Avant même d’imaginer un échange tenant compte des enjeux psychiques comme dans le cas de personnalités sensitives, on judiciarise.
Si ce genre de conciliation échoue, il y aura alors recours au juridique.
La loi 2002-2 est manifestement une loi qui inscrit l’offre, la demande, le contrat, et le projet individuel, dans une logique marchande  ; il y a alors «  abandon de la notion d’intérêt général, fondatrice du contrat social, au profit de l’individualisme, et de la privatisation de l’espace public  » (André Bellon et Anne-Cécile Robert).
Elle répond au croisement de deux logiques que nous avions l’habitude de penser comme incompatibles, ce qui contribue à brouiller les cartes 
- Une logique libérale, où la   «  liberté  », et le «  droit de  »,  «    s’attachent à l’individu (…), à l’expression des qualités personnelles plutôt qu’aux vertus civiques  ». 
-        Une logique sociale, voire socialiste, du "  droit à  ", qui engage l’obligation de fournir des prestations égalitaires pour tous, garantit les libertés individuelles sans nuire au vivre ensemble. Son outil ne saurait être le contrat, mais l’imposition de normes garantissant au plus faible des droits égalitaires  d’après Olivier Canni). 
 
La Loi 2002-2 fait référence à un Etat qui "  accrédite une vision procédurale de la démocratie  , un Etat arbitre.
"cette perspective, l’État ne saurait avoir d’autre rôle que celui de garantir la viabilité de l’espace commun, en assurant en particulier les fonctions de police et de défense.  . "’Etat de droit  ", notion typiquement libérale, "la soumission du politique au droit  ". Voir à ce propos les médiateurs, le règlement de fonctionnement.
La loi 2002-2 est née de la volonté de prévenir la maltraitance dans les établissements et services du Médico-Social. Elle est issue d’une préoccupation venant des maisons de retraite.
Le respect des droits de la personne sera le «  droit de  »
- ne pas être frappé
- ne pas être volé
- ne pas être violé,
mais certainement pas le «  droit à  » des prestations égalitaires, par leur qualité et par leur coût, pour tous.
Pour conclure, je reprendrai cette même phrase dAndré Bellon et d’Anne-Cécile Robert, dans «  Un Totalitarisme tranquille  »  :
«  Dans cette perspective, l’Etat ne saurait avoir d’autre rôle que celui de garantir la viabilité de l’espace commun, en assurant en particulier les fonctions de police et de défense.  » Il s  agit, disent-ils, d’un «  État de droit  » qui «  s’oppose à la conception d’un Etat qui soit autre chose qu’un arbitre  ».
Françoise TOMENO, Psychologue, Psychanalyste, groupe Attac Santé Touraine.
Atelier «  La Psychiatrie en Europe  », Commission Santé, ATTAC France, 15 Novembre 2003.
FORUM SOCIAL EUROPEEN 2003.
TEXTES DE REFERENCE
-        Loi 2002-2 rénovant la loi de 75
-        Commentaire de cette loi par Pierre Verdier, Journal des Jeunes n°226, juin 2003
-        Commentaire de cette Loi par Olivier Canni  : intervention dans un établissement lors d’une journée de formation.
-        Rapport sur l’»  Evolution des métiers en santé mentale  », Avril 2002.
-        Rapport Berland sur le transfert des compétences, Octobre 2003
-        Rapport Piel Roelandt, 2001
-        Rapport Cléry-Melin, Octobre2003
-        Rééducation, réadaptation, thérapie  - Communication introductive aux XXVIIIes Journées d  Etudes de l’ALFPHV (Association de Langue Française des Psychologues travaillant auprès de Handicapés de la Vue)  - Françoise Tomeno, juin 1997.
-        Propositions du MEDEF: Novembre 2001
-        «  Un totalitarisme tranquille  », d’André Bellon et Anne-Cécile Robert. Editions Syllepse.
-       
ANNEXES
AGCS
Accord Général sur le Commerce des Services.
Cet accord fait partie des Accords de Marrakech qui ont institué l'OMC,
Organisation Mondiale du Commerce, signés en 1994.
Il comporte trois clauses:
1) Le Traitement de la nation la plus favorisée  qui veut que si un pays accorde un traitement de faveur aux entreprises d’un deuxième, tout troisième pays peut exiger le même traitement pour ses propres entreprises.
