Mensonges et jusqu'au boutisme forcené
La politique de secteur en
psychiatrie sur quelques dizaines d’années a permis à un grand nombre d’équipes
d’organiser notamment dans les centres médico-psychologiques (ou dans d’autres
structures) , un accueil , une disponibilité , une écoute dans des lieux ouverts
et hospitaliers ,dans la cité au plus prés de la population ; ces lieux sont
pour le moment , souvent accessibles sans excès de formalité , sans fichage
excessif, sans paiement à l’acte et donc hors parcours de soins, à tous ceux qui
le souhaitent .. Cet accès direct , sans jugement, sans procédure ou protocole
pré-applicable , dans le respect de la différence , de la singularité , après
quelques années de fonctionnement sur ce mode , autorisera sans doute celui qui
souffre , qui parfois se sent étrange , sur la base du « bouche à oreille » avec
ou sans le soutien de proches à franchir les portes de la structure .. Ce n’est
qu’un commencement , cette alliance , cette confiance , il faudra constamment la
retravailler .. C’est ce travail de toute une équipe qui permettra de limiter
autant que possible , la crise, l’urgence, la contrainte .
Ce travail , en
quelques mois sera balayé par la mise en œuvre de cette loi qui renforce les
représentations stigmatisantes et coercitives de la psychiatrie. Pour les
centaines de milliers de nouveaux usagers annuels, évitement et défiance
viendront remplacer confiance et hospitalité. Les lieux d'accueil et de soin
seront inexorablement marqués par les rapports de force inhérents à la mise en
place de soins contraints en ambulatoire alors qu'ils ont vocation à être des
espaces d'écoute, d'accueil et de prévention.
L’ « enferment au dehors »,
avec « kit de vie » et traitement imposé et normalisé par des protocoles revient
à l’externalisation de l’asile , ou plutôt de son organisation,avec effacement
de l’individu .
Présenter la contrainte en ambulatoire comme une nouveauté
voir une avancée est une escroquerie visant à manipuler à la fois les élus et
la population, alors même qu’il s’agit d’une proposition de « légalisation » de
pratiques décrites comme abusives et dénoncées comme telles dans un rapport de
l’IGAS en mai 2005 ..
Mais plutôt que de durcir les contrôles pour imposer
une meilleure application,et limiter la contrainte à l’exception, la commission
se proposera d'assouplir ces mêmes mesures.!.. Elle choisira de faire de
l'exception la règle , pour que tout rentre dans l'ordre . Cette commission ne
fera que constater sans les analyser ou en évaluer les conséquences ,des écarts
entre les départements pouvant aller de 1 à 5 pour les HDT et de 1à 9 pour les
HO (hospitalisation sans le consentement antérieurement appelé internement) .Il
est pourtant peu probable que ces écarts soient liés au nombre de patients, à
leur état de santé ou leur situation mais plutôt à des pratiques différentes des
équipes de psychiatrie et des Préfets … La création,par exemple d’un
observatoire national de la contrainte n’a pas été envisagée ..
Le risque
zéro n’existe pas , et surtout « les violences »sont médiatisées de manières
très inégales essentiellement en fonction du marché qu’elles représentent , et
de l’instrumentalisation permise par un pouvoir qui s’en nourrit
.
L’obstination politicienne , la fascination pour l’omniscience supposée du
leader , le mensonge et la manipulation confirmée s’il le fallait par le
réajustement récent de l’une des associations d’usagers présentée comme
favorable à la loi qui est proposée au vote lundi à l’assemblée ,vont donc
provoquer une régression sans précédent dans l’accès et l’organisation des soins
en psychiatrie .
L’urgence résidait pourtant dans le renforcement de la
capacité à accueillir, de soutenir la politique de secteur là ou elle est en
place et de la rétablir là ou elle n’est plus ou pas encore .
La différence
avec les scandales ou catastrophes sanitaires précédentes , c’est que les
coupables en se manifestant par leur vote dans les deux assemblées engageront
ainsi leur responsabilité.
Pierre Paresys vice président de l’Union
syndicale de la Psychiatrie le 30 mai 2011