Appel de Saint Alban

Ce 18 juin 2011 de Saint Alban, qui fut ce haut-lieu de la Résistance et de la création du mouvement d’analyse institutionnelle dans les années 40, les 550 participants aux Rencontres Annuelles de Psychothérapie Institutionnelle dans l’hôpital François Tosquelles déclarent solennellement leur refus et manifestent aujourd’hui leur soutien à l’Appel du Luxembourg, lancé le 15 juin 2011 par le collectif des 39 contre La Nuit Sécuritaire : Cette loi adoptée, nous la refuserons et demandons son abrogation !

Depuis plusieurs mois, la majorité des professionnels et les citoyens ayant à cœur une hospitalité pour la folie à rebours des préjugés sécuritaires actuels, ont dénoncé la déraison d'Etat qui s’est exprimée par le vote du projet de loi « relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et, aux modalités de leur prise en charge ».

Malgré nos propositions, il n'y a pas eu de sursaut républicain des élus de la majorité gouvernementale et pourtant, une fois votée, cette loi va rendre beaucoup plus compliqués l’accès aux soins et la continuité des soins pour les patients et leurs familles. Elle désorganisera la majorité des services de psychiatrie publique dès le 1er août 2011, fera pression sur des administrations prises de court (ARS, préfectures, justice) et elle n’améliorera pas la possibilité des recours garantissant les libertés.

Cette loi bientôt adoptée, il ne reste plus que le sursaut des professionnels et des citoyens afin d’empêcher une catastrophe sanitaire sans précédent pour la psychiatrie.

Ethiquement, nous ne pouvons accepter cet ensemble de mesures qui n’a plus vocation à soigner mais à créer l’illusion que les psychiatres, les juges, les directeurs d’hôpitaux et les préfets pourraient garantir l’ordre social aux moyens de recettes gestionnaires et sécuritaires qui n’ont jamais fait leurs preuves.

Il est plus que jamais nécessaire, dans le champ de la psychiatrie, de se recentrer sur la mission soignante en élaborant, avec les patients et leur famille, des pratiques de soins au cas par cas et au long cours, quand elles le nécessitent. Nous ne saurions rester impuissants face à ce texte idéologique, discriminatoire et promouvant la délation tout en détruisant la relation de confiance « soignants – soignés ».

Ce texte dangereux consacre la rupture du secret professionnel, la fin de l’indépendance professionnelle qui sera désormais soumise à « un programme de soins » dicté par le Conseil d’Etat.

Par nécessité éthique afin de maintenir une possibilité de soin relationnel nécessaire à toute personne en grande souffrance psychique, qu’elle puisse ou non consentir aux soins, nous appelons tous les soignants en psychiatrie, les patients, les familles et tous les citoyens à refuser solennellement cette loi et à résister à cette indignité.

Ici à partir de Saint Alban, nous nous engageons à rechercher les modalités précises et pratiques pour soutenir une hospitalité à la folie, garantir la dignité des patients, et maintenir vivant notre métier, nous appuyer sur notre éthique de soignant et refuser toutes les entraves à la rencontre, à la relation thérapeutique, et à la continuité des soins. Par exemple :

- Nous nous opposerons à tout ce qui peut conduire à la levée du secret médical et l’indépendance professionnelle,

- Nous refuserons l’application des « programmes de soins » imposés à tous les professionnels,

- Nous refuserons de faire les certificats de maintien en hospitalisation sur le simple examen du dossier du patient, comme le prévoit la loi,

- Nous refuserons les « vidéo-audiences » pour les patients dont l’état ne permet pas de se rendre au tribunal pour rencontrer un juge des libertés,

- Nous n’abandonnerons pas la continuité des soins pour les patients suivis régulièrement au nom d’une priorité qui nous serait imposée pour les patients mis en « soins » sans consentement en ambulatoire ou hospitalisés.