       
2) Le Traitement national qui veut qu’un pays accorde aux entreprises étrangères le même traitement que celui qu’il accorde à ses entreprises du même type.
       
3) L’accès au marché qui interdit à un pays de limiter le nombre d’entreprises étrangères qui s’installent sur son territoire, de limiter la participation de capital étranger et de limiter le nombre de travailleurs étrangers (sous contrat temporaire).
et met en place de l'ORD, Organe des Règlements des Différends 
Si un service s’estime lésé par rapport aux règles de l’AGCS, il pourra faire appel à «  l’Organe de Règlement des différends  ». Il s’agit d’une instance créée par l’OMC. Elle tranchera selon les règles de l’AGCS. La mise en place de l'ORD va donc mettre en péril l'existence et le fonctionnement des services publics.
Ainsi, les subventions données aux services publics de santé seront au mieux réduites à la portion congrue, entraînant à terme la privatisation de ce secteur (comme celui de l'éducation etc.).
L'OMC va jusqu'à considérer le système de Sécurité Sociale comme pouvant faire obstacle au commerce: un fournisseur de service privé pourra se plaindre auprès de l’ORD d'être affecté par les remboursements de Sécurité Sociale.
Il va mettre en péril l'existence et le fonctionnement des services publics.
Les différents modes
Mode 1 La prestation transfrontalière
C’est le service lui-même qui passe la frontière, en partant d’un pays pour être consommé dans un autre
Mode 2 La consommation à l’étranger
Ici c’est le consommateur qui passe la frontière
On retrouve là ce qui se passe dans le médico-social avec la Belgique  remplace l’absence de services en France. S’y ajoutera la concurrence des coûts indépendamment de la qualité des soins.
Mode 3 L’établissement
C’est le fournisseur qui passe la frontière pour venir investir et s’implanter dans un pays étranger.
Mode 4 Le mouvement temporaire des personnes physiques
C’est ici le fournisseur du service qui passe la frontière mais cette fois sous forme d’un déplacement physique de personnes pour une période limitée, comme la réalisation d’une mission d’audit d’expertiser.
ARH
Les ARH, Agences Régionales de l’Hospitalisation, qui vont devenir des ARS, Agences Régionales de Santé, sont des éclaireurs en matière de collaboration public-privé.
Créées par les ordonnances d’avril 1996 dans le cadre du plan Juppé (pas de loi, donc pas de discussion parlementaire à leur sujet), elles avaient pour but la «  restructuration hospitalière, c’est-à-dire en fait la fermeture d’un certain nombre de structures de soin, établissements publics, établissements privés participant au service public hospitalier (dits PSH),, dans le cadre d’une meilleure gestion comptable de la Santé. L’objectif était de diminuer l’offre de soins afin de diminuer la demande, avec, en corollaire la suppression de très nombreux emplois.
En fait, leur but non avoué semble avoir été de détourner les patients du service public et de permettre au privé de développer les services les plus rentables.  » (Antoinette Karkinsky)
MÉDICO-SOCIAL: L’HÉRITAGE DE VICHY
En France, les enfants, puis plus tard les adultes «  handicapés  » ont été pris en charge par ce qui s’est appelé «  le «  secteur médico-social  ». Le médico-social est né à partir de 1942, pendant le gouvernement de Vichy, tristement célèbre. Il s’est appuyé sur une idéologie et une politique de la jeunesse caractéristique des mouvements totalitaires de cette époque. Le terme d’  «    Enfance Inadaptée  » est également né à cette période de l’histoire politique de la France. Il aura la vie longue.
Dans les deux cas, la mission de service public était confiée au privé, sous la forme, progressivement, d’associations à but non lucratif, relevant d’une loi, la Loi 1901.
Cette création s’est appuyée sur un rapport du public et du privé qui ressemble fort à ce qui se met en place actuellement au niveau mondial, et par là - même européen. Il me semble qu’on peut appliquer à l’une et l’autre période cette phrase qu’on peut lire dans le livre dAndré Bellon et d’Anne-Cécile Robert, «  Un Totalitarisme tranquille  »  : «  Dans cette perspective, l’État ne saurait avoir d’autre rôle que celui de garantir la viabilité de l’espace commun, en assurant en particulier les fonctions de police et de défense.  » Il s  agit d’un «  État de droit  » qui «  s’oppose à la conception d’un Etat qui soit autre chose qu’un arbitre  ».
L’État se démet de sa responsabilité de création de service public, au profit du privé, fût-il non lucratif, et se réserve le contrôle.
Il y eut cependant, pendant cette période de 1942 à 1944, des différences dans la mise en place des structures d’aide à l’enfance malheureuse. Une tendance, proche du gouvernement de Vichy, s’appuyait sur une politique de la Jeunesse et de la Famille toute du côté de l’ordre moral, et les acteurs étaient surtout «  les clercs, les notables  »    ; c’était plutôt la tendance du sud, de la zone dite «  libre  ».
Une autre tendance était celle de la zone occupée, plus proche de la Résistance, de la revendication d’un mouvement républicain et laïc; elle s’étayait du courant de la neuropsychiatrie de l’enfant, avec moins l’idée de «  redresser  » que celle de soigner. On retrouve de ce côté-là également le scoutisme et les mouvements de la JOC, JEC.
Ce secteur du médico-social, après la Libération, tout en maintenant l’ambiguïté de ce rapport du public et du privé, a assuré, et la plupart du temps très bien, la mission de service public qui lui a été confiée. La place de certains mouvements de jeunesse comme le scoutisme (confessionnel ou laïc), et des mouvements précités (JOC, JAC, JEC), ainsi que la traversée alors récente de la Résistance, des camps de concentration, et des camps de prisonniers, qui avaient donné l’expérience d’une transversalité porteuse de solidarité et d’aide, avaient fait prendre corps à cette notion de solidarité, et à un savoir-faire par le groupe, par un Collectif. S’il n’était pas sans ambiguïté, il a cependant donné naissance à une pratique qui, quand il s’est agi d’affirmer la place du soin de façon plus explicite dans ce secteur, a permis de ne pas réduire celui-ci aux seules psychothérapies  ; on a pu reconnaître que les groupes éducatifs, sous réserve d’un certain type de travail, étaient eux-mêmes porteurs de soin psychique.
Par la suite, et du fait du vieillissement de la population accueillie, le secteur médico-social a consacré une partie de son exercice à une population adulte. Différentes structures ont été créées, associant ou non un exercice professionnel pour les patients. Parmi les plus récentes, les MAS, Maisons d’Accueil Spécialisées. Au passage de cette évolution, il y a une déperdition de la reconnaissance et de la pratique de ce savoir-faire du soin dans un cadre collectif et solidaire. D’où, pour une part, le grand désarroi des professionnels, et une apparition de nombreuses manifestations de violence.
ENFANCE INADAPTÉE, L’HÉRITAGE DE VICHY.
Michel Chauvière
1980
Notion d’enfance inadaptée
Proposée et adoptée par le Conseil technique de l’enfance déficiente et en danger moral, vers la fin de 1943.
C’est après 1940, et surtout entre 1942 et 1948, qu’émerge et se développe en France le dispositif nouveau que nous nommons depuis Secteur enfance inadaptée.
Au-delà des prises en charge inégales, la totalité des enfants «  inassimilables  » (ceux qu’on dira «  enfants inadaptés  » après 1943) fait l’objet,, à partir de 1942 d’un plan cohérent et opérationnel de sauvetage, remarquable en particulier par les fonctions dévolues à des Associations Régionales de Sauvegarde de l’Enfance et de l’Adolescence (ARSEA), par l’apparition des premières écoles de cadres rééducateurs, dans un contexte de grande sollicitude à l’égard de la jeunesse, comme le sont tous les régimes à tendances totalitaires. Car c’est bien le régime de Vichy qui porte et imprègne de telles initiatives, que la Libération se contentera de reconduire et d’étendre, échouant à tenter d’y modifier quelque peu le statut de l’initiative privée et l’idéologie ambiante.
Ce travail repose sur l’hypothèse que nous vivons encore aujourd’hui (1980) des enjeux principaux dressés au moment de cette édification-là, c’est-à-dire précisément entre 1940 et 1950. Un certain socle institutionnel, enraciné en ces dates  ; nous paraît intact, en dépit des politiques qui se sont succédé (y compris les récentes lois se 1975), des pratiques nombreuses et contradictoires qui se sont accumulées et de la notion même d’inadaptation.
C’est à la guerre 1939-1940 et à ses conséquences sur le plan intérieur, l’occupation et le régime de Vichy, que l’on doit la mutation décisive des mentalités en matière d’enfances inassimilables, la définition et un début de réalisation d’une politique de la «  rééducation  ».